Le rat, “une machine de guerre” qui menace Paris ?

Le rat, “une machine de guerre” qui menace Paris ?
Tous droits réservés Flickr/Steve Collis
Par Vincent Coste
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Certains spécialistes jugent que la population de ces rongeurs a atteint une taille critique dans la capitale française en profitant des ressources offertes par leur environnement, comme les poubelles publiques remplacées par des sacs plastiques dans le cadre du plan vigipirate. Entretien.

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Le rat deviendrait-il le plus gros problème de Paris ? Depuis quelques années, ce rongeur de l'ombre se ferait de plus en plus présent dans les rues de la capitale française. La semaine dernière, une vidéo tournée par des éboueurs, où des dizaines de rats pullulaient dans un conteneur à déchets, est devenue virale. 

La récente crue de la Seine a également fait planer la crainte de voir ces rongeurs déferler encore plus sur la ville. Et sur les réseaux sociaux, cette problématique du rat commence à tourner au "bad buzz" pour Paris. Si certains experts de la question estiment que cet animal est capable de s'autoréguler et qu'il rend service aux humains, d'autres pensent que la situation a atteint un seuil critique, à l'image de Romain Lasseur, docteur en toxicologie et spécialiste des espèces invasives, avec qui nous nous sommes entretenus. 

Quel est le "portrait robot" du rattus norvegicus, le rat d’égout ?

"Le rat d'égout, ou surmulot, est un rongeur qui pèse entre 5 et 600 grammes. Avec seulement 21 jours de gestation, c’est un champion de la reproduction. Les portées sont de 8 à 10 individus. Et au bout d’un mois et demi, les petits rats sont matures sur le plan sexuel. C’est une machine de guerre !  Normalement, c’est un animal qui fuit. Mais il développe assez facilement des comportements d'agressivité quand il est mis sous contrainte. Ils ont une capacité à s’adapter aux conditions environnementales. Ils sont également capables de s’adapter à la présence de l’homme pour continuer à exploiter ce qu'on leur donne."

A combien peut-on évaluer la population de ce rongeur ?

*"C’est très compliqué à estimer. Par exemple, il peut être compté plusieurs fois par jour et par différentes personnes et on ne connait pas la distance que parcourt un rat chaque jour. Mais il est évident qu’il y a plusieurs millions d’individus à Paris [ La population de rats à Paris est estimée entre deux et six millions, ndlr]. Les gens, quand ils voient un rat dans la rue, peuvent trouver ça mignon. Mais quand ils en voient 100, ça ne les amuse plus tellement." *

Y-a-t-il donc vraiment une surpopulation de rats à Paris ?

"Oui, et ce problème de surpopulation existe depuis longtemps. Les rongeurs sont dans le sous-sol et quand la ressource alimentaire se fait rare… eh bien Ils remontent, ils sont opportunistes. Là, on est clairement dans une situation de surpopulation que l’on ne retrouve pas dans les autres villes françaises. Il y a vraiment une explosion. Il y a de plus en plus de gens qui les nourrissent en laissant de la nourriture par terre dans les rues et dans les parcs. Et s'ils commencent à sortir de manière diurne, car normalement ce sont des animaux nocturnes, cela signifie qu’il y a une très forte pression sur la nourriture et qu’ils sont obligés de décaler leur comportement. C'est clairement un signe de surpopulation."

Quelles pourraient-être les causes de l'explosion de cette population ?

"La politique de la gestion des déchets est parfois aléatoire dans la capitale française. De plus, les services publics ne se saisissent pas correctement du problème. On veut éviter d'utiliser des produits chimiques. Cette “bien-pensance” urbaine pousse à ne plus réguler ces populations quand elles ne posent pas de soucis, mais quand elles explosent, c’est trop tard. On utilise pas de produit chimique pour ne pas exposer les gens et les chiens dans les parcs par exemple. Certes, c'est de la bienveillance vis-à-vis de la population, mais les rongeurs sont les champions du monde pour exploiter la moindre niche. Aujourd’hui, ils n’ont plus de contraintes. Les hivers sont moins froids, donc il y moins de mortalité chez les jeunes rongeurs. De plus, il y a un énorme gaspillage de nourriture. Et cette ressource alimentaire n’est pas correctement protégée, comme c’est le cas des poubelles publiques qui ont été remplacées par de simples sacs plastiques dans le cadre du plan Vigipirate. C’est pratique pour déceler la présence d’engins explosifs mais beaucoup moins pour se prémunir contre les rats. On simplifie l’écosystème à leur avantage."

 Quels sont les risques encourus ? 

"Les experts peuvent être taxé d’alarmistes en dépeignant une situation sanitaire déplorable. Mais il ne faut pas oublier que ces rongeurs peuvent être vecteurs de maladie. Quant bien même il n'y a pas de maladies graves à craindre en France, on a toutes les composantes pour créer une épidémie si on laisse le vecteur proliférer. Prenons les égouts. C’est un milieu favorable à la pousse bactérienne. Et beaucoup de ces bactéries sont capables d’être transportées par les rongeurs." 

Quelles sont les bonnes pratiques à mettre en place pour réguler les rats ?

"Il faudrait un plan de lutte coordonné contre les rongeurs, sans dilution entres différents services  et tout en dépolitisant le problème. C’est un dossier qui est totalement abandonné à Paris. Depuis des années, on assiste à des recrudescences et ce ne sont que des bouts de budget qui sont disponibles… Avec ces "bestioles", c’est interminable. Si on saupoudre avec quelques solutions posturales, comme de fermer certains parcs publics en posant des panneaux “attention opération de dératisation"... On est arrivé à un seuil qui n’est plus tolérable, il faut avoir une vision exhaustive de ce problème. Les clés, selon moi, sont : 

  • les produits chimiques, 
  • la systématisation de la lutte tout au long de l’année, 
  • des équipes qui suivent ce dossier au jour le jour avec sérieux.  Enfin, il faudrait verbaliser les gens qui nourrissent les rongeurs. Mais il faut du courage politique sur ce point là. Qu'est-ce qu’on va faire ? Laisser proliférer comme ça les rongeurs dans les rues ? Qu’est ce que l’on veut montrer de notre pays ?"
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