Marine Le Pen charge Matteo Salvini de trouver de nouveaux alliés en Europe

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Par Sophie Claudet
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La présidente du Rassemblement national revient sur la question de l'immigration et de la protection des frontières et multiplie les attaques contre l'UE "qui n'a apporté que des faiblesses". Elle évoque également les espoirs de son camp de former un grand rassemblement pour les Européennes de mai.

Dans The Global Conversation, à l'approche des élections européennes fin mai, nous interrogeons Marine Le Pen, présidente du Rassemblement national.

La dirigeante du parti français d'extrême-droite, une qualification que ses représentants récusent, évoque ses thèmes fétiches de la lutte contre l'immigration et la protection des frontières et multiplie les attaques contre l'Union européenne qu'elle estime pro-immigration et qu'elle qualifie de "structure supranationale qui n’a apporté que des faiblesses" tout en dénonçant la baisse annoncée du budget de la Politique agricole commune : "On va encore toucher moins que ce qu'on touche actuellement," dit-elle.

Marine Le Pen évoque également les espoirs de son camp de former un plus large rassemblement à l'occasion du prochain scrutin européen et souligne le rôle du ministre italien de l'Intérieur, chef de la Ligue : "Nous avons demandé précisément à Matteo Salvini d'être celui qui va en quelque sorte courir les capitales européennes pour essayer de trouver de nouveaux alliés." Elle assure également entretenir "de bonnes relations avec les Etats-Unis et avec la Russie."

Sophie Claudet, euronews :

"Espérez-vous battre votre score incroyable de 2014 ? 25% en l’occurrence…"

Marine Le Pen, présidente du Rassemblement national :

"La situation de la vie politique française est un peu différente puisqu’en réalité, il y a un parti de plus : c’est En Marche. Mais ce que je souhaite surtout c’est que nous arrivions en tête pour deux raisons : d’abord pour une raison évidemment européenne, parce que je souhaite que nous soyons un très grand groupe de défenseurs des nations et d’opposition à cette Union européenne dont nous considérons qu’elle a échoué, qu’elle a failli, mais aussi pour une raison nationale. C’est que je pense qu’il faut absolument qu’Emmanuel Macron soit battu dans ce qui représente des "midterms" en quelque sorte pour que le signal lui soit lancé qu’il ne peut pas continuer la deuxième partie de son mandat comme il a commencé la première."

"Cette Europe a désespéré les peuples"

Sophie Claudet :

"Justement, En Marche allié avec le Modem vous devance un tout petit peu dans les sondages. Pensez-vous malgré tout pouvoir faire mieux que lui, que cette coalition ?"

Marine Le Pen :

"Oui, je le pense, mais tout ceci dit une chose : c’est que nous sommes le premier parti de France car, vous avez raison de le rappeler, cette liste En Marche est en fait une liste de coalition avec le Modem, Agir également et une partie des Républicains si je puis me permettre puisque M. Juppé, M. Raffarin qui ne sont pas les moins connus des dirigeants LR ont d’ores et déjà annoncé leur soutien à la liste en Marche. Et malgré tout cela, je pense qu’effectivement, nous arriverons en tête à ces élections européennes parce que nous représentons en réalité un espoir pour l’Europe. Cette Europe a désespéré les peuples par son caractère carcéral, ses chantages, ses menaces et ses résultats très mauvais. Or il y a une autre Europe à construire. Pour sauver l’Europe, il faut se détourner de l’Union européenne."

Sophie Claudet :

"On en parlera un peu plus tard. Pourriez-vous avant cela nous dévoiler sur euronews, trois points principaux de votre programme sachant qu'il n’est pas encore annoncé officiellement."

