Présidentielle iranienne : l'ex-président Ahmadinejad boycottera le scrutin

Mahmoud Ahmadinejad
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Par Anelise BorgesEuronews
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Empêché de candidater, l'ex-président iranien Mahmoud Ahmadinejad boycottera le scrutin présidentiel de vendredi. Entretien exclusif à Euronews.

C'est dans un contexte tendu que les Iraniens doivent élire leur président ce vendredi. Alors que les négociations sur le programme nucléaire de la république islamique patinent à Vienne, le pays fait face à une grave crise économique, amplifiée par les sanctions internationales.

L'un des défis de ce scrutin sera d'inciter les Iraniens à se rendre aux urnes. D'après un récent sondage seuls 36% des électeurs ont l'intention de voter. L'ancien président Mahmoud Ahmadinejad (2005-2013) a d'ores et déjà annoncé faire partie des abstentionnistes, sa candidature ayant été invalidée par le Conseil des Gardiens de la Constitution. Notre journaliste Anelise Borges s'est entretenue avec lui dans The Global Conversation.

Anelise Borges, Euronews : Puis-je commencer par vous demander votre réaction à la décision du Conseil des Gardiens de vous empêcher de vous présenter ? Et votre avis sur ce que la sélection des candidats dit de l'Iran d'aujourd'hui ?

Mahmoud Ahmadinejad : Au nom de Dieu, le Compatissant, le Miséricordieux. O' Dieu, puisses-tu hâter l'avènement du sauveur, et lui accorder santé et triomphe. Et accorde-nous, les meilleurs de ses partisans et ceux qui ne ménagent pas leurs efforts, son avènement.

Tout d'abord, permettez-moi de vous saluer, vous et vos collaborateurs, et tous ceux qui vont regarder, écouter ou lire cette émission.

J'ai été invité à être candidat cette fois-ci. De grands groupes de personnes de tout le pays ont insisté pour que je me porte candidat et j'ai accepté. Mais sans raison particulière, j'ai été retiré de la liste finale des candidats. Aujourd'hui, je ressens la responsabilité de soutenir l'intérêt du peuple et de réformer le mécanisme qui a fait que la volonté de la majorité du peuple a été écartée.

L'Iran, comme d'autres parties du monde, a besoin de réformes fondamentales
Mahmoud Ahmadinejad
ex-président iranien

Anelise Borges, Euronews : Pourquoi vouloir être à nouveau président ? De quoi a besoin le pays, et en quoi seriez-vous le plus à même de réaliser cela ?

Mahmoud Ahmadinejad : Comme je l'ai dit, cette fois-ci, les gens m'ont demandé d'être candidat. Des millions de personnes de tout le pays sont venues chez moi et ont participé à des rassemblements ; elles ont envoyé des lettres et des messages ; elles ont insisté pour que je me lance dans la course. Et donc, pour répondre à la volonté du peuple, je me suis inscrit. Mais je pense que l'Iran, comme d'autres parties du monde, a besoin de réformes fondamentales - tout comme les États-Unis d'Amérique, l'Amérique du Sud, l'Europe, l'Afrique et l'Asie. Tous les pays ont besoin de changements fondamentaux pour faire respecter les droits du peuple. L'Iran, comme ces pays, a également besoin de changements fondamentaux. Et j'essaierai toujours d'aller dans cette direction.

Anelise Borges, Euronews : Puis-je vous demander plus de détails ? Qu'auriez-vous mis en place si vous aviez eu la possibilité de vous présenter aux élections ?

Mahmoud Ahmadinejad : La souveraineté appartient au peuple. Et le principe est que le peuple doit être totalement libre de déterminer son destin et son mode de vie. Aujourd'hui, parce que les gens ont été privés de leurs droits, nous sommes témoins d'une pauvreté généralisée, d'une inégalité croissante, d'une domination, de guerres et de conflits entre les nations. La course aux armements est une insulte aux êtres humains. Je pense que cette situation doit changer. Dieu a créé tous les êtres humains à partir du même principe. Notre Dieu est le même. Nous pouvons lui parler dans toutes les langues. Nous sommes tous de la même famille. Nous devons vivre ensemble. Les êtres humains ont été créés pour l'amitié, la coopération et l'amour. Ils n'ont pas été créés pour l'animosité, les combats et le pillage des richesses des autres. L'état actuel du monde ne semble pas guidé par les principes de l'humanité. Je pense que nous devons avoir des changements fondamentaux dans le monde.

Anelise Borges, Euronews : Comment voyez-vous l'administration sortante, pensez-vous qu'elle a réalisé quelque chose de positif ces huit dernières années ?

Mahmoud Ahmadinejad : Nous devons poser cette question au peuple. Les sondages montrent que la majorité des gens ne sont pas satisfaits de la performance du gouvernement au cours des huit dernières années.

Anelise Borges, Euronews : À l'heure où nous parlons, l'un des plus gros héritages de l'administration Rohani est une fois de plus en train de faire l'objet de négociations. Je parle de l'accord de Vienne, le JCPOA (ndlr acronyme anglais). Pensez-vous que les négociations doivent se poursuivre autour de l'accord nucléaire ?

Mahmoud Ahmadinejad : Je pense que l'administration actuelle est loin d'arriver à une conclusion. Si l’accord de Vienne, le JCPOA, devait se poursuivre dans son cadre précédent, il échouerait d'avance. Dans tout accord, l'équilibre entre les engagements et les responsabilités doit être respecté par les deux parties. Nous ne constatons pas cela. C'est pourquoi l'accord n'a pas résolu notre problème. Il a compliqué la situation et l'a rendue plus difficile à résoudre. L'accord sur le nucléaire doit respecter le droit international, la justice et le respect mutuel.

