Lenteur, "laxisme", manque de moyens... de quoi souffre la justice en France ?

Archives : manifestation d'avocats devant le Palais de justice de Marseille, le 30/03/2018
Archives : manifestation d'avocats devant le Palais de justice de Marseille, le 30/03/2018 Tous droits réservés BORIS HORVAT/AFP or licensors
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Par Olivier Peguy avec AFP, AP
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En France, le président Emmanuel Macron lance ce lundi à Poitiers des "États généraux de la justice". Cette concertation de plusieurs mois est censé améliorer le système judiciaire français. Un vaste chantier au regard des maux dont souffre la justice.

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Le président français Emmanuel Macron lance ce lundi à Poitiers des "États généraux de la justice". Baptisée "Parlons justice !", cette concertation doit permettre d'élaborer des propositions pour "remettre à plat" le système judiciaire. Un vaste chantier au regard des maux dont souffre la justice.

  • La lenteur de la machine judiciaire

L'un des reproches les plus fréquents adressés à l'institution concerne la lenteur des procédures. D'après des données de 2019, le délai moyen pour obtenir une décision de justice était de 6,2 mois devant le juge d’instance, de 9,4 mois devant le tribunal de grande instance, de 14,5 mois devant le conseil de prud'hommes, de 14 mois devant la cour d’appel et de 15,5 mois devant la Cour de justice de l’union européenne et de deux ans devant la Cour européenne des droits de l’homme.

Cette lenteur s'explique à la fois par la complexification des procédures et par une insuffisance des moyens humains et financiers.

  • Un budget jugé insuffisant

Le gouvernement français a augmenté ces dernières années le budget alloué à la justice : +8% en 2022 par rapport en 2021, +4% en 2020 par rapport à 2019.

Mais cela n'empêche pas le sentiment d'une justice "sous-budgétée". C'est du moins ce qu'ont souligné début juin, les deux plus hauts magistrats de France, Chantal Arens, première présidente de la Cour de cassation, et François Molins, le procureur général près la Cour de cassation. Ce sont eux qui avaient alerté le président de la République sur la nécessité d'organiser des "Etats généraux".

  • Un soupçon de "laxisme"

Deux affaires récentes ont mis en lumière des relations tendues entre policiers et magistrats. D'abord, l'affaire des policiers agressés et brûlés à Viry-Chatillon, en 2016. Huit des 13 jeunes poursuivis ont été acquittés en avril 2021, suscitant colère et indignation des policiers. Ils ont dénoncé la clémence de ce verdict.

Il y a eu ensuite l'affaire Sarah Halimi, du nom de cette femme juive, tuée à Paris, en avril 2017. La cour de cassation a considéré que son meurtrier était "irresponsable" pénalement : il ne sera donc pas jugé.

Ces deux décisions de justice ont entraîné des manifestations de policiers, soutenus par plusieurs élus et personnalités politiques. Les syndicats de police dénoncent un "laxisme" de la justice.

Un sentiment partagé par 8 Français sur 10, à en croire un sondage réalisé en mai dernier.

  • Des tensions avec le ministère de la Justice

Historiquement, les relations entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir politique ont souvent été houleuses, chacun accusant l'autre de s'arroger trop d'importance ou d'empiéter sur ses prérogatives. Le gouvernement cherche-t-il à interférer dans des procédures judiciaires en cours ? Les magistrats investissent-ils l’arène politique ? Questions récurrentes.

Ces derniers mois, ces tensions ont pris un relief particulier, plusieurs magistrats voyant d'un mauvais œil la nomination en 2020 d'un avocat, Eric Dupond-Moretti, au poste de Garde de sceaux. Plusieurs décisions prises par le ministre (ouverture d'une enquête administrative contre trois magistrats du Parquet national financier, nomination d'une avocate à la tête de l'École nationale de la magistrature) contribuent à accroître la défiance.

« Toutes ces ingérences et ces interférences dans le cours de la justice, aussi blâmables que vaines le plus souvent, mettent à l’épreuve la séparation des pouvoirs et la solidité du pacte constitutionnel. De ce point de vue, l’histoire des dernières décennies qui a été marquée par d’éclatants progrès en Europe n’est pas pleinement rassurante. Pour exceptionnelle qu’elle soit, la figure du juge que l’on tente de séduire, intimider ou déstabiliser subsiste sur notre continent. Mais aussi fâcheux soient-ils, ces abus et ces dérives ne sauraient ni porter atteinte à la sérénité globale des relations entre la justice et les autres pouvoirs, ni entamer la confiance que les citoyens peuvent et doivent placer dans la justice. »

Ces propos datent de juillet 2011. Ils ont été prononcés par Jean-Marc Sauvé, alors vice-président du Conseil d’Etat. C'est lui qui a récemment coordonné les travaux de la Commission d'enquête sur les abus sexuels sur mineurs dans l'Église (Ciase). Et c'est aussi lui qui est chargé de piloter la commission indépendante sur la Justice.

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"Etats généraux de la justice" : mode d'emploi

  • Ces États généraux vont durer pendant plusieurs mois, à l'échelle nationale.
  • Des groupes de travail réuniront juges, procureurs, greffiers, auxiliaires, avocats, mandataires huissiers, surveillants pénitentiaires... ainsi que des citoyens volontaires, selon l'Elysée.
  • Ces Etats généraux seront organisés en toute indépendance de l'exécutif. C'est du moins ce qu'assure l'Elysée.
  • Elle formulera fin février des propositions, qui seront remises à l'exécutif.
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