Marine Le Pen :

"C’est en premier lieu de retrouver les protections qui sont d’abord le fait des nations, donc cela veut dire la suppression de Schengen, c’est une évidence. L’urgence, c’est de retrouver la maîtrise de nos frontières. On peut envisager une structure type Frontex de gardes-côtes internationale mais qui n’interviendrait qu’à la demande des Etats qui sont confrontés à un flux migratoire massif, mais nous devons retrouver évidemment la maîtrise de nos frontières. Deuxièmement, il faut arrêter la concurrence internationale déloyale, c’est-à-dire qu’il faut que les productions que nous n’avons pas le droit de cultiver ou de fabriquer dans l’Union européenne ne puissent pas être importées dans l’UE pour éviter la concurrence internationale déloyale. Et enfin dans un troisième temps, il faut arrêter avec les accords de libre-échange parce que ils représentent le contre-modèle écologique dans toute sa splendeur. Il faut qu’on en vienne à une véritable politique de localisme, de proximité de production parce que c’est cela qui va préserver nos territoires et notre planète. Il y en aurait beaucoup d’autres des sujets, mais ceux-là sont essentiels."

"Cet argent sort de la poche des Français"

Sophie Claudet :

"Revenons sur le dernier point : ne pensez-vous pas qu’une Europe ensemble est justement plus forte dans le commerce international pour faire face à des blocs comme la Chine ou les Etats-Unis ? Se disperser de façon souverainiste, c’est être moins fort qu’à 28 bientôt à 27, en bloc européen."

Marine Le Pen :

"Pardon, mais cette théorie-là, on nous l’a déjà vendue : ça fait 25 ans qu’on est sous le sigle de cette philosophie-là. Le moins que l’on puisse dire c’est que l’Union européenne comme structure supranationale n’a apporté que des faiblesses : la zone euro qui est la zone de croissance la plus faible du monde, une désindustrialisation massive de nos pays, un chômage qui continue à augmenter, une pauvreté qui augmente, un niveau de sécurité sanitaire à cause des importations massives qui baisse, donc il ne suffit pas de dire cela. En revanche, que les nations qui coopèrent ensemble, qui décident de coopérer, qui ne soient pas forcées de le faire en allant à l’encontre de leurs intérêts, mais qui souhaitent le faire parce qu’elles y voient un intérêt, puissent construire des projets, oui, bien sûr c’est notre vision. C’est Airbus en fait, c’est Ariane, ça, ça fonctionne."

Sophie Claudet :

"Très bien mais sans la PAC [ndlr : Politique agricole commune], je ne pense pas que l’agriculture française pourrait survivre…"

Marine Le Pen :

"Oui, enfin, elle a survécu, excusez-moi, pendant des siècles sans la PAC…"

Sophie Claudet :

"Oui, mais on est dans un modèle économique très différent et sans cette aide européenne aux agriculteurs français (9 milliards d'euros dont 7 milliards en aide directe), l’agriculture française ne pourrait pas survivre…"

Marine Le Pen :

"Oui mais Madame, cet argent n’est pas fabriqué dans une cave de l’Union européenne. M. Juncker n’a pas une grotte avec une machine à fabriquer les billets. Cet argent sort de la poche des Français. En réalité, nous avons versé…"

Sophie Claudet :

"Et des Européens, tout le monde contribue et on reçoit."

Marine Le Pen :

"Enfin, tout le monde contribue et on reçoit... Il y en a quand même qui contribuent beaucoup plus qu’ils ne reçoivent."

Sophie Claudet :

"En fonction de leur PIB, de leur économie."

Marine Le Pen :

"C’est le cas de la France."

Sophie Claudet :

"C’est un principe de solidarité."

Marine Le Pen :

"Nous avons versé net 100 milliards depuis vingt ans. 100 milliards !"

"On ne peut pas dire que cette PAC a rempli sa mission"

Sophie Claudet :

"On peut être dans une bataille de chiffres, il y a différentes façons de calculer avec les droits de douane en plus."

Marine Le Pen :

"Nous avons versé net 100 milliards depuis vingt ans. Par conséquent, qu'on reçoive une petite partie de ce que l'on a versé, c'est quand même tout-à-fait légitime. Maintenant, objectivement, si on regarde les résultats de la PAC par rapport aux missions qui étaient les siennes, est-ce que vous êtes sûre que les agriculteurs français ont des raisons de se réjouir parce que moi ce que je vois c'est la disparition du modèle des exploitations familiales, ce sont des agriculteurs mis en concurrence déloyale avec des productions qui ne respectent pas les normes qu'on leur impose. Ce que je vois, c'est que les protections qui avaient été mises en œuvre type quotas laitiers, sucriers ont disparu au fur et à mesure. Donc très honnêtement, aujourd'hui, on ne peut pas dire que cette PAC a rempli sa mission d'autant plus qu'on envisage de la baisser de 5%."

