Hans Kluge (OMS) : "Une couverture vaccinale d'à peine 26% en Europe"

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Par Fay Doulgkeri
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Le directeur régional de l'OMS pour l'Europe Hans Kluge, en visite à Athènes, appelle à accélérer la vaccination dans la région en indiquant que "personne ne sera protégé tant que tout le monde ne le sera pas."

Des millions de personnes en Europe et dans le monde font face aux conséquences de la pandémie de Covid-19 : plus de quatre millions de décès, de nombreuses entreprises en faillite et de graves répercussions sur la santé mentale. C'était d'ailleurs le thème d'un sommet organisé à Athènes par l'Organisation mondiale de la Santé et le ministère grec de la Santé. Pour discuter de ce sujet et de la pandémie en général, nous avons interrogé en marge de cette rencontre, le directeur régional de l'OMS pour l'Europe, Hans Kluge.

Fay Doulgkeri, euronews :

"Commençons par les récents développements dans l'enquête de la délégation internationale en Chine sur les origines du virus. D'un côté, le chef de l'OMS a récemment déclaré qu'il était peut-être un peu trop tôt pour exclure une fuite de laboratoire. De l'autre, la Chine a rejeté le plan de l'organisation concernant la deuxième phase de l'enquête. Disposez-vous d'indices qui permettent de soupçonner une fuite de laboratoire ? Et qu'allez-vous faire à présent ?"

Dr Hans Kluge, directeur régional de l'OMS pour l'Europe :

"Je crois que c'est une question à poser au directeur général de l'OMS à Genève, Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus car je suis le directeur régional de l'organisation pour l'Europe, une zone qui englobe 53 États membres et qui ne comprend pas la Chine. Je n'ai donc pas été mis au courant de la mission. Les informations dont je dispose sont donc les mêmes que celles que vous avez entendues de la part de notre directeur général, à savoir que toutes les options sont sur la table et doivent être examinées. Mais il faut se rappeler la durée des enquêtes sur l'origine du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (le MERS) ou celle du Sars-CoV-1 : il a fallu entre un an et deux ans et demi pour établir un lien entre le virus et l'hôte intermédiaire. Il est donc normal qu'une telle enquête prenne un peu de temps. Je constate que Dr Tedros a lancé un appel aux experts afin qu'ils constituent un groupe qui se chargera de la deuxième phase de l'enquête. Et je pense que nous devrions laisser à cette enquête un peu de temps pour avancer."

Pour convaincre les réticents à la vaccination, "il faut avoir recours à des influenceurs"

Fay Doulgkeri :

"Parlons de ce qui semble être la solution à cette pandémie, la vaccination en Europe. Estimez-vous le nombre de personnes vaccinées satisfaisant ?"

Dr Hans Kluge :

"Je dirais que la solution à cette pandémie comporte trois volets. Je l'appelle l'approche VIP : le V, c'est pour les variants : nous devons étudier les variants très attentivement - en l'occurrence, le variant Delta qui s'attaque aux personnes qui ne sont pas vaccinées ou dont la vaccination est incomplète -. Ensuite, le I, c'est pour l'immunisation que nous devons développer. Donc la réponse à votre question est : non, ce n'est pas encore suffisant. Nous avons une couverture vaccinale de 26% dans la région de l'Europe. Enfin, le P, c'est pour la population. Nous devons continuer à agir auprès des citoyens et à les encourager à se faire vacciner et à respecter encore les mesures de santé publique dont le port du masque et la distanciation."

Fay Doulgkeri :

"Et que pensez-vous de la vaccination obligatoire ? Elle suscite des débats enflammés en Europe."

Dr Hans Kluge :

"Il y a effectivement des débats enflammés. L'OMS encourage donc toute mesure qui permet d'accroître la couverture vaccinale dès lors qu'elle est juridiquement et socialement acceptable. Mais l'obligation ne doit pas être mise en place en premier ressort car il faut d'abord essayer de comprendre ce qui se passe dans la tête des gens et quelle est leur perception des choses, puis agir auprès des communautés qui hésitent à se faire vacciner. Nous avons une grande expérience grâce au département des "Connaissances comportementales" au sein de l'OMS dans les actions qui visent à convaincre et à avoir recours à des influenceurs : il s'agit de regarder qui hésite à se faire vacciner et de voir qui peut inciter ces personnes à le faire dans un esprit de dialogue."

