Un nouveau mouvement citoyen appelé "Bloquons tout" est apparu dans les rues de France. S'agit-il d'un simple remake des manifestations antigouvernementales des Gilets jaunes de 2018 ?
Sept ans après les manifestations des "Gilets Jaunes" et les occupations de ronds-points emblématiques qui ont secoué la France, un nouveau mouvement citoyen baptisé "Bloquons Tout" défie le gouvernement du président Emmanuel Macron, suscitant des comparaisons avec les événements de 2018.
Mais dans quelle mesure ces soulèvements populaires sont-ils comparables ?
La similitude entre les deux est qu'ils ont émergé sur les médias sociaux, la principale plateforme pour le mécontentement social et le ralliement des gens dans le monde entier.
"Les manifestations des Gilets jaunes se sont déroulées principalement sur Facebook, avec des groupes comptant jusqu'à 1 million de membres actifs, révélant une mobilisation populaire alimentée par une expression massive, émotionnelle et virale", Véronique Reille Soult, spécialiste des médias sociaux, a commenté dans Les Échos.
"L'expression visible du mouvement Bloquons tout se fait essentiellement sur X et correspond à une mobilisation plus militante et événementielle, qui n'a pas atteint à ce stade le même niveau d'adhésion spontanée."
Les mouvements des Gilets jaunes et de Bloquons tout ont également en commun le fait que les appels à l'action n'émanent pas de partis politiques ou de syndicats traditionnels, ni de leaders publics clairement identifiés, mais d'initiatives citoyennes, défiant les cercles de pouvoir établis.
Outre les stratégies de perturbation communes, impliquant des actions à forte visibilité, il existe des nuances lorsqu'il s'agit d'identifier les protagonistes, les motifs et les objectifs des différentes manifestations.
Les causes profondes des troubles
Initialement déclenchés par une proposition gouvernementale d'augmentation des taxes sur les carburants, les Gilets jaunes étaient un mouvement populaire spontané, qui s'est ensuite transformé en une manifestation massive de colère contre les inégalités sociales et les élites dirigeantes.
S'appuyant sur la classe ouvrière, les retraités et les personnes les plus touchées par la précarité, le mouvement a mis en évidence la fracture entre les zones rurales et périphériques de la France et ses grands centres urbains.
"Nous ne sommes pas la France invisible", affirmait l'un de leurs tracts.
Jérôme Rodrigues, figure emblématique du mouvement, a déclaré à Euronews à l'époque que ce qui poussait les gens à descendre dans la rue était simple.
"Tout ce que les gens veulent, c'est pouvoir vivre de leur salaire", a déclaré M. Rodrigues.
"Tout ce que les gens veulent, c'est pouvoir vivre de leur salaire, avoir de quoi manger jusqu'à la fin du mois et pouvoir emmener les enfants au cinéma de temps en temps.
Déclenchée par le plan budgétaire 2026 de l'ancien Premier ministre François Bayrou, qui proposait notamment de supprimer deux jours fériés, la manifestation Bloquons tout englobe des mesures d'austérité, des réductions des retraites et des services sociaux, et vise l'approche du marché libre dans son ensemble.
"Il y a une volonté de bloquer l'économie en particulier", a déclaré Patrick Vassort, sociologue et politologue à l'université de Caen, à Radio France. "Je pense que les militants ont compris que le seul moyen de pression n'est plus de défiler dans les villes, mais de bloquer les flux.
"Les flux économiques comprennent à la fois les flux monétaires et les flux de travailleurs, de camions et de produits."
Comme les Gilets jaunes, Bloquons tout n'a pas de leadership clairement identifiable. Cependant, il est structuré par divers sites Internet qui affichent des racines idéologiques, bien que disparates.
Si l'initiateur présumé du mouvement, "Les Essentiels", est un groupe souverainiste conservateur prônant le christianisme et la sortie de la France de l'Union européenne (le "Frexit"), des groupes s'identifiant à l'idéologie de la gauche radicale, tels que "Indignons-nous", qui apparaît aujourd'hui comme l'un des principaux organisateurs, lui ont fait de l'ombre.
Agitation et renversement de tables
Dans l'ensemble, comme le montre une étude récente de la Fondation française Jean Jaurès, la base du mouvement "Bloquons tout" est plus politisée, plus jeune et issue d'un spectre social plus large que celle des "Gilets jaunes".
D'où son programme plus large, qui vise à "renverser la table" de ce que ses partisans considèrent comme un modèle politique et économique néolibéral qu'ils qualifient d'inefficace, d'injuste, de corrompu et d'incapable de répondre aux maux de la société française, des difficultés financières à l'environnement.
Cependant, ni les Gilets jaunes ni le Bloquons tout ne peuvent être entièrement catalogués, ce qui est sans doute l'une des clés de la popularité de ces mouvements fourre-tout.
La portée du Bloquons tout, à ce stade, éclipsé par les Gilets jaunes, n'a pas encore été évaluée.
Au cours des sept années qui séparent les deux mouvements, une traînée d'événements internes et externes a ébranlé les sociétés du monde entier : la pandémie de COVID-19, la guerre de la Russie en Ukraine, la guerre Israël-Hamas, une myriade de catastrophes liées au changement climatique et la querelle transatlantique menée par l'administration Trump, pour ne citer que les plus puissantes.
Tous ces éléments ont contribué à accroître le sentiment de désespoir et de colère à l'égard des dirigeants politiques, largement perçus comme incapables de sortir le pays de l'ornière mondiale.
Ces sentiments ne sont pas l'apanage de la France. Que ce soit en Espagne, en Allemagne, en Italie, au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas, une tendance à des mouvements de protestation perturbateurs, basés sur les citoyens, s'est développée dans toute l'Europe.
L'ampleur des mouvements français n'en est pas moins unique. Au-delà de son objectif immédiat de chasser Macron, la question est maintenant de savoir si Bloquons tout a le potentiel de se développer et de contribuer à remodeler l'avenir politique du pays.
Et pour Bloquons tout, il y a une leçon évidente qu'il pourrait tirer de son prédécesseur aux couleurs néon.
Il est clair qu'il y a un "avant" et un "après" Gilets jaunes dans le débat public", a déclaré M. Le Bart, qui a qualifié le mouvement de "démocratie des ronds-points".
Selon M. Le Bart, les Gilets jaunes ont mis en lumière des groupes sociaux qui se considèrent habituellement comme invisibles, "une France qui a des difficultés à la fin du mois, une France de la précarité, qui limite sa propre consommation - assez discrète mais pourtant numériquement très importante".