Les favelas du Brésil sont des mouroirs pour les cas graves de coronavirus, des Noirs surtout

Au coeur des favelas du Brésil, toutes plus misérables les unes que les autres, le nouveau coronavirus a trouvé l'un de ses terreaux préférés dans le monde pour essaimer et détruire la vie. Les Noirs, qui peuplent en majorité le pays et surtout ces bidonvilles totalement insalubres, sont ainsi les premiers à subir les affres de la maladie. Des statistiques nationales l'établissent sans le moindre doute : quand des patients blancs entrent à l'hôpital, ils ont carrément plus de chances d'en ressortir vivants que les malades noirs.
Un peu plus de 36% des personnes infectées par le Covid-19 et hospitalisées sont noires, mais elles représentent un peu plus de 45% des décès.
Les favelas sont condamnées d'office
Quand le fléau est entré sur l'immense territoire brésilien, les épidémiologistes l'ont constaté, les premiers cas de contamination étaient essentiellement des habitants rentrant de l'étranger, des habitants appartenant à la classe aisée qui avaient pu se payer ce genre de voyage. La population pauvre s'est alors trompée en estimant que le coronavirus ne pénétrerait pas à l'intérieur des favelas. Et comme les gens ont continué de travailler comme si de rien n'était, la pandémie s'est développée et diffusée.
Dans la ville emblématique de Rio de Janeiro par exemple, le taux de létalité est bien supérieur dans les bidonvilles : à Maré, un vaste regroupement de favelas qui ont poussé comme des champignons au nord de la cité, ce taux grimpe à 30,8%, alors qu'en comparaison à Leblon, quartier très huppé du sud de Rio, juste au bord de la mer, il stagne à 2,4%.
La directrice d'une ONG implantée dans les quartiers pauvres, Redes da Maré, résume la situation. Eliana Sousa Silva :
La pandémie creuse "les inégalités historiques héritées de l'esclavage"
Le même constat de précarité générale, d'un accès aux soins minimal ou inexistant, de conditions de vie lamentables et de promiscuité permanente, est à faire dans l'Etat de Sao Paulo, qui est le plus densément peuplé du Brésil. Le risque d'y mourir du Covid-19, selon les autorités sanitaires nationales, est désormais 62% plus élevé pour les Noirs. Les derniers calculs indiquent que le taux de mortalité dans cette région de Sao Paulo est estimé à 15,6 pour 100 000 habitants au sein de la population noire, contre 9,6 pour 100 000 habitants pour les Blancs.
Pour Emanuelle Goes, une chercheuse de l'institut Fiocruz - qui fait référence en terme de santé publique - les inégalités raciales sont ici démontrées :
Les Noirs accèdent rarement aux soins du privé
Lorsque l'on habite dans une favela surpeuplée, il n'y a même pas lieu de parler de la fameuse "distanciation sociale". Quant à l'hygiène, elle est quasiment impossible à entretenir au quotidien puisque l'eau courante n'existe pratiquement pas dans les fragiles habitations. Et quand les personnes noires qui y survivent dans le dénuement ont le malheur de tomber malades, elles ne peuvent que compter sur le système public de santé, lui-même gravement malade. Ceux qui ont une assurance maladie et peuvent se faire soigner dans une clinique privée sont la plupart du temps des Brésiliens blancs.
Rien que deux chiffres :
Le revenu moyen des Noirs représente à peine 55,8% de celui des Blancs : c'est ce que conclut un rapport qui vient d'être rendu public cette semaine par l'institut de statistiques IBGE.
Et 67% des Brésiliens qui n'ont pas l'argent nécessaire pour accéder aux soins prodigués dans le privé sont noirs.
La contamination par le Covid-19 prend malheureusement sa vitesse de croisière au Brésil : 135 106 cas ont été recensés jeudi soir, ainsi que 9 146 décès. Et ces données sont largement sous-estimées, estiment bon nombre de scientifiques de la communauté internationale.