L'ombre de l'Iran sur la guerre Israël-Hamas : pourquoi craint-on les menaces de Téhéran ?

Le ministre iranien des Affaires étrangères Hossein Amir-Abdollahian et le chef du politburo du Hamas Ismail Haniyeh se rencontrent au Qatar, 14 octobre 2023
Le ministre iranien des Affaires étrangères Hossein Amir-Abdollahian et le chef du politburo du Hamas Ismail Haniyeh se rencontrent au Qatar, 14 octobre 2023 Tous droits réservés AP/Iranian Foreign Ministry
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Par Ilaria FedericoMihhail Salenkov
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Cet article a été initialement publié en russe

Les autorités iraniennes ont menacé d'intervenir dans le conflit si Israël venait à lancer une opération terrestre dans la bande de Gaza. Euronews a interrogé des experts sur la nature de cette intervention potentielle et ses conséquences.

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Le ministre iranien des affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, a déclaré qu'un règlement politique de la situation dans la bande de Gaza devenait de moins en moins probable, et que Téhéran envisageait la possibilité d'une "action préventive" contre Israël.

Une information confirmée par Jake Sullivan, le conseiller à la sécurité nationale des États-Unis. "Nous ne pouvons pas exclure que l'Iran décide d'intervenir directement", a-t-il commenté.

Israël lui-même a réagi durement aux avertissements iraniens. "Iran et Hezbollah, ne nous testez pas dans le nord. Le prix que vous aurez à payer sera beaucoup plus élevé. Je vous dis en hébreu ce que le président des États-Unis a dit en anglais : ne le faites pas", a déclaré le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.

Selon une enquête du Wall Street Journal citant des "hauts responsables du Hamas et du Hezbollah" , l'Iran aurait apporté une aide à la planification de l'attaque contre Israël. Cependant, le guide suprême de la République islamique, l'ayatollah Ali Khamenei, a rejeté ces allégations.

Maître de la guerre par procuration

Les experts soulignent que Téhéran a entretenu des liens étroits avec le Hamas depuis longtemps.

En ce qui concerne l'attaque du 7 octobre contre Israël, Sara Bazoobandi, chercheuse à l'Institut allemand pour les études mondiales et régionales (GIGA), explique que certains éléments suggèrent une possible assistance extérieure.

"L'Iran a été l'un des soutiens de longue date du Hamas en termes de formations militaires, de logistique, de contrebande d'armes et d'aide pour maintenir leurs capacités militaires", explique l'experte. 

"Il y a des éléments, en particulier des éléments de cet épisode récent, qui, à mon avis, ont fait réfléchir les gens sur une éventuelle implication directe de l’Iran dans la formation et la préparation de cette opération. Par exemple, les parapentistes, ces terroristes qui sont entrés essentiellement dans le territoire israélien pour commettre des crimes… On ne peut pas apprendre à piloter un parapente dans les tunnels de Gaza. On ne peut pas s'entraîner à piloter des parapentes dans une zone extrêmement contrôlée du point de vue de la sécurité. Ils ont dû être formés ailleurs".

Selon Sara Bazoobandi, l'Iran ne participera pas directement aux combats, mais utilisera probablement les organisations non étatiques qu'il soutient.

Téhéran soutient non seulement le Hamas, mais aussi d'autres groupes fondés sur une idéologie anti-israélienne, du mouvement chiite Hezbollah au Liban au Jihad islamique sunnite dans la bande de Gaza et en Syrie.

"Le principal risque est qu'afin de maintenir sa crédibilité et sa dissuasion, l'Iran pourrait encourager ses alliés au Liban, en particulier le Hezbollah, qui est beaucoup plus puissant que le Hamas, à ouvrir un nouveau front contre Israël depuis le nord", note Ali Vaez, directeur du programme Iran à l'International Crisis Group. "Et si l'Iran est entraîné dans la guerre, cela pourrait impliquer aussi l'Irak, la Syrie et le Liban dans un conflit avec Israël et les États-Unis, avec des conséquences qui seront probablement désastreuses, non seulement pour la région, mais pour le monde entier".

Les combattants du Hezbollah sont mieux armés et mieux entraînés que ceux du Hamas, selon Barbara Slavin, responsable du programme Moyen-Orient au Stimson Center de Washington.

