Les 22 millions de tonnes de pétrole et 5 milliards de mètres cube de gaz découverts sous la mer Baltique pourrait-il permettre à la Pologne de devenir indépendante des hydrocarbures russes ?
Central European Petroleum (CEP) a annoncé lundi la découverte du plus grand gisement de pétrole de l'histoire de la Pologne, et l'un des plus importants en Europe depuis 10 ans.
Découvert sous la mer Baltique, à environ six kilomètres au large de la ville de Świnoujście, à l'extrême nord-ouest du pays, ce gisement contiendrait 22 millions de tonnes de pétrole et 5 milliards de mètres cube de gaz.
Ces quantités correspondent approximativement à la demande annuelle de pétrole de la Pologne.
L'entreprise CEP est-elle tenue de vendre sa production à la Pologne ?
En vertu du droit européen, la CEP, qui a découvert le gisement, est libre de vendre sa production à l'acheteur de son choix, mais elle a assuré lundi que la Pologne aurait la priorité pour bénéficier du pétrole et du gaz extraits de son nouveau puits Wolin East 1 (WE1).
"La priorité est donnée à celui qui découvre le minerai. Si c'est cette entreprise qui le découvre, elle a la priorité sur toutes les autres", explique Piotr Woźniak, ex-PDG de PGNiG, une entreprise polonaise impliquée dans l'extraction, le stockage et la distribution de gaz naturel et de pétrole.
"Ils s'intéressent à l'argent, pas à une nation. Ils peuvent le vendre à qui ils veulent. Bien sûr, avec toutes les considérations internationales, ils ne peuvent pas non plus le vendre aux Russes ou au cartel de Medellin en Colombie, car tout le monde serait furieux", ajoute-t-il.
Comme l'explique Piotr Woźniak, la priorité de Central European Petroleum est désormais de lever des fonds afin de pouvoir exploiter le gisement.
"La réalité des affaires est que l'entreprise voudra maintenant obtenir de l'argent le plus rapidement possible. Elle doit documenter ce gisement afin d'en détenir tous les droits et d'être légalement en mesure de l'exploiter. Elle doit forer, et pour forer, elle doit dépenser de l'argent. Pour dépenser l'argent, elle doit l'avoir", explique l'ancien PDG de PGNiG.
"Elle s'exhibe en quelque sorte devant un acheteur potentiel, car elle sait que nous [en Pologne] voulons diversifier nos sources d'approvisionnement, que nous misons sur nos propres ressources, du moins d'après le raisonnement de l'administration gouvernementale".
Le gisement est-il suffisant pour assurer l'indépendance énergétique de la Pologne ?
Selon Piotr Woźniak, les 22 millions de tonnes de pétrole du gisement découvertes par la CEP ne bouleverseront pas l'équilibre énergétique européen.
"La capacité de traitement des raffineries polonaises est d'environ 24 millions de tonnes de pétrole brut par an, ce qui correspond à la quantité que nous sommes en mesure de traiter à l'intérieur des frontières polonaises", indique-t-il.
"Du point de vue d'une politique énergétique majeure, il ne s'agit pas d'une percée", abonde Wojciech Jakóbik, expert en énergie. "Mais du point de vue de l'investissement dans la mer Baltique, oui, car c'est plusieurs fois supérieur à ce que nous extrayons actuellement dans la mer Baltique".
Le spécialiste des hydrocarbures estime par ailleurs qu'il s'agit "d'un signal d'investissement positif indiquant que ces gisements pourraient être plus nombreux, qu'il est rentable de chercher des matières premières dans [la mer Baltique]".
La découverte de ce nouveau gisement intervient alors que la Pologne s'efforce de développer la production d'énergies renouvelables sur son territoire. Pour la première fois, cette dernière a dépassé la consommation de charbon au moins de juin, atteignant 44,1 % de l'ensemble de la production polonaise d'électricité.