Transport maritime : nouvelle perte de conteneurs en mer et toujours pas de réglementation

Le Madrid Bridge photographié partant de Rotterdam le 16 avril 2020.
Le Madrid Bridge photographié partant de Rotterdam le 16 avril 2020. Tous droits réservés Rab LawrenceCreative commons / CC BY 2.0
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Par Vincent Coste
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Il y a quelques jours, un armateur a indiqué qu'un de ses navires avait perdu une partie de sa cargaison en mer. Mais dans les faits, il n'existe pas de réelle réglementation obligeant à déclarer les pertes.

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Le 7 janvier dernier, un porte-conteneur battant pavillon japonais a perdu une partie de son chargement dans l'Océan Atlantique alors qu'il était en train de rallier New York depuis Singapour. L'armateur du navire, le groupe japonais ONE, a confirmé l'incident le 10 janvier. Le navire en question, le Madrid Bridge, lancé en 2018, peut transporter jusqu'à 13 900 conteneurs. L'armateur n'a pas précisé le nombre de conteneurs perdus, mais certaines sources, comme le site spécialisé WK Webster, avance qu'une trentaine seraient partis à la mer.

Cet "effondrement" de conteneurs, selon le jargon utilisé dans le milieu, est, sans doute, le premier à être répertorié en 2022 dans l'océan Atlantique. Même si la pandémie de Covid-19 a eu un impact sur le commerce maritime, des milliers de porte-conteneurs croisent ainsi chaque jour sur les mers et les voies navigables du monde.

Mais ces échanges, opérés par les 6 000 porte-conteneurs qui naviguent sur les grandes lignes maritimes, ne se font pas non sans mal, comme dans le cas du Marine Bridge. Dans un rapport datant de 2020, le World Shipping Council (WSC), la principale association représentant les industriels du transport maritime, a indiqué qu'une moyenne de 1 382 conteneurs ont été ainsi perdus chaque année entre 2008 et 2019. Mais d'autres sources indépendantes avancent des chiffres bien plus élevés pouvant aller jusqu'à 10 000 par an.

Ces deux dernières dernières années, le phénomène a été d'une ampleur bien plus importante. Le même armateur du Madrid Bridge, le groupe ONE, a ainsi perdu 1 816 conteneurs, sur l'un de ses autres navires, le APUS, le 30 novembre 2020. Il y a pratiquement un an, le Essen, opéré par l'armateur Maersk a lui perdu 700 conteneurs le 16 janvier 2021.

Cependant, le problème principal est que, dans les faits, il n'existe  aucune mesure réellement contraignante, au niveau de la réglementation internationale, concernant les pertes. Les armateurs les déclarent… s'ils en ont envie. De plus, la pollution induite par la perte d'un seul conteneur peut être catastrophique, comme ce fut le cas au Sri Lanka l'année dernière avec des plages souillées par des granulés de pétrole industriel.

AP Photo/Eranga Jayawardena
Opération de dépollution sur une plage non loin de Colombo, au Sri Lanka, le 14 juin 2021AP Photo/Eranga Jayawardena

L'importance d'une réglementation sur la perte des conteneurs en mer

Sur le Vieux Continent, le Parlement européen avait adopté, en 2009, le "paquet Erika 3", du nom du pétrolier qui s'était échoué au large de la Bretagne en 1999, comportant plusieurs directives sur le traitement des accidents maritimes et de la pollution liée à ces accidents. La France, qui a pris la présidence du Conseil de l'Union européenne depuis le 1er janvier dernier, s'est engagée à la révision de certaines directives comme celle sur les enquêtes sur les accidents maritimes. Paris a aussi affiché son intention de soumettre au niveau international plusieurs propositions à l’Organisation maritime internationale (OMI) dans les domaines de l’environnement et de la sécurité.

Mais à l'heure actuelle, la France n'a pas communiqué sur son intention d'inclure les pertes de conteneurs dans son action. Des ONG, comme Surfrider Foundation, qui milite depuis longtemps sur cette question, se sont d'ores et déjà positionnées pour porter des mesures de prévention et de sanction afin de mettre en place une réelle réglementation.

Pour saisir l'ampleur de la chose, le WSC a estimé qu'environ 226 millions de conteneurs ont été transportés par bateau en 2019. Ce qui a représenté une cargaison évaluée à plus de 4 000 milliards de dollars. Ce même organisme indique que "90% de ce que nous achetons nous a été apporté par la mer".

Actuellement, les plus gros conteneurs peuvent embarquer jusqu'à 24 000 conteneurs, comme le Ever Ace récemment mis en service. L'ordre de grandeur des conteneurs est donné en équivalent 20 pieds (EVP), ce qui correspond à une longueur de 6 mètres pour 2,44 m de large et 2.59 m, et un volume de 38,5 m3.

AP via les services du canal de Suez
L'Ever Given échoué dans le canal de Suez, en Egypte, le 28 mars 2021AP via les services du canal de Suez

La péripétie du porte-conteneur Ever Given, qui s'était échoué en mars dernier dans le canal de Suez, avait mis en exergue l'importance du transport maritime dans notre modèle de commerce globalisé sans que ne soit après entrepris de réelles réflexions sur la nature même de ce modèle.

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