Un amendement d’une ligne au budget 2026 italien rouvre la question du contrôle des 300 milliards de dollars de réserves d’or, menaçant potentiellement l’indépendance de la banque centrale.
L’Italie est de nouveau aux prises avec une vieille question éminemment politique : qui possède et décide du sort des réserves d’or du pays, d’une valeur pouvant atteindre 300 milliards de dollars, la Banque d’Italie ou le peuple ?
Le différend a refait surface mercredi au Sénat, lors de l’examen du budget 2026, où un petit amendement, mais symbolique, a survécu à une vaste purge des modifications proposées.
La mesure, portée par Lucio Malan de Fratelli d’Italia (Frères d’Italie), le parti de la Première ministre Giorgia Meloni, affirme que « Les réserves d’or gérées et détenues par la Banque d’Italie appartiennent à l’État, au nom du peuple italien ».
Lors du même débat, 105 autres amendements ont été jugés irrecevables. Le volume même des rejets reflète l’extrême étroitesse de la marge de manœuvre budgétaire dans laquelle le gouvernement tente de refaçonner le budget.
L’Italie détient environ 2 452 tonnes métriques d’or dans ses réserves, le troisième stock national au monde après les États-Unis et l’Allemagne. Une grande partie est stockée à Rome, le reste à Fort Knox, aux États-Unis, à Londres et à Berne.
Même s’il a toujours été entendu que ces réserves existent en dernier ressort au bénéfice de la nation, elles sont formellement inscrites au bilan de la Banque d’Italie.
Dans l’architecture de l’Eurosystème, les banques centrales nationales, comme la Banca d’Italia, opèrent aux côtés de la Banque centrale européenne et sous sa coordination. Elles mettent en œuvre la politique monétaire de la BCE, gèrent leur part des réserves officielles de la zone euro et conservent l’autonomie de leur bilan. En revanche, elles ne reçoivent pas d’instructions des gouvernements nationaux, contrairement à ce que certains ont cru voir suggéré par cet amendement.
L’or, comme les réserves de devises, fait partie des actifs monétaires qui sous-tendent la crédibilité de la monnaie unique et est traité comme un instrument de stabilité monétaire plutôt que comme une ressource budgétaire.
Ce cadre juridique implique que l’or ne peut être transféré au budget de l’État ni utilisé pour financer les dépenses publiques sans contrevenir aux règles européennes relatives à l’indépendance des banques centrales et à l’interdiction du financement monétaire.
Si, hypothétiquement, la banque centrale italienne agissait sur instructions du gouvernement italien et liquidait ses réserves d’or, cela serait considéré comme une menace pour la stabilité de la monnaie commune.
L’amendement en lui-même ne tente pas un tel transfert, mais son insertion dans la loi de finances a fait sourciller en Italie des économistes et d’anciens responsables, qui soulignent que la loi budgétaire annuelle n’est généralement pas l’endroit où l’on énonce des principes sur la propriété institutionnelle.
Pourtant, la droite, à laquelle appartient Malan, soutient de longue date que la banque, dont les actionnaires incluent des établissements de crédit et des assureurs, ne doit pas être vue comme la « propriétaire » de ce qu’elle considère comme l’ultime garant de la souveraineté.
Les débats sur les réserves d’or de l’Italie refont périodiquement surface depuis deux décennies. Ils sont souvent nourris par des partis nationalistes ou d’extrême droite, eurosceptiques, qui cherchent à mettre en avant la souveraineté ou à critiquer l’architecture financière de l’UE.
Fratelli d’Italia et la Ligue (Lega) ont déjà évoqué des idées de « propriété populaire » des réserves ou de contrôle parlementaire accru.
La Lega a également tenté de faire adopter un amendement visant à financer de futures baisses d’impôts par la vente de la participation de l’Italie dans le Mécanisme européen de stabilité (MES), rejeté faute de garanties financières adéquates.
Le MES est le fonds de secours de la zone euro constitué d’actifs non négociables, créé lors de la crise des dettes souveraines en 2012 pour accorder des prêts d’urgence aux États membres en difficulté financière, chaque pays participant y apportant du capital et détenant des parts qui ne peuvent pas être facilement liquidées.
Entre-temps, les chefs de la coalition ont rencontré la Première ministre Meloni au Palazzo Chigi pour affiner le paquet budgétaire, dont le contenu déterminera comment une économie cruciale, mais souvent instable, de la zone euro entend financer ses besoins pour le prochain exercice.