Déchets radioactifs en France : point d'étape sur le projet d'enfouissement géologique de Bure

Un ouvrier projette du ciment sur les paroi d'un tunnel destiné au stockage de déchets radioactifs, dans le laboratoire de l'Andra à Bure.
Un ouvrier projette du ciment sur les paroi d'un tunnel destiné au stockage de déchets radioactifs, dans le laboratoire de l'Andra à Bure. Tous droits réservés Francois Mori/AP
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Par Margaux Racaniere
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Depuis plus de trente ans, la France cherche des solutions pour se débarrasser de ses déchets radioactifs. Une nouvelle étape a été franchie ce mardi, avec la demande d'autorisation de créer un gigantesque cimeterre nucléaire dans l'est du pays.

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Depuis près de 30 ans, les chercheurs du secteur étudient des solutions pour stocker sans danger les déchets radioactifs de la France pendant les centaines de milliers d'années à venir. Ce mardi, une nouvelle étape a été franchie dans le sens de la création d'un site d'enfouissement géologique à Bure, dans l'Est de la France. Éclairage.

Commune rurale de près de 80 habitants dans l'est de la France, le petit village de Bure devrait rester dans les mémoire pour les 100 000 prochaines années. La commune a été choisie par la France comme le lieu d'enfouissement de ses déchets radioactifs les plus dangereux.

L'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) a déposé ce mardi une demande d’autorisation de création du projet Cigéo, son projet de stockage souterrain de déchets très radioactifs, sur le site de Bure. Cela signifie que tout le projet est prêt. L'Andra n'attend plus que l'approbation de l'Autorité de Sureté nucléaire (ASN) et la consultation de différences instances politiques et scientifiques et elle pourra commencer à creuser les galeries de stockage.

Qu'est-ce que le projet Cigéo ? Où en est-on ?

Le projet Cigéo consiste à enfouir au moins 83 000 mètres cube de déchets radioactifs à plus de 500 mètres sous terre dans une couche d'argile qui fait près de 100 mètres d'épaisseur.

Depuis 30 ans, le laboratoire de Bure mène des expériences pour s'assurer de la sureté de chacune des étapes de l'enfouissement géologique des déchets radioactifs.

En juillet 2023, le ministère de la Transition écologique a publié une déclaration d'utilité publique pour le projet Cigéo. Cela signifie que le plan, estimé à 25 milliards d'euros sur 150 ans est approuvé par l'État et peut continuer. C'est une étape indispensable pour un projet de ce type.

Des opposants, dont Attac, Greenpeace, France Nature Environnement et plusieurs groupe locaux de la Confédération paysanne, ont déposé une recours contre cette décision devant le Conseil d'Etat.

Le processus d'approbation par l'Autorité de sureté nucléaire pourrait durer de trois à cinq ans. Les premier forages sont prévus pour 2027. Mais le recours déposé par les écologistes pourraient retarder les travaux.

Quels déchets radioactifs vont être enterrés à Bure ?

Le site Cigéo doit accueillir les déchets dits de haute activité (HA) et de moyenne activité à vie longue. Concrètement, il s'agit de déchets très radioactifs et qui vont le rester longtemps. Ils concernent 3% du total de déchets radioactifs dans le pays, mais 99% de la radioactivité.

Les déchets à haute activités (1 000 fois plus radioactifs que les MAVL) sont issus du traitement ou recyclage des combustibles des centrales nucléaires.

En effet, les combustibles utilisés dans les centrales nucléaires ont une durée de vie limitée. EDF précise qu'une pastille d'uranium (environ 7 grammes et 1 centimètre de long, une pastille libère autant d'énergie qu'une tonne de charbon) utilisée pour la fission nucléaire est utilisables pendant 4 à 5 ans.

Ces combustibles sont ensuite traités. La plupart passe par une usine de La Hague, en Normandie, dans le nord-ouest de la France. 96% de ces combustibles est réutilisé, soit de nouveau comme combustible dans des centrales nucléaire.

Hautement radioactifs, ce sont ces 3 à 4 % restants, surnommés déchets ultimes ou déchets à haute activité (HA)  pour lesquels il faut trouver une solution de stockage sûre et durable. 

