Accord commercial post-Brexit : les risques en cas de no-deal

Camions arrivant pour embarquer sur les ferries le matin après le Brexit qui a eu lieu, au port de Douvres, en Angleterre, le samedi 1er février 2020.
Camions arrivant pour embarquer sur les ferries le matin après le Brexit qui a eu lieu, au port de Douvres, en Angleterre, le samedi 1er février 2020. Tous droits réservés Matt Dunham/AP
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Par Alasdair Sandford
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Echanges de biens, de services, pêche, justice, asile... Sans accord commercial entre le Royaume-Uni et l'UE, de nombreux domaines vont être affectés.

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En menaçant de retirer le Royaume-Uni des négociations commerciales post-Brexit avec l'UE, le Premier ministre britannique Boris Johnson a encore accentué les tensions dans un processus déjà bien fragile.

Qu'un accord soit conclu ou non sur les liens futurs entre le Royaume-Uni et l'UE, des changements importants sont à prévoir une fois la période de transition expirée le 31 décembre. Le Royaume-Uni, qui quittera en effet le marché unique et l'union douanière de l'UE à cette date, cherche à la fois à conclure un accord de libre-échange et à bénéficier d'une indépendance maximale par rapport aux règles communautaires.

Toutefois, l'absence d'accord entraînerait une rupture des relations existantes. Il en résulterait un accroissement des tensions commerciales, un affaiblissement des liens autour des questions de sécurité et la fin de nombreux autres accords mutuels.

Voici un aperçu des principales différences entre le scénario "accord" et le scénario "sans accord" en ce qui concerne les relations futures entre le Royaume-Uni et l'Union européenne.

En ce qui concerne les échanges de marchandises

De grands changements sont à l'horizon, compte tenu du fait que le Royaume-Uni se retire du marché unique et de l'union douanière et ce, même en cas d'accord commercial. Il y aura deux régimes douaniers et réglementaires différents, ce qui entraînera des formalités administratives supplémentaires et des contrôles aux frontières pour vérifier les normes et la conformité juridique.

Si aucun accord n'est conclu, l'UE et le Royaume-Uni échangeront selon les conditions de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

Des droits de douane et des quotas peuvent être appliqués même en cas d'accord commercial ; les deux parties cherchent actuellement à les éviter. Toutefois, une absence d'accord risque d'être plus coûteuse pour les commerçants en termes de droits de douane. Le droit de douane de l'UE pour les pays tiers, dont le Royaume-Uni ferait partie s'il n'y a pas d'accord au final, est de 10 % pour les importations de voitures et de 90 % pour certaines importations d'agneau.

Les déclarations en douane seront coûteuses même en cas d'accord. Mais l'absence d'accord pourrait éliminer les possibilités de simplifier les procédures, par exemple par le biais de systèmes de confiance entre partenaires commerciaux. L'UE prévoit de mettre en place des contrôles douaniers complets à partir de janvier, tandis que le Royaume-Uni prévoit d'échelonner leur installation sur une période de six mois.

D'autres contrôles réglementaires complets sont prévus, qu'il y ait accord ou non. L'UE et le Royaume-Uni mettront en place deux systèmes différents en matière de normes, ce qui entraînera davantage de formalités administratives et de coûts. Toutefois, un accord pourrait réduire les contrôles physiques pour les importations de produits agroalimentaires, ce qui est primordial pour l'Irlande du Nord, un important importateur de Grande-Bretagne.

Selon l'industrie chimique britannique, l'absence d'accord sur le partage des données avec l'UE entraînera des frais administratifs supplémentaires d'un milliard de livres sterling (1,11 milliard d'euros). Un traité de reconnaissance mutuelle permettrait de réduire ces coûts, mais le Royaume-Uni a pour objectif de s'écarter des réglementations européennes applicables aux médicaments, aux produits chimiques et aux biens industriels.

En ce qui concerne les transports

Transport routier : En l'absence d'accord, les transporteurs britanniques et européens n'auraient plus le droit d'opérer sur le territoire de l'autre partie. Cela pourrait être très dommageable pour les camions de l'UE, qui constituent la grande majorité des camions arrivant quotidiennement dans le port anglais de Douvres.

En lieu et place, les opérateurs auraient besoin de permis dans le cadre du système européen, mais les quotas sont limités : le nombre de permis délivrés est bien inférieur au nombre de conducteurs actuellement en activité. On craint donc une grave perturbation des échanges commerciaux. Un autre point d'interrogation concerne la reconnaissance mutuelle des permis de conduire et des normes professionnelles entre le Royaume-Uni et l'Union européenne.

Dans le cadre des négociations en cas de "no-deal" en 2019, l'UE a déclaré qu'elle autoriserait les camions britanniques à accéder temporairement à son territoire pendant neuf mois.

Transport ferroviaire : Accord ou pas, il y aurait peu de différence pour les opérateurs et les conducteurs internationaux. Ils devront se conformer à deux systèmes différents à partir de 2021. Mais l'échec d'un accord bilatéral entre le Royaume-Uni et la France pour le tunnel sous la Manche pourrait entraîner des perturbations si les normes de chaque côté divergent.

Transport aérien : En 2019, les deux parties ont convenu de préserver les connexions principales en cas de no-deal. Mais il est peu probable que les compagnies aériennes britanniques puissent assurer des liaisons au sein de l'UE, et vice versa. Les services pourraient être restreints car le Royaume-Uni aurait besoin d'accords bilatéraux avec des pays à l'intérieur et à l'extérieur de l'Europe. Même en cas d'accord, l'accès du Royaume-Uni à l'UE serait limité et la réglementation serait plus complexe, car le Royaume-Uni se retire également de l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA).

