Intervention d'Emmanuel Macron à Nouméa : le décryptage de son discours

Le président français à son arrivée en Nouvelle-Calédonie.
Le président français à son arrivée en Nouvelle-Calédonie. Tous droits réservés LUDOVIC MARIN/AFP or licensors
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Par euronews avec AFP
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Des politologues ont analysé l'intervention télévisée du président français de ce lundi. Résultat : un exercice raté.

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Pas d'annonce et beaucoup de "répétitions": Emmanuel Macron, qui a dressé lundi le bilan des "100 jours" destinés à relancer son quinquennat, a visé l'apaisement, y compris chez les siens, avant une rentrée probablement tendue, au risque d'apparaître "en décalage" avec les attentes de résultats des Français, selon plusieurs experts.

Emeutes, rentrée scolaire, planification écologique, augmentation des prix de l'énergie, loi immigration, le chef de l'Etat a balayé sur TF1 et France 2 les sujets qui attendent son gouvernement à la fin de l'été.

"C'est la répétition comme pédagogie", analyse Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à Paris II qui ne "comprend pas l'intérêt" de cet entretien "au coeur de l'été".

"Il fallait qu'il tire le bilan des 100 jours. Or il a déjà changé d'agenda et distrait l'espace politique pour qu'on ne parle plus des retraites", relève-t-il.

Le constitutionnaliste juge en outre "très étrange" le format de l'entretien, décidé il y a seulement quelques jours et réalisé en distanciel, avec un léger différé entre les questions et les réponses, qui "donne un côté figé, décalé, mais aussi solennel à l'intervention, alors que ce n'était pas solennel".

"C'est le choix de la continuité avec une interview qui s'inscrit dans tous les discours prononcés après la réforme des retraites", abonde Anne-Charlène Bezzina, maître de conférences en droit public à l'Université de Rouen.

Le président développe surtout l'idée "d'efficacité de l'action qui continue" avec un gouvernement qui "travaille et est censé régler les problèmes".

Beaucoup des textes votés, comme sur la justice et les armées, "sont des lois de programmation. Or une loi de programmation n'est pas contraignante, elle fixe de simples objectifs", rappelle-t-elle.

Pas de majorité de rechange

"Ce que fait ce gouvernement, c'est se fixer perpétuellement de nouveaux objectifs sans nécessairement qu'il y ait une garantie des résultats, et c'est ce que les Français attendent". Il apparaît en "décalage", ajoute-t-elle, même s'il a demandé vendredi en Conseil des ministres à la nouvelle équipe gouvernementale de "redoubler d'énergie".

Sur un plan purement politique, Emmanuel Macron reconnaît "une forme d'échec ou de difficulté à élargir sa majorité" relative quand il assure qu'il n'y a "pas de majorité de rechange", relève la constitutionnaliste. Mais il en fait porter la responsabilité aux oppositions qui ne sont pas à ses yeux suffisamment "constructives", ajoute-t-elle.

Faute de prise de parole pendant les émeutes ou lors du 14-Juillet, l'expression du président était attendue.

Emmanuel Macron a prôné lundi "l'ordre, l'ordre, l'ordre". "Jouer le parti de l'ordre face au chaos est une vieille marotte de nos présidents" et "va dans le vent de l'opinion qui se droitise", note Anne-Charlène Bezzina. Mais c'est une réponse de "court terme" et une manière de "refuser l'idée qu'il y a autre chose" derrière l'événement.

Le chef de l'Etat n'a d'ailleurs pas mentionné le facteur déclencheur des violences, la mort du jeune Nahel, tué par un policier à bout portant lors d'un contrôle routier.

Au final, "il y a un hiatus avec l'opinion, qui ne ressent plus les avancées", juge-t-elle.

Pour Philippe Moreau-Chevrolet, cet entretien télévisé était destiné "à apaiser la situation sur le plan politique d'où l'embarras" d'Emmanuel Macron qui a, selon lui, "botté en touche" après les propos polémiques du directeur général de la police nationale, Frédéric Veaux, contre la détention provisoire pour les policiers accusés de violences.

"Je comprends l'émotion (...) chez nos policiers" confrontés à la violence mais "nul en République" n'est "au-dessus de la loi", a déclaré le président.

L'exécutif souhaite "apaiser et ne pas avoir d'autre front ouvert suite à ces déclarations", analyse ce spécialiste de la communication politique. Le but de cet entretien "c'est l'immobilisme, que rien ne bouge d'ici septembre". Mais la France ne peut pas être "apaisée avec l'inflation, le problème climatique aigu, la guerre aux portes de l'Europe, et les émeutes".

Pour le reste, le président propose "une salade niçoise pas très claire davantage destinée à sa majorité", avec une "répétition de choses déjà entendues", dit-il. Au risque d'apparaître "inaudible" pour Benjamin Morel.

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En nommant Gabriel Attal à l'Education, cela lui permet aussi de "calmer les ambitions de Gérald Darmanin" qui convoitait Matignon, souligne M. Moreau-Chevrolet. Le président veut "repousser le plus tard possible l'heure de sa succession".

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