Nestlé : tout ce qu'il faut savoir sur le scandale du sucre ajouté

Une nouvelle enquête a révélé qu'une portion de céréales Nestlé pour bébés de six mois contenait environ un cube et demi de sucre par portion.
Une nouvelle enquête a révélé qu'une portion de céréales Nestlé pour bébés de six mois contenait environ un cube et demi de sucre par portion. Tous droits réservés AP
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Par Aylin ElciEuronews
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Cet article a été initialement publié en anglais

Une nouvelle enquête révèle qu'une portion de céréales Nestlé pour bébés contient environ un cube et demi de sucre par portion dans certains pays.

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Les produits alimentaires pour bébés de Nestlé vendus dans les pays à revenus faibles et moyens contiennent des niveaux de sucre dangereux, selon une enquête menée par l'ONG suisse Public Eye et le Réseau international d'action pour l'alimentation infantile (IBFAN).

Si le géant de l'alimentation respecte les restrictions de commercialisation en Europe, il "profite de la faiblesse des réglementations existantes" dans les pays à revenus faibles et moyens, selon l'enquête.

Les chercheurs ont examiné environ 150 produits et ont constaté que, dans de nombreux cas, le même lait maternisé sans sucre ajouté en Suisse, en Allemagne, en France et au Royaume-Uni contenait des niveaux dangereux de sucre dans des pays tels que les Philippines, l'Afrique du Sud et la Thaïlande.

"C'est là un cas de "deux poids deux mesures" qui ne peut être justifié", a réagi Nigel Rollins, scientifique à l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), lorsque les auteurs lui ont présenté les résultats de l'étude.

Le risque des sucres ajoutés pour les bébés

Nestlé contrôle 20 % du marché mondial des préparations pour bébés, et son directeur de la nutrition, Thierry Philardeau, a déclaré en 2020 que 15 millions de bébés dépendaient de ses produits. C'est presque l'équivalent de la population des Pays-Bas.

Les céréales de blé Cerelac et le lait en poudre Nido sont les marques numéro un dans le monde ; leurs ventes dépassaient les 2 milliards d'euros en 2022, selon la société d'analyse économique Euromonitor.

Les auteurs ont constaté qu'une portion de Cerelac pour bébés de six mois vendue en Thaïlande contenait 6 g de sucre (l'équivalent d'un cube et demi de sucre). En Allemagne et au Royaume-Uni, les mêmes céréales instantanées ne contenaient aucun sucre ajouté.

Selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), les aliments contenant du sucre naturel, comme les fruits, sont sans danger pour les nourrissons et les enfants. En revanche, les sucres ajoutés posent un problème, car ils peuvent créer un risque d'obésité et de maladies telles que les troubles cardio-vasculaires, qui sont la première cause de mortalité dans le monde.

L'agence des Nations unies demande depuis 2019 à l'industrie de réduire les "sucres libres" dans les aliments destinés aux enfants âgés de 6 à 36 mois.

Le rapport de Public Eye souligne également que l'OMS "avertit que l'exposition au sucre chez les bébés peut créer une préférence pour les produits sucrés tout au long de la vie", en particulier au cours des deux premières années de la vie d'un enfant.

Des risques de santé majeurs

L'obésité dans le monde a plus que doublé depuis 1990. Dans le même temps, le pourcentage d'enfants et d'adolescents obèses a été multiplié par quatre, atteignant 8 % des 5-19 ans.

Autrefois associée aux pays riches, l'obésité est devenue un problème dans les pays à revenu faible ou intermédiaire.

"Alors que ces pays continuent de faire face aux problèmes des maladies infectieuses et de la sous-nutrition, ils connaissentpar ailleursune augmentation rapide des facteurs de risque des maladies non transmissibles telles que l'obésité", affirme l'OMS.

De nombreux pays, y compris en Europe, suivent les directives alimentaires recommandées par le Codex Alimentarius, une organisation intergouvernementale par l'intermédiaire de laquelle les ministres du Commerce définissent un ensemble de normes.

