La réglementation européenne visant à rendre les emballages plus respectueux de l'environnement mettait en péril la boîte en bois enveloppant le camembert.
L'Union européenne sait depuis longtemps que le cœur de la France passe par son estomac. Alors, ne touchez pas au camembert - jamais, au grand jamais.
Les législateurs du Parlement européen ont voté pour que cela n'arrive pas.
Mercredi 22 novembre, les eurodéputés étaient invités à voter sur une loi de réduction du gaspillage alimentaire, dans la lignée de la loi "Antigaspillage pour une économie circulaire". Pour lutter contre l'accumulation des déchets, l'Union européenne souhaite diminuer leur volume de 10% par habitant, d'ici à 2035. Parmi les mesures proposées, celle de rendre tous les emballages recyclables dans l'Union européenne à partir de 2030.
La célèbre boîte en bois dans laquelle est emballé le camembert était donc dans le viseur de cette réglementation visant à rendre les emballages recyclables.
Les producteurs de fromage français inquiets
Certains producteurs de fromage français ont affirmé que la proposition rendrait illégal le fait que le camembert soit bercé dans son emballage en bois habituel pour ses dernières semaines de maturation et, finalement, pour sa vente. La boîte ronde est aussi essentielle au camembert que sa texture onctueuse et son odeur piquante.
Soudain, on a frémi à l'idée que quelque chose de fondamentalement français puisse tomber dans l'escarcelle des bureaucrates de Bruxelles - que beaucoup appellent par dérision "eurocrates" - qui sont trop souvent blâmés pour des défauts vrais ou faux.
"C'est une question de bon sens. Ne touchez pas à nos camemberts", a déclaré,Jean-Paul Garraud, membre du Parlement européen pour le parti d'extrême droite français, le Rassemblement national.
Si le fromage est contraint de se transformer en quelque chose de plus facile à recycler, comme le plastique, sa respiration parfaite à travers le bois risquerait de devenir moite et flasque. Toutefois, le bois est très difficile à recycler de manière durable. C'est pourquoi l'Union européenne prévoyait de l'éliminer autant que possible des emballages alimentaires.
Même le général Charles de Gaulle, héros français de la Seconde Guerre mondiale et futur président de la République, connaissait parfaitement le problème du fromage. "Comment voulez-vous diriger un pays qui a 246 sortes de fromages ?", se serait-il plaint.
Le Parti populaire européen (centre-droit), le plus grand groupe du Parlement européen avec un électorat agricole traditionnel et un penchant pour la protection du patrimoine, s'est porté à la défense des boîtes en bois pour le camembert et d'autres fromages.
"Nos fromages français sont appréciés dans le monde entier. Mais qui peut imaginer un camembert ou un mont d'or sans son cerclage en bois ? Les emballer dans du plastique serait une aberration gustative et environnementale", a affirmé, l'eurodéputée française, Laurence Sailliet.
"L'Europe doit savoir protéger l'environnement, mais jamais au détriment des spécificités de ses Etats membres", a-t-elle ajouté.
L'alimentation est l'une des spécificités les plus sensibles.
L'ancien Premier ministre britannique, Boris Johnson, alors encore journaliste à Bruxelles, a mené l'assaut des tabloïds en racontant que l'UE insisterait pour que les bananes soient droites et éliminerait les biscuits britanniques bien-aimés.
Cela a-t-il contribué à retourner le Royaume-Uni contre l'UE ? Les électeurs ont en tout cas décidé par référendum de quitter le pays.
La France est très loin d'en être arrivée là, mais le Commissaire européen à l'environnement, Virginijus Sinkevicius, a affirmé mardi que l'UE veillerait à ce que les camemberts non industriels spécialisés dans le lait cru - ceux qui bénéficient d'une appellation d'origine contrôlée (AOP) - soient exemptés de toute réglementation.
Le vote de mercredi incluait une telle exemption.
"En effet, dans l'UE, certains emballages alimentaires en bois, en textile ou en céramique sont mis sur le marché en très petites quantités, et nombre d'entre eux sont protégés par la législation sur la qualité des aliments", a affirmé Virginijus Sinkevicius. "Ces emballages peuvent avoir des difficultés à être recyclés à grande échelle et peuvent faire l'objet d'exemptions spécifiques".