"Séparatisme", laïcité, haine en ligne : les mesures sensibles que la France veut mettre en place

Emmanuel Macron
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Par euronews
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Le projet de loi contre les séparatismes, présenté mercredi en Conseil des ministres, doit arriver début 2021 à l'Assemblée nationale où la majorité doit aussi gérer ses divisions internes sur le sujet hautement sensible de la laïcité.

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C'est l'un des derniers grands textes de cette deuxième moitié de quinquennat. Et sans doute aussi l'un des plus clivants. Exit le terme "séparatisme" et place au "projet de loi confortant les principes républicains" qui sera présenté en Conseil des ministres. Dans les faits, il vise entre autres à combattre les phénomènes de repli communautaire et l'islam radical. Alors concrètement, que contient ce projet de loi hautement sensible ? 

  • Encadrer fortement l'école à la maison

Premier point qui concerne 50 000 familles françaises : le texte encadrerait fortement la scolarisation à domicile. Un sujet qui attise déjà les tensions. Le Conseil d'Etat a d'ailleurs mis en garde contre le risque d'inconstitutionnalité d'une interdiction quasi-totale.

Le gouvernement prévoit aussi de serrer la vis des écoles hors contrat (une partie seulement sont de nature confessionnelle) et d'étendre à tous les élèves le principe de l'identifiant national des élèves déjà existant, pour lutter contre la déscolarisation. Plus de 100 000 élèves en écoles hors contrats ou scolarisés à domicile n'en auraient pas.

"J'ai remarqué que dans certains quartiers, il y a plus de petits garçons que de petites filles alors que statistiquement on sait que plus de petites filles naissent", avait expliqué le ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin au Figaro. "C'est un scandale de ne pas voir ces petits fantômes de la République ni à l'école Laïque, ni à celle sous contrat et ni même à l'école hors contrat", avait-il ajouté, assurant vouloir "sauver ces enfants des griffes des islamistes".

  • Renforcer la lutte contre la haine en ligne

Autre mesure, dont la nécessité a été renforcée par la décapitation de l'enseignant Samuel Paty : la création d'un "nouveau délit de mise en danger de la vie d’autrui par la diffusion d’informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle". Objectif : renforcer la lutte contre la haine en ligne. Un pôle spécialisé sera d'ailleurs créé au sein du parquet de Paris. Des sanctions spécifiques sont prévues pour les pressions exercées sur des agents de l'Etat ou des élus. 

Avant son assassinat le 16 octobre par un jeune homme d'origine tchétchène, Samuel Paty avait fait l'objet de harcèlement en ligne pour avoir montré des caricatures de Mahomet lors d'un cours sur la liberté d'expression.

Le projet de loi inscrit le principe de neutralité (religieuse) des agents de droit privé chargés d'une mission de service public (SNCF, Aéroports de Paris, par exemple). Jusqu'ici, seule la jurisprudence faisait référence en la matière.

  • Associations cultuelles et conditions d'exercice du culte

Le projet vise aussi aux associations cultuelles qui seraient contraires aux valeurs de la République. Les motifs de dissolution seront élargis. Les préfets pourront s'opposer au versement de subventions publiques. Et les dons étrangers dépassant 10 000 euros devront être déclarés, pour plus de transparence.

Enfin, une autre mesure concerne les associations qui gèrent les lieux de culte musulmans. Celles-ci sont en majorité régies par la loi de 1901 sur les associations. Le texte les incite, en échange d'avantages fiscaux, à s’inscrire sous le régime de 1905. Pas d'obligation donc. Mais si ces structures le font, leurs finances seront davantage contrôlées et leur gouvernance sera soumise à des règles plus contraignantes.

Un autre article prévoit qu'une interdiction de se rendre dans les lieux de cultes "peut être prononcée par le juge (...) en cas de condamnation pour provocation à des actes de terrorisme ou provocation à la discrimination, la haine ou la violence".

Un projet de loi délicat bientôt en débat à l'Assemblée

Un chantier délicat pour le gouvernement, alors que la majorité est traversée par des divergences sur la laïcité et que la loi sur la sécurité globale a laissé des traces. Dans le même temps, pas question pour Emmanuel Macron de laisser le champ libre à Marine Le Pen sur le terrain de la lutte contre l'islam radical à moins de deux ans de la présidentielle.

Ce texte devrait faire réapparaître les clivages politiques classiques lorsqu'il arrivera en débat à l'Assemblée nationale en 2021, avec d'un côté, une gauche vent debout, et de l'autre une droite et un Rassemblement National qui jugent les mesures proposées insuffisantes.

Le projet de loi risque aussi de renforcer les critiques à l'étranger. Des pays musulmans ont vu ces dernières semaines, dans le sillage de la défense par Emmanuel Macron du droit au blasphème, des manifestations contre le président français. Emmanuel Macron est notamment accusé de stigmatiser l'islam. 

Mais dans le monde anglosaxon également, des médias ont aussi pointé du doigt les discriminations envers les musulmans. Et certains chercheurs jugent que la laïcité fait partie du problème. Mais si l'on compare la France aux Etats-Unis, le principe de séparation de l'Eglise et de l'Etat n'est en effet pas né dans le même contexte. 

Les deux pays ont tous les deux adopté cette séparation et la neutralité de l’État, à des degrés divers. Mais comme le note cet édito du New York Times, si la laïcité française est née d'une volonté de protéger l’État contre l’influence des Églises, la séparation américaine vise quant à elle, avant tout, à protéger les Églises contre l’État.

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