Ils disposeraient d'un arsenal de 150 000 roquettes qu'ils pourraient utiliser contre les principales villes israéliennes. "Des rapports indiquent que des membres du mouvement désactivent les caméras de surveillance installées par Israël le long de la frontière". "Je pense qu'il s'agit d'un indicateur alarmant qui montre que si Israël lance une opération terrestre à Gaza, le Hezbollah sera contraint de réagir d'une manière ou d'une autre, peut-être en ouvrant un second front dans le nord d'Israël", explique l'analyste.

Les experts notent que le principal objectif de la politique de défense de Téhéran est d'empêcher une attaque directe sur le territoire iranien.

"Téhéran n'enverra pas ses militaires dans la zone de guerre pour aider le Hamas", est convaincue Barbara Slavin.

"L'Iran essaie principalement, dans le cadre d'une politique de défense préventive, de dissuader une attaque directe sur son territoire. Ce qui importe le plus à l'Iran, par-dessus tout, c'est de ne pas exposer son propre territoire à une attaque d'Israël et des États-Unis" ajoute Ali Vaez. "L'Iran est prêt à combattre Israël, mais je ne pense pas qu'il soit prêt à prendre des risques suffisamment élevés qui exposeraient ensuite l'Iran à une attaque qu'il ne pourrait pas efficacement dissuader" commente-il."Le dilemme ici est un cas classique pour l'Iran : s'il permettait au Hamas d'être considérablement affaibli par Israël, il perdrait de sa crédibilité et affaiblirait la crédibilité de l'axe de résistance qu'il a constitué".

Le Moyen-Orient est-il sur le point de devenir le théâtre d'une nouvelle grande guerre ?

"Je pense que nous pourrions être au bord d'une guerre majeure au Moyen-Orient. Qui est prêt à escalader les tensions après l'opération terrestre israélienne à Gaza ? Il pourrait s'agir de l'Iran, du Hezbollah, des Houthis yéménites. Nous sommes à un stade très préoccupant de l'histoire moderne de la région du Moyen-Orient", déclare Sara Bazoobandi.

L'experte rappelle que l'Iran lui-même a la possibilité d'attaquer directement Israël. Les missiles à longue portée produits par Téhéran, comme l'a déclaré l'armée iranienne il y a un an, "pourraient raser Tel-Aviv". "Les missiles à plus longue portée produits par l'Iran peuvent facilement atteindre des villes de l'ouest comme Masjed Soleymānjusqu'à Tel Aviv. Cela équivaut à environ 3 000 kilomètres, ce qui se situe dans la portée des missiles iraniens" explique Sara Bazoobandi. "L'Iran a donc développé la technologie des drones et des missiles, disposant ainsi de moyens de représailles. Je pense que c'est en partie la raison pour laquelle tout le monde est très hésitant quant à la manière d'appréhender cette situation, comment interpréter ce lien avec l'Iran, et comment réagir à ce lien avec l'Iran, car personne ne souhaite réellement une autre crise majeure dans cette partie du monde".

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Un nouveau conflit majeur pourrait, en outre, entraîner la perte du programme nucléaire de Téhéran.

"Si nous entrons dans une guerre à grande échelle, les États-Unis et Israël y verront probablement l'occasion de détruire le programme nucléaire iranien, qui n'a jamais été aussi proche de la mise au point d'armes nucléaires. Cela aura un coût énorme, en termes de capacités militaires, et peut-être en termes de pertes humaines", prévient Ali Vaez.

Selon Barbara Slavin, les diplomates s'efforcent désormais de réduire la probabilité d'une escalade du conflit.

"Il s'agit déjà de la guerre la plus sanglante entre Israël et ses adversaires depuis des décennies", affirme-t-elle. "Mais Israël ne peut pas "bombarder son chemin vers la paix. À un moment donné, un effort sérieux doit être fait pour tenter de résoudre les problèmes des Palestiniens".

Selon Ali Vaez, la seule solution la plus envisageable est un cessez-le-feu. "Il n'y a pas d'autre solution que la diplomatie. Je pense qu’on a déjà essayé l'alternative, c’est-à-dire l'utilisation de la force militaire et une diplomatie coercitive par le biais des sanctions. Cela n'a fait qu'inciter l'Iran à être plus agressif dans la région et plus répressif à l'intérieur de ses frontières. La meilleure chose que la communauté internationale puisse faire, tant d'un point de vue stratégique que humanitaire, est de parvenir à un cessez-le-feu le plus rapidement possible".

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