Trafic d'animaux : 718 crânes envoyés du Cameroun vers les États-Unis saisis à Roissy

392 crânes de primates ont été saisis à l'aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle en sept mois.
392 crânes de primates ont été saisis à l'aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle en sept mois. Tous droits réservés Direction générale des douanes françaises
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Par Gael CambaAFP
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De nombreux crânes d'espèces en "danger critique d'extinction" ont été interceptés à l'aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle. En sept mois, les douanes recensent 718 crânes. Un trafic lucratif avec des saisies quasi-quotidiennes qui inquiètent pour la protection animale.

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Les douanes de l'aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle auraient sûrement de quoi ouvrir un musée d'histoire naturelle.

En sept mois, 718 crânes d'animaux, dont 392 crânes de primates protégés, ont été interceptés dans des colis postaux. Les saisies sont quasi-quotidiennes et les agents de l'aéroport de Roissy dénoncent un trafic aussi lucratif que morbide et préoccupant.

Ces crânes provenant essentiellement du Cameroun étaient destinés aux États-Unis pour des collectionneurs souhaitant constituer des cabinets de curiosité ou comme prix ou cadeaux pour des associations de chasse.

Le quatrième trafic le plus rentable du monde

"Le trafic d'espèces protégées est un des plus rentables, derrière les stupéfiants, les armes et les êtres humains, avec des bénéfices entre 8 et 20 milliards d'euros chaque année", a martelé Gilbert Beltran, directeur interrégional des douanes de Roissy lors d'une cérémonie officielle au siège des douanes de Roissy, évoquant un "trafic sordide".

Certains colis contiennent des spécimens entiers, des têtes ou bien des avant-bras avec les mains de primates, qui sont détruits pour raisons sanitaires. D’autres espèces (loutres, félins, varans, rapaces notamment) font aussi l’objet de trafics. Au total, ce sont 718 crânes d'animaux qui ont été saisis par les douanes en sept mois.

Direction générale des douanes françaises
Des centaines de crânes entreposés sur une table et dans des sacs remplis : les longues mâchoires aux dents pointus de mandrills, des cornes d'antilopes, des oiseaux rares...Direction générale des douanes françaises

La genèse de cette affaire hors norme remonte au printemps 2022 : le 2 mai, les douaniers de Roissy découvrent sept crânes de primates dans des colis postaux en provenance d'Afrique. Lors d'autres contrôles, ce sont des dizaines de crânes de primates qui sont retrouvés.

"Ces primates sont d'abord chassés pour leur viande. La revente de crânes est un trafic d'opportunité", a expliqué Fabrice Gayet, marin douanier et expert en trafic de faune et flore. D'après lui, les crânes de petits primates sont revendus entre 30 et 50 euros pièce, 400 à 500 euros pour ceux des drills et mandrills et entre 800 et 1 000 euros pour ceux de chimpanzés.

Des espèces en "danger critique d'extinction"

Plusieurs crânes de colobe roux du Cameroun ont été interceptés, une espèce endémique considérée comme en "danger critique d'extinction" par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Même chose pour le mandrill, une "espèce vulnérable", ou le drill, classé "en danger".

Leur circulation n’est possible qu’en présence de permis spécifiques. Aucun des colis contrôlés ne présentait ces autorisations.

"Quatre cents crânes saisis en à peine sept mois, cela laisse présager de l'hécatombe de primates dans ces forêts qui sont pillées pour satisfaire des collectionneurs, alors que ces primates sont menacés d'extinction", a déploré Sabrina Krief, spécialiste des grands singes.

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Certains colis contiennent des spécimens entiers, des têtes ou bien des avant-bras avec les mains de primates. Aucun des colis contrôlés ne présentait de permis.Direction générale des douanes françaises

 Ces trafics illicites augmentent également le risque de transmission de pathogène entre espèces. Les primates sont particulièrement surveillés car ils présentent un patrimoine génétique similaire à celui des humains, ce qui amplifie le risque de transmission de maladies avec les humains.

"Le trafic d’espèces sauvages relève de la grande criminalité organisée et constitue une menace directe et croissante pour la biodiversité, la sécurité mondiale et l’Etat de droit", alertait Frans Timmermans, le vice-président de la Commission européenne en novembre 2022.

Entre 2008 et 2017, c'est plus de 28 millions d'animaux qui ont été importés en France, le premier pays européen d'arrivée pour les coraux, les reptiles et bien d'autres espèces.

Le commerce illégal d'espèces protégées en bande organisée peut être puni de sept ans d'emprisonnement et de 750 000 euros d'amende.

Ces crânes saisis entre mai et décembre 2022 rejoindront le Muséum d'histoire naturelle (MHN) d'Aix-en-Provence pour être étudiés et conservés.

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