Sophie Claudet :

"Oui, vous étiez au Salon de l'agriculture et vous vous en désoliez vous-même."

Marine Le Pen :

"J’espère bien."

Sophie Claudet :

"Donc on en a besoin ou on n’en a pas besoin de l’Europe ?"

Marine Le Pen :

"Non, mais Mme, c'est notre argent. En l'état, la PAC est le fonctionnement actuel de l'Union l'agriculture européenne. Donc quand on me dit qu'en plus, on va baisser, donc qu'on va encore toucher moins que ce qu'on touche actuellement au risque de voir nos agriculteurs qui pour une grande partie d'entre eux, ne vivent déjà même pas de leur travail jetés dans les difficultés, évidemment je suis contre. Moi je veux qu'on récupère le maximum d'argent qu'on donne à l'UE ou qu'on en donne moins, mais on ne peut pas être à ce point perdant, ce n'est pas possible."

"Matteo Salvini va courir les capitales européens pour essayer de trouver de nouveaux alliés"

Sophie Claudet :

"Parlons de ce point très important : l'après-élection européenne. La volonté de former un groupe certainement plus large que celui que vous avez eu du mal à former en 2014, puis finalement en 2015. À la faveur de la montée des mouvements nationalistes en Europe, vous espérez un groupe plus large. Est-ce que vous courtisez déjà les nouveaux venus comme Vox par exemple ?"

Marine Le Pen :

"Nous avons des discussions avec tout le monde : Matteo Salvini,..."

Sophie Claudet :

"Evidemment, il est déjà dans votre groupe."

Marine Le Pen :

"Nous avons demandé précisément à Matteo Salvini d'être celui qui va en quelque sorte courir les capitales européennes pour essayer de trouver de nouveaux alliés. Nous serons plus nombreux, nous, ça c'est sûr, mais évidemment que nous voulons nous élargir. Et nous avons même, je ne vous le cache pas, l'ambition ou en tout cas, le rêve de pouvoir constituer un très grand groupe des défenseurs des nations dans lequel on pourrait retrouver une grande partie peut être de ECR [ndrl : Conservateurs et réformistes européens], de EFDD [ndlr : Europe de la liberté et de la démocratie directe] et de l’ENL [ndlr : Europe des nations et des libertés]. C'est vrai que ce serait vraiment quelque chose de très pertinent."

"Nous avons certes une culture européenne commune, mais nous avons chacun une identité"

Sophie Claudet :

"Mais est-ce que les dérives anti-démocratiques de certains de vos alliés potentiels ne vous dérangent pas ? Pensons à Vox qui est assez nouveau sur la scène politique : il a fait une percée aux régionales en Andalousie. C'est un parti quand même qui s'appuie sur des thèses très sexistes, qui veut amender la loi sur la protection des violences contre les femmes, qui veut arrêter les avortements, les subventions à l'avortement... Vous en tant que présidente d'un parti, en tant que femme, comment vous positionnez-vous par rapport au fait d'avoir des alliés comme eux ?"

Marine Le Pen :

"Madame, Vox est une scission du Parti populaire. Ils ne viennent pas de je ne sais quel extrémisme. C'est juste une scission du Parti populaire. Cela ne dérangeait personne au sein du Parti populaire quand manifestement, ces thèses étaient discutées. Donc on voit bien qu’on a quand même une vision qui est encore une fois idéologique. Mais moi, je suis une souverainiste, Madame. Moi, je suis une démocrate."

Sophie Claudet :

"Donc, à chacun ses affaires."

Marine Le Pen :

"Exactement."

Sophie Claudet :

"Mais vous voulez bien quand même faire partie du même groupe."