Nous aimerions que l'Union européenne sorte de l'ombre des États-Unis
Mahmoud Ahmadinejad
ex-président iranien

Anelise Borges, Euronews : Vous parlez de respect mutuel, vous parlez aussi de paix et de progrès, des objectifs présents dans l'accord.

Mahmoud Ahmadinejad : Ce n'est pas comme ça. Laissez-moi vous donner un exemple. Dans chaque accord, il y a une section destinée à résoudre les différends. Mais ici, six pays sont contre le programme nucléaire pacifique de l'Iran. Selon l'accord de Vienne, la résolution des différends doit impliquer un conseil de sept pays (l'Iran et les six autres signataires). Chaque pays dispose d'une voix, et chaque sujet doit recueillir sept voix pour être approuvé. Cela signifie que les droits du peuple iranien ne seront jamais appliqués dans le traité. C'est contraire aux lois et au droit international. Lorsqu'il n'y a pas d'équilibre, aucun accord ne peut être fructueux. M. Trump s'est retiré du traité de manière unilatérale et les autres pays n'ont pas pu l'en empêcher ou poursuivre l'application du traité.

Anelise Borges, Euronews : Avez-vous le sentiment que l'Union européenne a failli vis à vis de l'Iran lors de ces négociations, lorsqu'il s'agissait de ramener les États-Unis dans l'accord ?

Mahmoud Ahmadinejad : Laissez-moi vous dire, nous avons un souhait, mais nous ne savons pas s'il est réalisable. Nous aimerions que l'UE sorte de l'ombre des Etats-Unis. L'Europe pourrait avoir de bonnes relations avec l'Iran. Et les États-Unis aussi. Je pense que la coopération est le principe essentiel. Les mécanismes des cent dernières années ne peuvent plus être poursuivis, je veux dire le cadre dans lequel certains pays sont supérieurs aux autres. Cette période est terminée. Nous devons parler et coopérer d'égal à égal, avec justice et respect mutuel. Aucun pays ne devrait empiéter sur les droits d'un autre. Cela serait bénéfique pour tous les pays. Je vous dis que la situation du monde change rapidement.

Le colonialisme a atteint ses dernières étapes. La tendance à croire que certains pays sont supérieurs aux autres touche à sa fin. C'est contraire à l'humanité. Nous devons aller vers l'amitié, la compréhension et l'égalité des droits. Nous devons gérer le monde tous ensemble. Le manque d'équilibre entre les nations provoque des guerres, des courses à l'armement, des écarts de niveau social et de l'animosité. Il amène les nations à être séparées les unes des autres. Je crois que nous devons travailler ensemble. Nous devons être amis et avoir les mêmes droits. Nous sommes tous des êtres humains. Pourquoi y a-t-il des différences entre les gens ? Nous aimons avoir des relations amicales et respectueuses avec toutes les nations comme l'Europe et l'Amérique. Des relations basées sur la justice. Les superpuissances n'ont jamais été capables d'assurer le bien-être des gens.

Je ne voterai pas s'il n'y a pas de changement dans la décision du Conseil des Gardiens.
Mahmoud Ahmadinejad
ex-président iranien

Anelise Borges, Euronews : Vous parlez de gérer le monde en paix, de trouver des solutions pacifiques. Ce n'est pas une tâche facile. Surtout si l'on considère la vitesse à laquelle les politiques changent actuellement et la dynamique de la région mais aussi du monde entier. Les États-Unis ont maintenant une nouvelle administration. Pensez-vous qu'il y a de l'espoir pour un renouveau des relations entre les États-Unis et l'Iran maintenant que Joe Biden est président ?

Mahmoud Ahmadinejad : Il y a certainement un moyen, mais la condition est que nous reconnaissions les droits de l'autre. Nous avons besoin de justice et de respect mutuel. La confrontation entre les pays est inutile. Les peuples en sont les grands perdants. Seuls les groupes capitalistes en profitent.

Alors oui, c'est possible. Mais M. Biden doit montrer que la politique américaine a changé de manière concrète. Pour autant que je sache, la politique étrangère américaine est déterminée par des personnes puissantes dans les coulisses, et les présidents américains n'ont pas tant de pouvoir que ce que l'on nous fait croire. J'espère que des changements fondamentaux se produiront là-bas. Nous nous réjouirions de ce changement - et je pense que toutes les nations se réjouiraient d'un changement fondamental de la politique étrangère américaine. Je me souviens que lorsque M. Obama était candidat, il a promis plusieurs fois de changer ces politiques et les nations s'en sont félicitées. Mais malheureusement, il n'a pas tenu sa promesse et il a manqué l'occasion. J'espère que M. Biden saisira cette chance. Je pense que les élites éduquées des deux pays se réuniront et résoudront le problème.

Anelise Borges, Euronews : Le monde entier sera attentif au dépouillement des votes à la fin de la semaine. Quel est votre message au reste du monde concernant les ambitions futures de l'Iran ?

Mahmoud Ahmadinejad : Je pense qu'ils devraient regarder le peuple iranien. Ils devraient respecter les droits des autres nations. L'Iran a un grand peuple. L'Iran a une histoire, une culture et une civilisation. L'Iran surmontera les problèmes actuels. Personne ne devrait compter sur les problèmes temporaires de l'Iran pour imposer un problème à l'Iran ou violer ses droits. Ils devraient prêter attention aux capacités des Iraniens. À l'avenir, les nations vivront ensemble et géreront le monde ensemble.

Anelise Borges, Euronews : J'ai une dernière question. Allez-vous voter vendredi ?

Mahmoud Ahmadinejad : J'ai annoncé que je ne voterai pas s'il n'y a pas de changement dans la décision du Conseil des Gardiens. Et je ne soutiendrai aucun candidat.

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