Bien qu'ils soient fortement critiqués par l'OMS et influencés par un lobbying important, selon les auteurs de l'enquête, les produits de Nestlé seraient conformes aux normes du Codex.

"La raison pour laquelle les produits européens ne contiennent pas de sucre ajouté n'est pas due à une législation plus stricte", explique Laurent Gaberell, expert en agriculture et alimentation à Public Eye, à Euronews Health.

"C'est simplement parce que Nestlé sait ce que les consommateurs européens préfèrent".

Des techniques de marketing remises en question

En outre, le rapport soulève d'autres questions éthiques concernant les pratiques commerciales de Nestlé. L'enquête a révélé que dans plusieurs pays, la multinationale a recours à des influenceurs sur les réseaux sociaux pour "gagner la confiance des parents en ses produits".

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L'entreprise utilise également des réseaux d'experts et de professionnels de la santé pour fidéliser ses consommateurs "du berceau à la tombe", selon Phillip Baker, chercheur principal à l'université de Sydney.

Par ailleurs, l'entreprise est consciente que le sucre est mauvais pour les nourrissons.

"Il n'est pas recommandé d'ajouter du sucre lors de la préparation des aliments pour votre bébé, ni de lui offrir des boissons sucrées", peut-on lire dans le top 9 des recommandations pour les bébés sur la version française du site web de l'entreprise Baby & Me.

"Le lait maternel est l'aliment idéal et naturel pour chaque nourrisson, et l'OMS recommande l'allaitement exclusif jusqu'à l'âge de 6 mois. Nestlé suit les principes du Code de l'OMS et ne communique donc pas sur les produits destinés aux enfants de moins de 6 mois", peut-on lire sur la page d'accueil du site français, en référence à l'interdiction par l'agence des Nations unies de commercialiser des aliments destinés aux enfants de moins de 6 mois.

Mais dans d'autres régions du monde, les auteurs ont constaté que Nestlé utilisait des lacunes juridiques ou une application insuffisante du code pour continuer à commercialiser des produits destinés aux enfants de moins de six mois.

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Quel avenir pour les aliments pour nourrissons ?

Il y a cinquante ans, le géant de l'alimentation a été mêlé à un autre scandale concernant les préparations pour nourrissons, connu sous le nom de " Baby Killer", qui a conduit à la création du code international de l'OMS en 1981.

"L'industrie des aliments pour bébés est accusée de promouvoir ses produits dans des communautés qui ne peuvent pas les utiliser correctement, d'avoir recours à la publicité, à des vendeuses vêtues d'uniformes d'infirmières, à des échantillons et à des cadeaux gratuits pour persuader les mères d'abandonner l'allaitement maternel", indique le rapport de 1974, qui fait écho aux conclusions actuelles de Public Eye.

Réagissant à cette nouvelle enquête, Nestlé a déclaré à Euronews Health que "les légères variations dans les recettes d'un pays à l'autre dépendent de plusieurs facteurs, notamment des réglementations, des tendances de consommation et de la disponibilité des ingrédients locaux".

La multinationale a ajouté que les céréales avec et sans sucre ajouté sont disponibles en Europe, en Asie, en Amérique latine et en Amérique du Nord.

Nestlé a également souligné que des efforts importants ont été réalisés sur l'ensemble de son catalogue et que les sucres ajoutés ont été réduits de 11 % dans ses céréales infantiles dans le monde entier.

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Pour Laurent Gaberell, ce n'est pas une excuse suffisante.

"Ils sont capables de produire des aliments pour bébés sans sucres ajoutés en Suisse et en Europe, et s'en sortent plutôt bien financièrement, alors pourquoi ne pas le faire dans d'autres parties du monde ?"

Il estime aussi que les normes du Codex doivent être alignées sur les recommandations de l'OMS afin d'homogénéiser les niveaux de sucres ajoutés dans les aliments pour bébés dans le monde entier.

La publication de l'enquête a attiré l'attention des pays concernés, les autorités indiennes ayant lancé une enquête sur les aliments pour bébés de Nestlé.

Les auteurs ont également lancé une pétition demandant à Nestlé de remédier à la situation.

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