Les déchets ultimes ne sont pas conservés tels quels. Ils sont calcinés et incorporés à du verre fondu. Le tout est ensuite coulé dans un "colis" en Inox. Chaque colis contient 11 kilos de déchets radioactifs, pour 400 kilos de verre.

En 2020, la France avait en stock 4 190 mètres cubes de ces déchets hautement radioactifs (Andra).

Francois Mori/AP
Audrey Guillemet, géologue et porte-parole du laboratoire de Bure, montre à quoi ressemblent les "colis" contenant des déchets nucléairesFrancois Mori/AP

Où sont actuellement stockés les déchets radioactifs ?

La grande majorité des déchets nucléaires sont stockés dans l'Aube, le Gard et la Manche.

L'Andra exploite deux site dans l'Aube, le CSA et le Cires. À eux deux, ils concentrent près de 90% du volume de déchets radioactifs français. Ils sont consacrés au stockage des déchets peu ou moyennement radioactifs et qui ne le restent pas longtemps (moins de 30 ans).

Un deuxième site, lié au Commissariat aux énergies atomiques, prend en charge environ 1 000 mètres cubes de déchets nucléaires par an. Il s'agit du centre de Marcoule, dans le sud de la France, près d'Avignon.

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Enfin la majorité des déchets à haute activité, plus dangereux, sont directement stockés dans l'usine de traitement de la Hague en Normandie. En 2020, l'Andra décompte 3 441 mètres cubes de déchets nucléaires haute activité sur le site. C'est l'équivalent d'une piscine olympique de 3 mètres de profondeur (3 750 m3).

Est-ce que ce centre d'enfouissement suffira si on continue à ouvrir de nouvelles centrales ?

Lancé en 1991, le projet Cigéo a d'abord été pensé pour les déchets du parc actuel et ne prend donc pas en compte les six nouveaux réacteurs EPR dont le gouvernement français soutient la construction.

Mais l'exécutif a déjà estimé qu'il n'y avait pas "d’éléments rédhibitoires" empêchant l'accueil à Bure de ces déchets supplémentaires.

"En termes de quantité, l’impact est assez limité, et en termes de sûreté et d'exploitation cela ne change rien, car ce sont les mêmes déchets", souligne Pierre-Marie Abadie, directeur général de l'Andra.

"Forcément, il y a un peu plus d’emprise que le projet initial, mais comme on a beaucoup d’argile et beaucoup de place, il n’y a pas de point rédhibitoire" même si la durée d'exploitation du site devrait être allongée de "quelques dizaines d’années" ajoute-t-il.

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Ces six réacteurs se traduiraient selon lui par un volume de 18 à 20% de déchets en plus pour une augmentation de 20 à 40% de l’emprise.

La France est-elle la seule à mener de tels projets ?

En Europe, la France la Suède et la Finlande sont les pays les plus avancés dans leurs projets de stockage géologique à long terme de déchets radioactifs.

Déjà en 2014, notre journaliste Hans von der Belie était visiter le complexe de stockage finlandais situé sur la presqu'île d'Olkiuoto, dans l'ouest du pays. Contrairement à la France, le stockage se fait dans la roche. Le site prévoit de stocker ses premiers déchets d'ici 2027.

La Suède quant à elle, a obtenu l'autorisation du gouvernement pour la construction de son installation de stockage dans la roche en janvier 2022.

D'après les informations de l'Andra, la plupart des pays européens mènent des études sur du stockage géologique de déchets radioactifs. L'organisation cite l'Espagne, la Suisse, la Belgique, l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Italie, la République tchèque, la Hongrie et l'Ukraine.

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Quelles sont les alternatives ?

Une voix importante d'opposition au projet Cigéo est l'ONG Greenpeace. Pour elle, il n'y a actuellement "aucune bonne solution pour gérer les déchets nucléaires pour le moment". Ainsi elle préconise de une solution de "stockage à sec en sub-surface".

Concrètement, les fûts seraient entreposés sous un tas de terre ou sous une colline et constamment surveillés. L’idée est que, le jour où une solution technologique acceptable est trouvée, il sera alors possible d'extraire facilement les déchets stockés.

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