Marine Le Pen :

"Pardon, mais moi, je considère que c'est au peuple espagnol de décider pour lui-même. Et si Vox enregistre une spectaculaire montée électorale, c'est probablement que ce qu'il exprime correspond aux préoccupations des Espagnols. Moi, je ne me mêle pas des affaires espagnoles et je pense que c'est bien d'ailleurs le problème de l'Union européenne qui à un moment donné, veut imposer un modèle unique à des pays qui - je suis désolée de le rappeler - sont différents, ont une culture différente, ont une histoire différente. Nous avons certes une culture européenne commune, mais nous avons chacun encore une fois des spécificités, une identité, parfois même une identité économique, des points de force, des points de faiblesse. Et Dieu merci, parce qu'on dit "Unie dans la diversité", mais dites-moi : où est aujourd'hui la diversité dans une Union européenne qui veut que tout le monde soit mangé à la même sauce ?"

"Je n'ai jamais rien vu dans ce qu’a pu dire Vox qui me permette de considérer qu'ils sont anti-féministes"

Sophie Claudet :

"Union européenne ou pas, vous ne pensez pas qu'il faut qu'il y ait un socle de droits fondamentaux respectés et respectables dans votre groupe ?"

Marine Le Pen :

"Madame, vous vous dites ça, c’est votre propos, c'est votre opinion. Mais moi, je n'ai rien vu dans ce qu’a proposé...

Sophie Claudet :

"Non c’est l’opinion d’une démocrate et j’imagine que vous êtes une démocrate comme moi ?"

Marine Le Pen :

"Je n'ai jamais rien vu dans ce qu’a pu dire ou faire Vox qui me permette de considérer qu'ils sont anti-féministes, etc."

Sophie Claudet :

"C’est dans leur programme."

Marine Le Pen :

"Mais qu’est-ce qui est dans leur programme ?"

Sophie Claudet :

"Le fait qu'ils veuillent révoquer la loi sur la protection des femmes et la violence faite aux femmes, c’est dans leur programme."

Marine Le Pen :

"Non, mais révoquer, ça veut dire quoi ?"

Sophie Claudet :

"Faire des amendements. Qu'il y ait moins de protection."

Marine Le Pen :

"Si vous leur posez question, ils vont vous dire 'non' : 'pour telle et telle raison, nous considérons que la loi est mal faite, etc.' Moi je ne crois plus une seule seconde quand les journalistes me posent ces questions comme ça parce que je m'aperçois à chaque fois que la réalité est extrêmement différente."

Sophie Claudet :

"Ce n'est pas l'avis d'une journaliste, en l'occurrence et la vie de quelqu'un qui a lu leur programme et on vient de faire un reportage où on les a rencontrés."

Marine Le Pen :

"Ah, écoutez, parfait, les Espagnols, ça a l'air de leur plaire en tout cas."

"L'Union européenne nous a fait rater les grandes révolutions du XXIe siècle"

Sophie Claudet :

"Une petite minorité d'entre eux. Parlez-nous un peu de cette Alliance européenne des nations. Vous ne voulez plus de l'Union européenne, en tout cas pas dans sa forme actuelle. Que signifie l'Alliance européenne des nations ?

Marine Le Pen :

"C'est simple. On a toujours mélangé l'Europe et l'Union européenne. Quand on parle de l'Union européenne, on parle de l'Europe. Moi je sépare tout-à-fait les deux. Disons que c'est un peu comme si on me disait : 'Est-ce que vous êtes contre l'aviation ?' Non; je suis pour l'aviation, je trouve que c'est une formidable aventure humaine, mais je suis contre la compagnie aérienne. L'Union européenne, c'est la compagnie aérienne et je veux changer de compagnie aérienne. Je veux qu'il y ait une organisation européenne. Je veux que les nations s'entendent sur un certain nombre de domaines, pas tous, tous pas ceux qui aujourd'hui, sont captés par l'Union européenne, mais je ne veux pas que cela se fasse dans les conditions actuelles.