En ce qui concerne les échanges de services

Sans accord, l'UE et le Royaume-Uni pourraient ne pas reconnaître leurs qualifications professionnelles respectives, bien que les États membres puissent prendre des décisions unilatérales.

Les entreprises de l'UE devront se conformer aux règles d'établissement du Royaume-Uni pour opérer en Grande-Bretagne, tandis que les entreprises de services britanniques devront satisfaire aux exigences strictes de l'UE en matière de "pays tiers" pour s'établir sur le continent. Certaines grandes entreprises ont déjà pris des mesures préventives.

Les voyages d'affaires de courte durée des prestataires de services entre le Royaume-Uni et l'UE risquent également d'être soumis à des formalités administratives et à des coûts supplémentaires.

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En ce qui concerne les services financiers, à moins qu'un accord ne soit conclu, les entreprises britanniques n'auront plus le droit de proposer des services dans les pays de l'UE. Les conseillers et les compagnies d'assurance basés au Royaume-Uni risquent de voir leur capacité à opérer dans l'UE limitée.

Les entreprises britanniques seront peut-être obligées de recourir à des accords d'"équivalence" bilatéraux, dans lesquels un État reconnaît les exigences d'un autre État en matière de services.

À moins que l'UE ne juge le système de protection des données du Royaume-Uni adéquat, il pourrait devenir plus difficile de transférer des données de l'UE vers le Royaume-Uni. Les services de police des deux parties pourraient également avoir plus de difficultés à partager les informations utiles aux enquêtes criminelles.

En ce qui concerne la pêche

Un scénario no-deal, sans accord, pourrait permettre aux bateaux de pêche britanniques de pêcher plus de poissons dans les eaux britanniques par rapport à un accord qui pourrait imposer des restrictions. Le Royaume-Uni et l'UE auraient tous deux des droits exclusifs dans leurs propres eaux, et chacun d'eux devrait obtenir une autorisation pour opérer sur le territoire de l'autre.

Toutefois, les exportateurs britanniques vers l'UE seraient gravement lésés si, comme c'est probablement le cas en l'absence d'accord, des droits de douane et des contrôles réglementaires stricts sont imposés par l'UE

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Le droit international prévoit des négociations annuelles concernant l'accès aux zones de pêche, ce que le Royaume-Uni souhaite dans le cadre d'un accord, mais auquel l'UE s'oppose.

En ce qui concerne la sécurité et la justice

L'absence d'accord sur les questions de police et de justice pénale rendrait plus difficile l'extradition des criminels entre le Royaume-Uni et l'UE, et ce, dans les deux sens. Le Royaume-Uni perdrait aussi son accès au mandat d'arrêt européen et aux bases de données de l'UE. L'UE perdrait, elle, les avantages de la contribution du Royaume-Uni au maintien de l'ordre dans l'ensemble de l'UE.

D'autres systèmes sont disponibles, mais ils sont moins efficaces et dépassés. De plus, même en cas d'accord, la décision du Royaume-Uni de ne pas accepter la compétence de la Cour de justice européenne (CJE) risque d'affaiblir la coopération en matière de sécurité.

Quelles nouvelles règles en matière d'asile ?

Certaines dispositions du droit européen en matière d'asile peuvent rester en vigueur au Royaume-Uni après la fin de la période de transition jusqu'à ce qu'elles soient expressément abrogées.

Les règlements de Dublin permettent, dans certaines circonstances, aux États membres de l'UE de renvoyer les demandeurs d'asile dans un pays de l'UE qu'ils ont traversé. Toutefois, une fois en dehors de l'UE, le Royaume-Uni risque de trouver les autres pays moins disposés à accueillir ces demandeurs d'asile.

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Cette question ne fait pas partie des négociations actuelles. Cependant, le Royaume-Uni – qui a tenté de renvoyer les migrants qui ont traversé la Manche dans de petites embarcations – souhaite un nouvel accord. L'UE aurait pour l'instant rejeté les propositions britanniques.

Cette situation soulève la possibilité qu'il n'existe pas dans le futur de mécanisme juridique européen permettant au Royaume-Uni de renvoyer les demandeurs d'asile vers d'autres pays.

Au lieu de cela, le Royaume-Uni s'appuiera probablement sur les traités bilatéraux qu'il a déjà conclus avec d'autres pays, comme la France, bien que ces accords ne couvrent pas les personnes qui arrivent au Royaume-Uni et y demandent l'asile.

Ce qui ne changera pas

Quelle que soit l'issue des négociations commerciales, l'accord de divorce qui a fixé les conditions du départ du Royaume-Uni de l'UE en janvier dernier reste en place et fait foi de traité international.

Le Royaume-Uni se dotera d'une nouvelle politique d'immigration à partir de janvier 2021. Toutefois, l'accord de retrait protège les dispositions relatives aux citoyens de l'UE qui vivent déjà au Royaume-Uni et aux Britanniques qui résident sur le continent.

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Il couvre également les obligations financières du Royaume-Uni envers l'UE, ainsi que les dispositions visant à éviter une frontière fixe entre l'Irlande du Nord et la République d'Irlande. Il en résultera une augmentation des formalités administratives et des coûts entre la Grande-Bretagne et l'Irlande du Nord, laquelle respectera certaines règles de l'UE.

Sources additionnelles • Thomas Seymat

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