Viande de synthèse : pourquoi la croisade de l'Italie pourrait être un échec ?

L'Italie s'apprête à devenir le premier pays au monde à interdire à ses entreprises de produire de la viande de synthèse.
L'Italie s'apprête à devenir le premier pays au monde à interdire à ses entreprises de produire de la viande de synthèse. Tous droits réservés Good Meat, left, AP Photo/Gregorio Borgia, right
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Par euronews avec Agences
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L'Italie s'apprête à devenir le premier pays au monde à interdire à ses entreprises de produire de la viande de synthèse, sous peine d'amendes pouvant aller jusqu'à 60 000 euros. Le gouvernement italien a adopté un projet de loi en ce sens fin mars.

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L'Italie s'apprête à devenir le premier pays au monde à interdire à ses entreprises de produire de la viande de synthèse, sous peine d'amendes pouvant aller jusqu'à 60 000 euros. Le gouvernement italien a adopté un projet de loi en ce sens fin mars

Lors de la présentation du projet de loi au Sénat, le ministre italien de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Francesco Lollobrigida, a déclaré :

Elle nuit aux petits producteurs de denrées alimentaires.
Elle nuit à l'environnement.
Elle uniformise les habitudes alimentaires.
Les études ne garantissent pas son innocuité.
Francesco Lollobrigida
Ministre italien de l'Agriculture et de la souveraineté alimentaire

A-t-il raison en ce qui concerne les risques pour la santé ?

Peut-être. La plupart des études ne sont pas suffisamment avancées pour dire si la viande produite en laboratoire est sûre à 100 %. La réponse varie également en fonction de la région du monde où l'on se trouve. 

En 2020, Singapour a été le premier pays à donner son feu vert à la consommation de viande de synthèse. L'Agence fédérale américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA) a suivi en novembre 2022.

Qu'en est-il de l'Union européenne ? L'agriculture cellulaire fait encore l'objet de recherches, mais l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) estime qu'il s'agit d'une "solution prometteuse" pour atteindre ses ambitieux objectifs environnementaux.

L'UE a déjà accordé des millions d'euros de fonds de recherche à des entreprises telles que BioTech Foods, Nutreco et Mosa Meat. En somme, un demi "oui", malgré le scepticisme de nombreux députés italiens.

Les agriculteurs italiens en pâtiront-ils ?

La viande cultivée en laboratoire n'est pas encore dans les rayons des supermarchés ou sur les menus des restaurants italiens. Difficile, donc, d'avoir un retour des consommateurs. Les Italiens ne semblent cependant pas très enthousiastes à l'idée de tenter l'expérience.

Malgré l'amour du pays pour la viande, un récent sondage a révélé que 84 % des Italiens se déclarent contre l'idée d'aliments produits en laboratoire, de la viande au lait en passant par le fromage et le poisson.  

Si cela semble suffisant pour écarter les risques encourus par les agriculteurs locaux, ces derniers demeurent inquiets. Ils se sont donc associés à l'Organisation mondiale des agriculteurs (OMA) pour lancer une pétition internationale contre la viande de synthèse qu'ils ont baptisée la "nourriture Frankenstein".

De Luca signe la pétition Coldiretti contre les aliments synthétiques.

Cette pétition aurait déjà recueilli plus d'un demi-million de signatures et est soutenue par de nombreuses autorités locales, en particulier dans les régions productrices de viande. Elle a également reçu le soutien d'ecclésiastiques, préoccupés par "la santé des fidèles".

Coldiretti, la principale organisation professionnelle représentant le secteur agricole en Italie a même organisé une "flash-mob" près du siège du gouvernement dans le centre de Rome pour dire "non aux aliments de synthèse."

"L’Italie, qui est un leader européen en matière de qualité et de sécurité alimentaires, a le devoir d’être à l’avant-garde dans les politiques alimentaires pour défendre les citoyens et les entreprises", a affirmé son président Ettore Prandini. 

Et l'environnement dans tout ça ?

La production de viande cultivée consiste à faire pousser des cellules d'un animal dans un bioréacteur, une cuve qui fournit un environnement stérile, clos et à température contrôlée pour que les cellules puissent se développer en viande.

Cela nécessite "beaucoup d'énergie", explique un membre de Bruno Cell, une start-up italienne qui étudie comment produire de la viande de culture. "Si cette énergie ne provient pas de sources renouvelables, l'impact sur l'environnement peut être plus ou moins important", explique-t-il à Euronews.

D'autre part, avec les aliments cultivés, l’eau et le sol sont économisés par rapport à l’agriculture intensive, ce qui permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre et la déforestation. Il n'est pas non plus nécessaire d'abattre les animaux ou de pratiquer l'élevage intensif.

AP/Luca Bruno
La Première ministre italienne Giorgia Meloni déguste un morceau de mozzarella lors d'un événement Coldiretti à Milan, en Italie, le 1er octobre 2022.AP/Luca Bruno

Viande cultivée ou traditionnelle, des ressemblances ?

"La viande cultivée est composée des mêmes cellules que les animaux", explique Bruno Cell.

"Le produit de base est à 100 % une cellule animale. Les tissus sont les mêmes, ils ont les mêmes caractéristiques organoleptiques et lorsqu'ils sont cultivés, ils reçoivent théoriquement la même alimentation que les animaux".

Par conséquent, la "viande artificielle" n'est pas si artificielle que cela. [...] Ce projet de loi dit en substance que tout ce qui ne provient pas directement de la terre est dangereux. Il ne fera que retarder les progrès de la recherche italienne dans ce domaine."

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Pour entrer en vigueur, le projet de loi devra être adopté dans un délai de deux mois par le Parlement italien, qui aura la possibilité de le modifier durant ses débats.

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