Je ne veux pas qu'il y ait une commission qui ait l'initiative législative et qui soit constituée de gens non-élus qui n'ont de comptes à rendre à personne et à qui je dénie la volonté de défendre les intérêts notamment de la France. Donc je pense qu'il y a un conseil, il y a un Parlement européen. Ce sont les deux structures qui sont des structures démocratiques et donc la Commission doit être par exemple exclusivement un secrétariat technique et non pas le grand manitou qu'elle est devenue au fur et à mesure du temps parce qu'elle s'est accaparée des pouvoirs qu'elle n'aurait pas dû avoir. Je pense que sur toute une série de sujets, on a raté les grandes révolutions du XXIe siècle. L'Union européenne nous les a fait rater. L'intelligence artificielle ? Zéro de la part de l'Union européenne. La protection ? Zéro. La protection de nos entreprises nationales, de nos entreprises des pays de l'Union européenne contre l'extra territorialité du droit américain ? Zéro."

"Nous sommes colonisés numériquement par les Etats-Unis et par la Chine !"

Sophie Claudet :

"Mais il y a des subventions à l'intelligence artificielle. Mais, on ne va pas rentrer dans ces détails-là."

Marine Le Pen :

"Donc elle est inefficace, elle dépense notre argent pour rien."

Sophie Claudet :

"Non, ce n’est pas totalement vrai, il y a des recherches de pointe qui sont menées."

Marine Le Pen :

"Alors, probablement, on fera mieux. Ecoutez, ne me dites pas ça quand nous sommes aujourd'hui colonisés numériquement par les Etats-Unis et par la Chine ! Ne me dites pas ça quand il y a vingt ans l'Europe était à la pointe du numérique avec Nokia et toute une série d'autres très grandes entreprises ! Nous étions à la pointe mondiale et en vingt ans, l'Union européenne nous a fait perdre cet avantage, ce bénéfice parce qu'encore une fois, elle se mêle de ce qui ne la regarde pas. Mais elle ne se mêle pas de ce sur quoi elle devrait travailler."

Sophie Claudet :

"Est-ce que vous pensez que la France toute seule pourrait faire concurrence à la Chine ou aux Etats-Unis ?"

Marine Le Pen :

"Mais la France toute seule a réussi à créer des géants mondiaux. Et depuis, ces géants mondiaux se sont d'ailleurs effondrés les uns après les autres. Donc, oui, je pense que la France toute seule peut le faire, mais je pense que la France doit pouvoir le faire avec l'Italie, la Hongrie, l'Autriche, la Pologne, avec les pays qui ont envie précisément de s'attaquer à cela et de préserver nos entreprises, notre souveraineté et accessoirement, aussi nos pays de l'immigration massive qui aujourd'hui est un problème."

"La Commission européenne est pour l'immigration"

Sophie Claudet :

"J'étais étonnée que vous n’en ayez pas parlé [ndlr : au début de cette interview] dans votre programme comme l’un des points saillants."

Marine Le Pen :

"Si, je vous ai parlé de Schengen. Les frontières, c'est essentiel."

Sophie Claudet :

"Et une politique européenne concertée, constructive de l'immigration, vous n'y croyez pas ? Chacun doit se débrouiller dans son coin ?"

Marine Le Pen :

"Je vais vous dire pourquoi je n'y crois pas : vous voulez que je confie à la Commission européenne le soin de lutter contre l'immigration ? Mais la Commission est pour l'immigration. En toutes circonstances, elle dit : 'Pour sauver nos retraites, il faut de l'immigration, pour lutter contre la dénatalité, il faut de l'immigration'."

Sophie Claudet :

"Il y a des pays souverains qui pensent cela comme l'Allemagne…"

Marine Le Pen :

"D’accord, mais ils sont souverains…"

"Il n'y a qu'un malheur : c'est quand Mme Merkel fait venir un million de personnes, combien se retrouvent après en France ?"

Sophie Claudet :

"Je ne pense pas que la Commission européenne dicte aux Etats de l'Union européenne de faire entrer des migrants pour financer leurs retraites…"

Marine Le Pen :

"Mais Madame, que les Allemands décident d'accueillir un million de migrants, c'est leur problème."

