Les partis d'extrême droite sont "plus appréciés" en Allemagne de l'Est

Les partis d'extrême droite sont "plus appréciés" en Allemagne de l'Est
Par Sophie Claudet
Partager cet articleDiscussion
Partager cet articleClose Button
Copier/coller le lien embed de la vidéo de l'article :Copy to clipboardLien copié

Insiders | Sophie Claudet reçoit Ayman Oghanna, qui est parti sur les traces de l'extrême droite dans la ville de Chemnitz en Allemagne de l'Est.

Dans ce nouvel épisode d'Insiders, Sophie Claudet reçoit Ayman Oghanna, qui est parti sur les traces de l'extrême droite allemande à Chemnitz. La ville située à l'Est de l'Allemagne avait été le théâtre de manifestations et d'émeutes contre l'immigration pendant l'été 2018. Entretien.

Sophie Claudet : Il n'y a pas eu d'émeutes ou de violence à Chemnitz pendant votre séjour, c'est bien loin de ce que nous avons vu en août dernier. Est-ce un retour à la normalité ?

Ayman Oghanna : Pas tout à fait. Les rues sont peut-être plus calmes, mais il y a plusieurs exemples qui montrent que l'extrême droite semble assez forte dans cette zone. Les crimes haineux par exemple sont en augmentation à Chemnitz en particulier et en Saxe en général. Des groupes comme celui des ultras du club de football de Chemnitz sont connus pour avoir des liens avec les néo-nazis et pour être provocateurs dans leurs discours. D'un autre côté, beaucoup d’habitants en ont assez de cette réputation d'être une ville d'extrême droite et je pense qu'il est juste de dire que la majorité des gens ne sont pas d'extrême droite.

Sophie Claudet : L'AfD, parti d'extrême droite allemand, encourage-t-il ou s’allie-t-il même parfois avec des groupes néo-nazis extrémistes ?

Ayman Oghanna : Les partisans de l'AfD sont souvent accusés d'avoir des liens avec les néo-nazis, ce qu'ils nient catégoriquement. Une chose est indéniable cependant : l'AfD a progressé au cours des trois dernières années tout comme les groupes d’ultra droite. Et en termes de discours politique, le centre parle désormais d'idées xénophobes, de nationalisme, de Heimat c’est-à-dire de patrie, choses qui étaient tabous jusqu’à récemment. Je pense donc que le centre est en train de basculer un peu à droite.

Sophie Claudet : Mais n'est-ce pas le cas dans d'autres démocraties occidentales et sûrement aussi en Europe de l'Est ?

Ayman Oghanna : Bien sûr, la montée de la droite se produit partout en Europe. Mais c'est particulièrement poignant et alarmant en Allemagne, à cause de l'histoire sombre du pays, avec le fascisme et à cause de sa position dominante sur le continent.

Sophie Claudet : L'une des personnes que vous interviewez évoque le fait qu’historiquement être Allemand signifie quelque chose de différent en l'Allemagne de l'Est et en Allemagne de l'Ouest. Qu'il est normal d'être fier d'être allemand, d'être nationaliste à l’est. Est-il juste de dire aussi que la droite et l'extrême droite sont plus présentes en Allemagne de l'Est qu'en Allemagne de l'Ouest ?

Ayman Oghanna : Absolument. Les chiffres le prouvent. L'AfD et d'autres partis sont plus appréciés à l'Est qu'à l'Ouest. Alors pourquoi la droite est plus présente à l'Est ? Il y a beaucoup de raisons. Sur le plan économique, l'Est a été beaucoup moins prospère que l'Ouest, mais l'idée d'une crise de masculinité et d'identité masculine à l'Est m'a intrigué. Après la chute du mur de Berlin, l'Allemagne de l'Est a perdu 10 % de sa population. Les deux tiers de cette population était des femmes qui se sont rendues à l’Ouest pour travailler. Par conséquent, littéralement et métaphoriquement, cela a provoqué la colère de beaucoup d'hommes blancs qui ne trouvaient pas vraiment leur place dans la nouvelle Allemagne.

Sophie Claudet : Donc on a un cas de déchaînement de testostérone en Allemagne de l'Est ?

Ayman Oghanna : Je ne pense pas que ce soit aussi simple que ça, je pense que c'est une réponse à plusieurs niveaux, mais je pense qu'une partie de la solution du puzzle pourrait être la place de l'Allemand de l'Est dans la société allemande.

Sophie Claudet : Les femmes sont parties en Allemagne de l'Ouest, ou du moins certaines d'entre elles, pourquoi les hommes n'ont-ils pas suivi leur exemple ?

Ayman Oghanna : Le communisme a réussi à créer une large classe de femmes indépendantes et émancipées. Souvent plus instruites que les hommes, elles trouvaient plus facilement du travail à l'Ouest que les travailleurs allemands de l'Est qui sont donc restés.

Sophie Claudet : Pensez-vous que l'AfD sera en progression aux élections européennes ?

Ayman Oghanna : Je pense que oui. Mais il ne faut pas négliger une chose : il n'y a pas qu'eux. J'ai été surpris à Chemnitz par le nombre de partisans et de militants des Verts que j'ai rencontrés et, s'il est vrai que les partis centristes allemands s'effondrent un peu sur la scène politique, ce n'est pas seulement l'extrême droite qui en profite. Des partis comme les Verts gagnent aussi en soutien.

Partager cet articleDiscussion

À découvrir également

À Dresde, le procès d'un groupe néonazi

Chemnitz : un suspect syrien condamné pour meurtre

Un suspect arrêté après le meurtre d'un homme politique allemand