Virologie, physique, génétique... La recherche européenne attaque le coronavirus tous azimuts

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Par Julian GOMEZ
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Face à la COVID-19, toutes les pistes sont explorées dans l'ensemble des champs scientifiques avec le soutien du Conseil européen pour la recherche. À Hambourg, un projet fait avancer les connaissances sur la structure des protéines du SARS-CoV-2.

Les lasers ultraviolets, la spectrométrie de masse, l'ADN, les plateformes vaccinales, les structures de protéines... Les chercheurs européens explorent toutes les pistes pour lutter contre la COVID-19. Cet effort d'ampleur dans la recherche fondamentale réunit des virologues bien sûr, mais aussi des physiciens, chimistes, généticiens ou encore informaticiens. Et ils sont nombreux à estimer pouvoir bientôt en récolter les premiers fruits.

Les scientifiques de l'institut Heinrich-Pette - Institut Leibniz pour la virologie expérimentale de Hambourg veulent, dans le cadre du projet de recherche SPOCk’S MS, démasquer l'insaisissable structure des protéines qui permet aux coronavirus dont le SARS-CoV-2 de se répliquer rapidement à l'intérieur des cellules humaines. Un passage obligé selon eux pour renforcer leurs connaissances dans l'objectif de développer des traitements ou des vaccins.

Des protéines bien spécifiques

​La première étape consiste à produire ces protéines dans différents types de cellules. Un défi immense selon les chercheurs.

"Les protéines doivent être produites dans différents types de cellules et certaines ne nous facilitent pas la tâche : c'est toujours un peu compliqué," fait remarquer Boris Krichel, virologue de l'institut. "Ces protéines sont par exemple, trop grosses ou sont modifiées : c'est pour cela que nous devons prendre des types de cellules bien précis pour qu'elles se présentent de telle manière que nous puissions les étudier," dit-il. ​

Ce travail s'annonce crucial, explique​ Boris Krichel : "La mission de ces protéines, c'est la multiplication du génome viral. Et quand nous saurons comment les différents éléments fonctionnent et de quoi ils se composent, alors nous pourrons utiliser ces connaissances pour développer des médicaments qui de manière spécifique, bloquent ces protéines-là,"​ souligne-t-il.

Les atouts de la spectrométrie de masse

Les chercheurs ont leur arme secrète pour analyser les protéines une fois produites : la spectrométrie de masse.

Les spectres obtenus sont utilisés pour déterminer l'identité chimique ou la structure d'une protéine donnée.

​"Je peux par exemple utiliser le spectromètre de masse pour mesurer à la fois, la protéine et une substance qui peut s'associer à la protéine," explique ​Kira Schamoni, biologiste moléculaire au sein de l'institut de Hambourg. "Donc je commence par mesurer la protéine seule, puis la protéine avec la substance : grâce au spectromètre de masse, je peux voir si les deux sont liées et je peux aussi analyser la solidité de ce lien et c'est quelque chose d'important dans le développement de médicaments par exemple," précise-t-elle.

​En général, on étudie ces protéines grâce à des techniques comme la cristallographie ou encore la microscopie électronique. Mais ces chercheurs leur préfèrent la spectrométrie de masse car ils y voient de grands avantages.

Compléter les autres techniques structurales

​​"Grâce à la spectrométrie de masse, on peut obtenir une représentation des différents états dans lesquels une protéine se trouve de manière simultanée," indique Charlotte Ütrecht, coordinatrice du projet SPOCk’S MS et virologue structurale à l'institut Heinrich-Pette - Institut Leibniz pour la virologie expérimentale. "On peut voir si elle s'est modifiée et si elle peut passer à un autre état du fait de cette modification," poursuit-elle.

"Dans le cadre de ce projet," renchérit-elle, "nous essayons aujourd'hui de développer encore la spectrométrie de masse pour que non seulement, elle vienne compléter la microscopie électronique ou d'autres techniques structurales, mais aussi pour qu'elle puisse atteindre un niveau de détail équivalent en termes de résolution."

​"Je peux utiliser un spectromètre de masse pour mesurer l'état natif d'une protéine, donc je peux vraiment mesurer la dynamique de la protéine : ce que je ne peux pas forcément faire avec d'autres méthodes de biologie structurale," fait remarquer sa collègue Kira Schamoni.