Sophie Claudet :

"D'ailleurs, ils ont un taux de croissance supérieur à celui de la France… Comme quoi, cela peut marcher."

Marine Le Pen :

"Cela n’a rien à avoir avec l'immigration. Pardon, mais ne mélangez pas tout…"

Sophie Claudet :

"Je pense qu’il y a des pays qui choisissent l’immigration comme le Canada, l’immigration choisie, sur les diplômes, le niveau d’éducation, etc. et qui réussissent plutôt bien…"

Marine Le Pen :

"D'accord, c'est leur choix. On en reparlera. L’Allemagne, je crois qu'elle s'en mord les doigts aujourd'hui et que Mme Merkel, après en avoir accueilli un million, est en train de serrer toutes les vis. Mais moi, je m'en moque, c'est leur problème. Il n'y a qu'un malheur c'est quand Mme Merkel fait venir un million de personnes, il y en a combien de centaines de milliers qui se retrouvent après en France ? Et ça, ça me pose une difficulté. Voyez, que chaque pays assume pour lui-même, choisisse sa politique d'immigration, soit. Mais confier encore une fois à la Commission, qui est pour l'immigration, le soin de réguler l'immigration, non !"

"Frontex est une hôtesse d'accueil de l'immigration"

Sophie Claudet :

"Mais une police des frontières européennes, Frontex, ce genre d’organisme, vous y croyez ou pas, cela n'a pas lieu d'être ?"

Marine Le Pen :

"Pourquoi pas s'ils viennent en supplément de la protection par chaque pays de ses propres frontières et de la gestion de sa propre politique d'immigration. Demain, la Grèce est confrontée à un flux massif de migrants, elle protège elle-même ses frontières et elle appelle Frontex comme en quelque sorte le Mali a appelé l'armée française quand il s’est retrouvé en difficulté pour qu'elle vienne l'aider, pourquoi pas. Mais aujourd'hui Frontex, c'est quoi ? C'est une hôtesse d'accueil de l'immigration. Frontex n'est pas là pour empêcher l'immigration, Frontex ne ramène pas les clandestins dans leur propre pays, il n’arraisonne pas les bateaux en les ramenant à leur port de départ, ils sont une hôtesse d'accueil, ils gèrent les campements de migrants et organisent tout cela. Non, en l’état, objectivement, Frontex ne répond pas aux missions qu'éventuellement, je souhaiterais leur confier."

"Je suis d'accord avec l'idée de la fondation de Steve Bannon"

Sophie Claudet :

"Parlons un peu de politique internationale, en tout cas de vos relations à l'international. On vous sait assez proche de Steve Bannon que vous avez rencontré. Il a créé cette fondation "Le Mouvement". Vous avez choisi de ne pas en faire partie. Pourquoi ?

"Le Mouvement", je le rappelle, c'est l'idée de rassembler ces groupes et partis européens nationalistes populistes. Et d'ailleurs, il va organiser un grand rassemblement avant les élections européennes. Est-ce que vous y irez ?"

Marine Le Pen :

"Nous n'avons pas dit que nous n'y participerions pas."

Sophie Claudet :

"Vous n'êtes pas dans le mouvement en tant que parti."

Marine Le Pen :

"En réalité, nous attendons qu'on nous exprime la forme, le périmètre de cette fondation. Sur l'idée moi, je suis d'accord qu'il y ait une fondation qui puisse discuter, permettre des tables rondes, des échanges entre des experts italiens, français, autrichiens, espagnols."

Sophie Claudet :

"Et cela ne vous gêne pas que ce soit un Américain qui est soit à l'origine de ça ?"

Marine Le Pen :

"Mais non, Madame parce que ce n'est pas une fondation européenne, c'est une fondation mondiale. Il faut qu'on puisse discuter avec des Russes, avec des Américains demain. Vous voyez bien qu'on est au bout de la logique de la mondialisation sauvage et je m'en réjouis. Mais demain, il va falloir réfléchir. Le commerce international, est-ce qu'on va continuer le libre-échange ou est-ce qu'on va mettre comme nous le souhaitons le juste échange ? Est-ce qu'on va voir revenir le protectionnisme intelligent comme je le souhaite ou est-ce qu'on continue la dérégulation totale ? Tout ça, ce sont des choses que nous devons discuter au niveau mondial."

