Crise énergétique : l'agrivoltaïsme, une solution ?

Une moissonneuse-batteuse sous des panneaux solaires suspendus sur un site agrivoltaïque à Amance en France, 12/10/22
Une moissonneuse-batteuse sous des panneaux solaires suspendus sur un site agrivoltaïque à Amance en France, 12/10/22 Tous droits réservés AFP
Par euronews avec AFP
Partager cet articleDiscussion
Partager cet articleClose Button
Copier/coller le lien embed de la vidéo de l'article :Copy to clipboardLien copié

La production de 2,5 mégawatts-crête, soit l'équivalent de la consommation de 1.350 habitants, doit être raccordée au réseau électrique début décembre.

PUBLICITÉ

L'imposante moissonneuse-batteuse récolte sans encombre le soja sous les panneaux solaires: en Haute-Saône, une expérimentation est menée pour développer l'énergie solaire sans entraver les grandes cultures céréalières.

"Il faut quand même passer entre les poteaux, c'est un peu plus compliqué" que dans un champ à découvert, mais sinon "c'est du bonheur", se réjouit Sylvain Raison, 43 ans, sixième génération de la famille à la tête de cette vaste exploitation agricole d'Amance, à 25 kilomètres au nord de Vesoul.

Un nuage composé de 5 500 panneaux photovoltaïques s'étend au-dessus des gousses de soja brunes arrivées à maturité.

A plus de cinq mètres de hauteur, sur des allées de 27 mètres de large. "Ce qui laisse passer la quasi-intégralité des machines agricoles", souligne Xavier Guillot, responsable agronomie de TSE, entreprise française d'énergie solaire.

Le bruit des panneaux solaires qui pivotent se distingue à peine. Mobiles pour suivre la course du soleil, ils se mettent à la verticale pour laisser passer la pluie. A l'horizontal, ils peuvent limiter les dégâts de la grêle ou faire gagner ou perdre quelques degrés au sol lors de froides nuits d'hiver ou de brûlantes journées estivales.

Au coeur de l'été caniculaire, "la terre sous les panneaux est toujours restée un peu souple et humide" grâce à cet "ombrage diffus et mouvant", met en avant Mathieu Debonnet, président de TSE, selon qui la France a un "retard dingue" dans les énergies renouvelables.

Les mêmes céréales sont semées sur deux hectares adjacents pour déterminer l'impact de cette "ombrière" sur les cultures.

Moissonnés mercredi, les premiers grains de soja ayant poussé sous panneaux sont en moyenne plus lourds et plus riches en protéine, selon TSE. Du blé d'hiver sera ensuite semé.

Sujet clivant

Pour cette installation couvrant trois hectares, l'agriculteur est rémunéré 4 500 euros par an par TSE, qui va mener une "phase d'essai" de neuf ans. Un bail de quarante ans a été conclu.

La production de 2,5 mégawatts-crête - l'équivalent de la consommation de 1 350 habitants selon TSE - doit être raccordée au réseau électrique début décembre.

Des expérimentations semblables, visant à concilier production d'électricité et production agricole, sont aussi menées par d'autres sociétés en France, surtout au-dessus de vignes et d'arbres fruitiers. Celle de TSE pour les grandes cultures se distingue par une fixation des panneaux solaires sur des câbles, un système qui se veut inspiré des téléphériques.

En pleine crise de l'énergie, l'agrivoltaïsme a le vent en poupe: en septembre, le président de la République Emmanuel Macron y a vu "un point très important pour notre agriculture" et début octobre, une commission du Sénat a proposé un cadre légal.

Mais le sujet divise dans le milieu agricole et les syndicats des Jeunes agriculteurs (JA) et de la Confédération paysanne ne mâchent pas leurs mots. Les premiers demandent "un moratoire sur l'agrivoltaïsme en France" et la seconde tacle "une notion marketing qui vise à légitimer un opportunisme foncier et financier".

L'expérience d'Amance a été acceptée, car "c'est un espace testé et pour l'instant, on n'a pas assez de recul au niveau de l'agronomie pour savoir si (cultiver sous des panneaux) marche ou pas", explique Justine Grangeot, présidente des JA de Haute-Saône. Son syndicat réclame d'abord le développement du photovoltaïque sur les terrains artificialisés ou en friche.

Impact visuel

Mais pour Sylvain Raison, il n'y a pas à hésiter: "si on peut concilier les deux - agriculture et énergie - c'est exceptionnel". Son exploitation de 850 hectares compte déjà une unité de méthanisation et des panneaux sur toit.

TSE, qui a investi plus de 15 millions d'euros dans cette technologie de "canopée agricole" sans subvention publique, a trois autres pilotes en préparation dans la Somme, en Côte-d'Or et dans le Calvados sur un élevage, et en prévoit une dizaine d'ici fin 2024.

"Ce système apporte une triple réponse: la production d'énergie, la protection des cultures contre les aléas climatiques et la génération d'un revenu pérenne pour l'agriculteur", vante Mathieu Debonnet.

De la route, poteaux, câbles et panneaux solaires ne passent pas inaperçus. "C'est sûr que cela a un impact visuel, mais il faut savoir si on veut être indépendant énergétiquement", argumente Sylvain Raison. L'agriculteur n'a pas reçu de plainte des deux villages alentours, mais dans la Haute-Saône vallonnée, l'installation n'est guère visible ni de l'un ni de l'autre.

Partager cet articleDiscussion

À découvrir également

Pollution : la France condamnée, Emmanuel Macron promet plus de véhicules électriques

Tout savoir sur la journée de mobilisation en France : les secteurs concernés, les défilés...

France : raffineries toujours bloquées, le gouvernement s'impatiente