​D'un coronavirus à l'autre

L'équipe de ce projet soutenu par le Conseil européen de la recherche a entamé ses travaux sur la spectrométrie de masse et les structures des protéines de coronavirus en 2018.

Une étude qui aujourd'hui, s'avère extrêmement utile pour mieux comprendre la manière dont le virus SARS-CoV-2 se réplique et pour éventuellement développer davantage d'outils dans la lutte contre l'actuelle pandémie.

​"Les coronavirus représentent généralement, un défi en raison de la taille de leur matériel génétique : nous avons commencé le projet avec les coronavirus de type SARS et apparentés et nous essayons aujourd'hui de l'étendre au SARS-CoV-2," déclare Charlotte Ütrecht. "Les virus SARS-CoV et SARS-CoV-2 sont très, très similaires, donc les défis à relever se ressemblent beaucoup également," indique-t-elle.

​"Avec le leadership de l'UE, nous travaillons pour tous"

Des projets comme celui-là, il y en a des dizaines menés actuellement avec le soutien de l'Union européenne sous la forme de différentes initiatives pour enrayer la pandémie de COVID-19.

​Il s'agit notamment de travaux visant à développer de nouveaux vaccins, traitements et diagnostics. Ils s'inscrivent dans un vaste effort européen qui a pour objectif de délivrer des résultats et établir une base commune de connaissances en combinant recherche appliquée et fondamentale comme le souligne la Commissaire européenne en charge de la recherche et de l'innovation Mariya Gabriel.

"L'Europe représente 7% de la population mondiale, mais 20% des investissements en recherche et innovation et 21% des publications scientifiques de plus haut niveau dans le monde," précise la Commissaire à Sofia. _"Nous avons besoin par exemple dans le cadre d'Horizon Europe, de soutenir le Conseil européen de la recherche pour pouvoir garder cette capacité d'avoir une recherche qui est menée par la curiosité, qui est menée à la frontière de la connaissance pour pouvoir anticiper,"_ insiste-t-elle.

C'est toute la mission du programme-cadre "Horizon Europe" pour la recherche et l'innovation. Il doit démarrer et être mis en œuvre dans un contexte particulièrement délicat. "Les deux premiers défis restent de continuer à investir massivement dans la recherche et l'innovation puisque la crise nous a montré à quel point ils sont critiques si on veut offrir des solutions qui permettent à notre économie et à notre société d'être mieux préparés pour les prochaines crises et le deuxième élément, cela reste la coopération et la coordination," estime Mariya Gabriel.

"Nous sommes tous conscients que le virus ne connaît pas de frontières, donc il est plus qu'important de continuer dans cette direction d'avoir de la coopération internationale et de la coordination globale pour - avec le leadership de l'Union européenne - affirmer que nous travaillons pour tous," insiste la Commissaire.

Savoir comment la machinerie fonctionne

À Hambourg, le projet de l'institut Heinrich-Pette pourrait avoir une portée plus vaste.

Les chercheurs indiquent que leur technique ne se limite pas aux coronavirus ou aux virus, mais qu'elle peut s'appliquer à n'importe quel complexe de protéines.

C'est la beauté même de la recherche fondamentale selon eux.

​"Prenons une machine comme une voiture : quand on la regarde de l'extérieur ou qu'on écoute le bruit qu'elle fait, on ne peut pas en déduire comment elle fonctionne," fait remarquer Charlotte Ütrecht, coordinatrice du projet SPOCk’S MS.

"C'est pour cela qu'il faut observer le moteur en détail, le voir en train de fonctionner, peut-être même l'enlever et le démonter pour voir la fonction de chaque élément et c'est exactement ce que la biologie structurale essaie de faire : observer chacune des protéines ou bien, leurs complexes et toute la machinerie au travail," dit-elle.

​​Les chercheurs se disent satisfaits des résultats qu'ils ont obtenus jusqu'à présent, mais ils estiment devoir poursuivre leurs travaux pour pouvoir surmonter les limites des technologies actuelles.

Leur projet devrait se poursuivre jusqu'à la fin 2022.

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