Le cavalier seul du commissaire européen à l’Elargissement et la volte-face de l’institution

Le commissaire européen Olivér Várhelyi n'a consulté aucun de ses collègues avant d'annoncer la suspension de "tous les paiements" aux territoires palestiniens.
Le commissaire européen Olivér Várhelyi n'a consulté aucun de ses collègues avant d'annoncer la suspension de "tous les paiements" aux territoires palestiniens. Tous droits réservés European Union, 2023.
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Par Jorge Liboreiro
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Cet article a été initialement publié en anglais

La Commission européenne s'est efforcée mardi d'expliquer les messages contradictoires envoyés par ses représentants concernant l'aide de l'UE aux Palestiniens en réaction à la guerre entre Israël et le Hamas.

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L'attention s'est portée sur Olivér Várhelyi, le commissaire européen en charge de l'Elargissement et de la politique de voisinage, qui a soudainement annoncé lundi après-midi sur les réseaux sociaux que "tous les paiements" aux Palestiniens avaient été "immédiatement suspendus" et que "toutes les nouvelles propositions de budget", y compris pour 2023, avaient été "reportées jusqu'à nouvel ordre".

"Il n'est pas possible de faire comme si de rien n'était", a-t-il écrit sur X, anciennement Twitter.

Cette déclaration a été immédiatement reprise par les médias. Comme la Commission européenne n'a pas immédiatement fourni d'autres détails que les messages du Commissaire, la suspension a été perçue comme étant liée aux fonds de développement mais aussi à l'aide humanitaire, qui est acheminée par l'intermédiaire des agences des Nations unies sur le terrain.

Cette annonce a déclenché une forte réaction de la part de certains Etats membres, dont la France, l'Irlande, l'Espagne et le Luxembourg, qui ont affirmé que la suspension ne ferait qu'exacerber la situation déjà désastreuse dans la bande de Gaza.

Pour tenter d'apaiser la colère, Janez Lenarčič, le commissaire européen en charge de la Gestion des crises, s'est ensuite exprimé sur X et a précisé que l'aide humanitaire aux Palestiniens se poursuivrait aussi longtemps que nécessaire. Cette précision a mis à nu les querelles intestines au sein de l'institution.

Il a fallu à la Commission près de six heures après le premier message d’Olivér Várhelyi sur les réseaux sociaux pour publier un communiqué de presse officiel. Le document explique sa décision de procéder à une "révision urgente" de l'aide de l'Union aux territoires palestiniens dans le but de s'assurer qu'"aucun financement de l'UE ne permet indirectement à une organisation terroriste de perpétrer des attaques contre Israël".

"Comme aucun paiement n'était prévu, il n'y aura pas de suspension des paiements", est-il écrit, dans ce qui peut être interprété comme une réprimande à peine voilée à l’encontre du commissaire à l’Elargissement.

La Commission a souligné que la révision n'affecterait pas le déploiement des 27,9 millions d'euros alloués cette année à l'aide humanitaire.

Ce raté a semé la consternation parmi les journalistes à Bruxelles, qui ont passé plusieurs heures à essayer de comprendre ce que l'UE, principal bailleur de fonds de l’aide aux Palestiniens, avait l'intention de faire en réponse à la guerre entre Israël et le Hamas.

Mardi, l’institution a été confrontée à un déluge de questions sur le processus décisionnel et la chaîne de commandement qui ont précédé l'annonce de lundi.

Il a alors été révélé qu’Olivér Várhelyi avait agi de sa propre initiative, sans l’aval de la présidente Ursula von der Leyen ni de discussions avec aucun autre de ses collègues.

"L'annonce faite par le commissaire Várhelyi n'a été précédée d'aucune consultation avec un membre du Collège, d'accord ? Cela doit être absolument clair", a déclaré Eric Mamer, porte-parole en chef de la Commission.

Suite à la publication sur X, les chefs de cabinet de tous les commissaires se sont réunis pour élaborer une politique commune, a expliqué Eric Mamer, qui a abouti à la décision de procéder à une "révision urgente" de l'aide au développement, d'une valeur de 691 millions d'euros sur plusieurs années.

"Nous n'allons rien suspendre tant que nous n'aurons pas procédé à cet examen, y compris les paiements individuels et les programmes", a ajouté le porte-parole.

"Mais nous reconnaissons, et c'est le résultat de la réunion d'hier, qu'il est nécessaire de réexaminer l'aide à la Palestine en général, car la situation sur le terrain évolue".

Le porte-parole a refusé de dire si la présidente de la Commission avait réprimandé le commissaire pour son initiative, mais a souligné qu'il n'était pas prévu de restreindre l'accès du commissaire au réseau social X.

"La présidente est en contact permanent avec ses commissaires. Mais je ne fournirai pas de détails sur les contacts entre la présidente et les membres individuels du collège", a répondu Eric Mamer.

"Ce sur quoi nous nous concentrons, ce ne sont pas les débats internes sur qui aurait dû annoncer quoi à quel moment (et) en suivant quelle procédure. Il s'agit de s'assurer que notre réaction correspond aux nécessités sur le terrain".

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Interrogé sur le fait que l'examen avait été motivé par de nouvelles preuves suggérant que des fonds de l'UE pourraient parvenir au Hamas, que l'Union européenne considère comme une organisation terroriste, le porte-parole a nié l'existence d'un tel scénario et a plutôt parlé d'un "sentiment général qu'une prudence particulière est nécessaire dans les circonstances actuelles".

L'UE est le principal donateur d'aide aux Palestiniens résidant dans la bande de Gaza, qui est sous le contrôle du Hamas, et en Cisjordanie, qui est partiellement gouvernée par l'Autorité palestinienne du président Mahmoud Abbas.

La majorité des fonds de développement sont consacrés à des projets de "construction de l'État" en Cisjordanie, y compris l'État de droit, les soins de santé, l'éducation et les salaires des fonctionnaires, tandis que l'aide humanitaire est destinée aux deux parties.

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