Mali : quelles répercussions après le coup d'Etat ?

Un homme tient un drapeau national alors qu'il célèbre avec d'autres dans les rues de la capitale Bamako après un putsch au Mali.
Un homme tient un drapeau national alors qu'il célèbre avec d'autres dans les rues de la capitale Bamako après un putsch au Mali. Tous droits réservés Jacquelyn Martin/AP
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Par David Walsh
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Les événements au Mali pourraient avoir des répercussions dans toute l'Afrique de l'Ouest et aggraver des problèmes tels que la pauvreté et le terrorisme.

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Mardi 18 août, une foule en liesse a envahi les rues de Bamako, la capitale du Mali, agitant des drapeaux au milieu de klaxons et de tirs, saluant ce qu'elle considère comme le début d'un nouveau chapitre de l'histoire du pays.

Sous la pression des militaires, le président Ibrahim Boubacar Keïta et le Premier ministre Boubou Cissé ont démissionné avant d'être arrêtés par des militaires.

Jeudi, une nouvelle junte militaire - qui s'appelle le Comité national pour le salut du peuple - a été installée, promettant de nouvelles élections et une confiance renouvelée entre le peuple et le gouvernement.

Alors que le Mali a longtemps été présenté comme l'incarnation d'une démocratie africaine dynamique, le pays a été souvent à la Une des journaux pour le terrorisme qui le frappe.

Mais le coup d'État en cours, qui est l'aboutissement de semaines de troubles dans ce pays d'Afrique de l'Ouest après des élections contestées, a fait cette semaine des vagues dans le monde entier.

Alors, que signifie ce coup d'État pour les Maliens et pourquoi devrions-nous y prêter attention ?

Une région instable

S'exprimant lors d'une conférence de presse mercredi dernier, le président du Conseil européen, Charles Michel, a déclaré que les événements au Mali pourraient avoir "un effet déstabilisateur sur l'ensemble de la région".

"Nous sommes extrêmement préoccupés par l'évolution de la situation. Nous pensons que la stabilité de la région et du Mali, et la lutte contre le terrorisme doivent être une priorité absolue, et nous demandons la libération immédiate des prisonniers et le retour à l'état de droit", a-t-il déclaré.

"Nous pensons également que nous devons poursuivre nos efforts de coopération étroite avec les différentes institutions - les institutions africaines - concernées afin de parvenir à une solution qui soit directement liée aux aspirations du peuple malien".

Charles Michel n'est pas le seul à exprimer son inquiétude face à l'évolution de la situation. Le coup d'État aura probablement des conséquences sur la stabilité de toute la région du Sahel en Afrique de l'Ouest. Il pose également des problèmes de sécurité pour l'UE, les États-Unis et le monde arabe, notamment parce qu'il pourrait provoquer un vide que les extrémistes islamistes déjà bien ancrés dans le pays chercheront à exploiter.

Une "guerre éternelle" pour la France ?

La France, plus que la plupart des acteurs européens impliqués dans les opérations anti-terroristes au Sahel, a un intérêt direct dans ce qui se passe dans ce pays, qui est une ancienne colonie.

Le Mali, qui a obtenu son indépendance en 1960, a longtemps été tenu en haute estime pour sa démocratisation au début des années 90. Mais depuis 2012, le pays est secoué par une succession de violents affrontements avec les extrémistes islamistes après un coup d'État militaire.

Les djihadistes liés au groupe État islamique et à Al-Qaïda ont été capables de s'emparer de nombreuses villes du nord du pays, imposant une interprétation stricte de la loi islamique aux personnes y vivant. Cela a notamment entraîné la destruction de sites historiques et des mariages forcés pour certaines femmes.

L'intervention militaire française en 2013 a réussi à déloger les jihadistes des grandes villes mais n'a pas réussi, depuis sept ans, à empêcher une résurgence militante.

Et cela a bien sûr eu un coût pour la France : avec plus 5 000 soldats déployés sur le terrain en 2020 et 47 tués au cours du conflit, le Mali a été décrit comme une "guerre éternelle" pour la France.

En plus de mobiliser des ressources militaires françaises, allemandes, italiennes et américaines pour la stabilisation du pays, l'ONU dépense actuellement un milliard d'euros par an pour y maintenir 15 000 soldats.

Actuellement, plus de la moitié du territoire malien est toujours occupée par des groupes armés de djihadistes, dont l'influence s'étend désormais au-delà de la frontière vers les pays voisins, le Niger et le Burkina Faso.

Pour ceux qui vivent encore dans des zones encore contrôlées par le gouvernement, la guerre a exacerbé les conflits au sein de la société malienne et a mis au jour une corruption rampante au sein du gouvernement, ce qui a provoqué la colère de beaucoup.

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Le récent coup d'État en cours présente de nombreux points communs avec celui de 2012, notamment des troubles publics et un ressentiment à l'égard du gouvernement. La junte installée à Bamako serait même issue des mêmes casernes que les putschistes de 2012.

Une situation qui se détériore pour les Maliens

Alors que beaucoup en Europe et ailleurs voient le Mali avec un certain désintérêt, la lutte contre le terrorisme qui fait rage à l'intérieur des frontières du pays a un tout autre effet sur ceux qui sont sur place.

"Le coup d'État militaire au Mali vient s'ajouter à des années de conflit et de violence dans la région du Sahel, qui ont enfermé des millions de personnes dans une crise", explique à Euronews Klaus Spreyermann, chef de la délégation du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) au Mali.

La crise, qui a maintenant atteint un point culminant avec la destitution forcée du gouvernement actuel, s'est aggravée ces derniers temps en raison d'un certain nombre de facteurs, notamment la pandémie de coronavirus.

Le coup d'État militaire au Mali vient s'ajouter à des années de conflit et de violence dans la région du Sahel, qui ont enfermé des millions de personnes dans une crise,
Klaus Spreyermann
Chef de la délégation du Comité international de la Croix-Rouge au Mali

"La violence s'est tragiquement intensifiée pendant la pandémie Covid-19, entraînant des morts, des blessés et des déplacements, alors que plus de 18 % des établissements de soins de santé du pays, et 90 % d'entre eux dans le nord, ont été détruits par la guerre", ajoute M. Spreyermann.

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Alors que le président Keïta a bénéficié d'une vague de soutien populaire lors de sa victoire écrasante aux élections de 2013, beaucoup le considèrent maintenant, lui et son gouvernement, avec méfiance.

Ayant été contraint à un second tour lors de l'élection présidentielle de 2018, les Maliens l'ont accusé de ne pas avoir étouffé la corruption comme il l'avait promis, allant même jusqu'à l'accuser d'avoir manipulé une élection parlementaire en mars.

"Les habitants du nord et du centre du Mali ont vécu pendant des années dans un cercle vicieux de conflits et de chocs climatiques qui les ont chassés de chez eux et ont détruit leurs moyens de subsistance", indique M. Spreyermann.

"Leurs besoins ne doivent pas être oubliés. Il reste de la responsabilité des autorités de les aider, quels que soient les changements de dirigeants à Bamako".

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