Sophie Claudet :

"Donc vous irez à son rassemblement celui qu'il a annoncé avant les élections européennes, vous en ferez partie ?"

Marine Le Pen :

"À chaque fois qu'on peut discuter qu'on a un espace pour discuter ensemble de tout cela, bien sûr que je considère que c'est intéressant et important."

"J'ai de bonnes relations avec les Etats-Unis et avec la Russie"

Sophie Claudet :

"Vous parliez de la Russie. Vous avez quand même des relations déjà avec la Russie assez étroites ?"

Marine Le Pen :

"Donc, j'ai de bonnes relations avec les Etats-Unis et avec la Russie, soit..."

Sophie Claudet :

"Non, M. Bannon n'est pas les Etats-Unis."

Marine Le Pen :

"C'est quand même le conseiller de Donald Trump."

Sophie Claudet :

"Non, il ne l'est plus, je crois plutôt qu'il est en disgrâce."

Marine Le Pen :

"Je ne suis pas sûre de cela. Attention à ce que vous dites. Vous savez, maintenant, avec les fake news, il faut faire attention à ce qu'on dit."

Sophie Claudet :

"On n’essaye de ne pas en faire à euronews."

Marine Le Pen :

"Quoi qu'il en soit je souhaite avoir de très bonnes relations avec les Etats-Unis, avec la Russie, avec l'Inde et avoir des relations également avec la Chine parce que je pense que c'est le rôle de la France."

"La France doit être une puissance d'équilibre"

Sophie Claudet :

"Est-ce que c'est pour cela que vous avez nommé M. Thierry Mariani numéro 3 de votre liste ? Lui qui est très, très proche des Russes, qui est très souvent en Russie ?"

Marine Le Pen :

"Non, j'ai mis M. Mariani parce qu'il est le fondateur de la Droite populaire."

Sophie Claudet :

"Un transfuge des Républicains."

Marine Le Pen :

"II exprime cette volonté de rassemblement que j'ai souhaitée."

Sophie Claudet :

"Il a beaucoup d'entrées chez les Russes."

Marine Le Pen :

"Oui, il a de très bonnes relations avec les Russes, mais c'est très bien. J'ai des gens aussi sur ma liste qui ont de très bonnes relations avec les Etats-Unis, soit et tant mieux ! Car encore une fois, la France a une place particulière dans le monde et elle doit conserver cette voix particulière, elle doit être une puissance d'équilibre. C'est dans ce monde multipolaire que je souhaite voir réémerger et qui émerge c'est je crois quelque chose d'essentiel."

Présidentielle française 2022 : "Si ce n'est pas moi, je céderai très facilement la place"

Sophie Claudet :

"La question que je dois absolument vous poser est : allez-vous présenter une nouvelle fois à la présidentielle en France en 2022 ?"

Marine Le Pen :

"Je n’en sais absolument, strictement rien."

Sophie Claudet :

"Vraiment ?"

Marine Le Pen :

"Mais oui, vraiment !"

Sophie Claudet :

"Vous ne voulez pas prendre votre revanche contre M. Macron ?"

Marine Le Pen :

"Non, mais je n'ai pas du tout l'esprit revanchard, moi. Je ne regarde d'ailleurs jamais le passé, je regarde plutôt l'avenir. Ce sont les adhérents du Rassemblement national qui décideront le moment venu qui est le mieux placé pour porter nos idées. Si c'est moi, j'irai. Si ce n'est pas moi, je céderai très facilement la place."

Sophie Claudet :

"Ce pourrait être qui ?"

Marine Le Pen :

"Mais, je n'en sais rien. Je ne sais pas encore qui pourrait être candidat. Moi j'ai envie qu'on gagne, quel que soit celui par lequel passera cette victoire, je souhaite que nous gagnons parce que je pense que mon pays va très mal, que chaque jour qui passe démontre que notre pays va mal, qu'il s'affaiblit et qu'il faut urgemment changer de direction."

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