"Personne ne sera protégé tant que tout le monde ne sera pas protégé"

Fay Doulgkeri :

"Que se passe-t-il dans le reste du monde comme en Afrique ou en Asie ? Y a-t-il des pays laissés de côté parce qu'ils ne peuvent pas s'offrir de vaccins ?"

Dr Hans Kluge :

"Absolument. On constate une immense inégalité de ce point de vue. Même au sein de la région de l'Europe, dix pays ont une couverture vaccinale de moins de 10%. Et vous avez raison, quand on regarde la situation de certains pays africains, la solidarité est la seule solution. Personne ne sera protégé tant que tout le monde ne sera pas protégé parce que le variant agressif Delta franchit les frontières. Mais je constate qu'il y a beaucoup plus de solidarité, notamment de la part de la Grèce qui donne des vaccins à d'autres pays."

Fay Doulgkeri :

"Craignez-vous de nouveaux variants ? Pensez-vous que nous pourrions en avoir de nouveaux encore plus contagieux et dangereux ?"

Dr Hans Kluge :

"Il y aura de nouveaux variants, c'est certain. Il y en a déjà eu des centaines et des centaines et nous les avons surveillés dès le début. Mais souvent, ces variants ne sont pas plus dangereux. Ces variants Delta et Delta Plus, nous devons les surveiller de très près. Mais quelle est la solution ? Plus il y a de transmissions, plus il y a de variants. En d'autres termes, nous devons accélérer la vaccination."

"La santé mentale est l'affaire de tous"

Fay Doulgkeri :

"Passons à la raison de votre visite à Athènes : le sommet sur la santé mentale. Vous avez présenté les résultats d'une enquête concernant l'impact du Covid-19 sur la santé mentale en Europe. Quels en sont les points-clés ?"

Dr Hans Kluge :

"Le point-clé, c'est que la santé mentale était déjà un défi avant la pandémie. C'est la première cause d'incapacité. Une personne sur six avant la pandémie était atteinte de troubles mentaux. La grande découverte de cette enquête aujourd'hui, c'est que chacun de nous est vulnérable. Nous pouvons tous, même si nous sommes solides pendant une période, développer un trouble mental, en particulier être sujets à l'anxiété, à la dépression. Et ce que fait le sommet - et pour cela, je remercie la Grèce, le Premier ministre et le ministre de la Santé Vassilis Kikilias -, c'est révéler la santé mentale au grand jour. Elle doit être la pierre angulaire de notre société, de notre mode de vie. La santé mentale, c'est l'affaire de tous."

"Nous devons nous concentrer sur les enfants et adolescents"

Fay Doulgkeri :

"Pouvez-vous nous en dire plus sur les résultats de cette enquête ?"

Dr Hans Kluge :

"Nous devons nous concentrer avant tout sur ce que l'on appelle les "groupes à haut risque", notamment les enfants et adolescents parce qu'ils ont beaucoup souffert de la fermeture des écoles. Ces établissements ne représentent pas uniquement un cadre pour l'enseignement, ils apportent aussi une forme de protection sociale, par exemple contre les violences domestiques qui ne sont pas considérées comme une grande priorité. Mais cette enquête a aussi révélé que nous devons prêter une attention beaucoup plus grande à nos personnels de santé. Et j'aimerais d'ailleurs exprimer mon soutien à tous les personnels de santé grecs et européens qui ont été et sont encore les héros de cette pandémie."

Fay Doulgkeri :

"Vous avez dit qu'il fallait ouvrir une nouvelle voie pour mieux prendre en charge les problèmes de santé mentale. Pensez-vous que cela soit possible avec les restrictions liées à la pandémie ?"

Dr Hans Kluge :

"Absolument. Nous n'avons pas le choix. Les périodes extraordinaires nécessitent des solutions extraordinaires. Et lors de la session du Comité régional de l'OMS pour l'Europe en septembre, nous espérons obtenir l'approbation d'un plan d'action européen."

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