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Quelles sont les ambitions climatiques de l'Allemagne après les élections ?

Le parti écologiste Grüne, mené par Robert Habeck, a obtenu 11,6 % des voix aux élections de dimanche, loin derrière la CDU (28,5 %) et l'AfD (20,8 %)
Le parti écologiste Grüne, mené par Robert Habeck, a obtenu 11,6 % des voix aux élections de dimanche, loin derrière la CDU (28,5 %) et l'AfD (20,8 %) Tous droits réservés  AP Photo/Michael Probst
Tous droits réservés AP Photo/Michael Probst
Par Lottie Limb
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Quelle politique climatique attendre du plus gros émetteur de carbone d'Europe ? Politiciens, experts en énergie et militants partagent leurs espoirs et leurs craintes.

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Les résultats des élections fédérales allemandes laissent l'action climatique du pays dans l'incertitude.

Le parti conservateur de Friedrich Merz, l'Union chrétienne-démocrate (CDU) - associé à son parti frère bavarois l'Union chrétienne-sociale (CSU) - a obtenu 28,6 % des voix dimanche, et devrait s'allier aux sociaux-démocrates du SPD pour former une nouvelle coalition.

Le parti Alternative pour l'Allemagne (AfD) est arrivé deuxième du scrutin, avec 20,8 % des voix, mais le "cordon sanitaire" contre les partis d'extrême droite - maintenu en Allemagne depuis la Seconde Guerre mondiale - devrait les empêcher de participer au nouveau gouvernement.

Quant aux Verts, membres de la coalition "en feu tricolore" qui s'est effondrée en novembre, ils ont vu leur soutien chuter à 11,6 %. Un "résultat respectable" ou une "défaite cuisante", selon les personnes interrogées.

C'est un nouveau signe de l'ampleur du recul de la "vague verte" en Europe, qui avait atteint son apogée lors des précédentes élections de 2021. Les partis écologistes ont été récemment écartés du gouvernement en Autriche, en Belgique et en Irlande, et ont enregistré un fort recul lors des élections européennes de l'été dernier.

En tant que plus grande économie d'Europe, plus gros émetteur de carbone mais également plus grande puissance d'énergie renouvelable, l'Allemagne a une influence considérable sur notre climat.

Que disent les élections sur les priorités climatiques de l'Allemagne ?

Contrairement à 2021, où tous les partis, à l'exception de l'AfD, s'étaient engagés à atteindre un niveau d'émissions nettes nulles d'ici le milieu du siècle, les engagements en matière de climat ont été relégués au second plan de cette campagne électorale.

"La protection du climat a besoin d'une économie forte", telle est la ligne de conduite de l'Union chrétienne-démocrate (CDU) sur le sujet. Le chef de file de la CDU et futur chancelier, Friedrich Merz, a déclaré dans un discours prononcé le jour des élections qu'il ferait de la politique "pour la majorité qui peut penser correctement... et non pour les écolos et les cinglés de gauche".

Le manifeste du bloc conservateur promettait de revenir sur un certain nombre de politiques vertes qui avaient divisé le gouvernement précédent, telles que l'augmentation des ventes de véhicules électriques et de pompes à chaleur.

"La campagne électorale de la CDU/CSU n'a pas seulement été ignorante, au lieu de présenter des solutions au véritable défi de la crise climatique, elle s'est agitée contre les principales réalisations de ces dernières années en matière de politique climatique", affirme Carla Reemtsma, porte-parole de Fridays for Future (FFF), un groupe de défense du climat.

Une manifestation près du bâtiment du Reichstag pour marquer la grève nationale pour le climat organisée par Fridays for Future, à Berlin, le vendredi 14 février 2025.
Une manifestation près du bâtiment du Reichstag pour marquer la grève nationale pour le climat organisée par Fridays for Future, à Berlin, le vendredi 14 février 2025. Carsten Koall/dpa via AP

"La crise climatique est la crise la plus urgente de notre époque. Le fait qu'elle ait été évincée et rabaissée dans cette campagne électorale pour des raisons tactiques est une erreur et un acte irresponsable", ajoute Pauline Brünger, une autre militante de FFF Allemagne.

La sécurité et l'économie arrivent en tête des préoccupations du public, suivies par la justice sociale et les questions d'immigration, selon un sondage réalisé par le groupe d'analystes électoraux Forschungsgruppe Wahlen.

Ciarán Cuffe, coprésident du Parti vert européen, souligne cependant que les recherches menées le jour des élections "ont montré que le climat, l'environnement et l'énergie restent les trois principales préoccupations des électeurs allemands".

En 2023, un sondage Eurobaromètre a également montré que 77 % des Allemands considéraient le changement climatique comme un "problème très grave".

Pourquoi l'action climatique est toujours dans l'intérêt de l'Allemagne

L'Allemagne vise à réduire de 65 % les émissions provenant de la combustion du charbon, du pétrole et du gaz d'ici à 2030 et à atteindre la neutralité climatique d'ici à 2045 - un objectif relativement ambitieux inscrit dans sa loi sur la protection du climat.

"Nous nous attendons à ce que l'Allemagne maintienne le cap", a déclaré à Associated Press Linda Kalcher, du groupe de réflexion Strategic Perspectives, basé à Berlin. Mais elle ajoute qu'il faut s'attendre à un "changement de ton".

"Une grande partie des politiques que le nouveau gouvernement mettra en avant ne le seront peut-être pas au nom du climat, mais au nom de la prospérité, de l'innovation et de la compétitivité", même si l'objectif final est le même, dit-elle.

L'action climatique sera un pilier central de toute stratégie crédible de sécurité et de résilience pour l'Allemagne et l'Europe
Manon Dufour
Directrice exécutive d'E3G Bruxelles

La position des conservateurs sur le climat semble toutefois ambivalente.

Bien qu'ils soutiennent fermement l'objectif "zéro émission nette" d'ici à 2045, ils revoient à la baisse les politiques mises en œuvre pour y parvenir. Toutefois, les progrès de l'Allemagne en matière d'énergie propre s'avèrent rentables sur le plan économique et sécuritaire et devraient donc se poursuivre à un rythme soutenu.

Alors que Donald Trump a entamé un démantèlement de l'action climatique des États-Unis, "il y a une nécessité et une opportunité" pour l'Allemagne de poursuivre son rôle de leader en matière de climat, déclare Marc Weissgerber du groupe de réflexion sur le climat E3G.

Un enfant marche sur des morceaux de glace à Nuuk, au Groenland, le dimanche 16 février 2025.
Un enfant marche sur des morceaux de glace à Nuuk, au Groenland, le dimanche 16 février 2025. AP Photo/Emilio Morenatti

"Il est crucial de maintenir le rythme, non seulement pour la réduction des émissions, mais aussi parce que cela permettrait de réduire les prix de l'électricité à moyen terme et de réduire les dépendances aux importations de combustibles fossiles", déclare par ailleurs à AP Julia Metz, experte allemande en politique climatique et directrice du groupe de réflexion Agora Industry.

L'UE a besoin que l'Allemagne "refasse surface en tant que moteur d'une Europe audacieuse et affirmée", ajoute enfin Manon Dufour, directrice exécutive d'E3G Bruxelles. "L'action climatique sera un pilier central de toute stratégie crédible de sécurité et de résilience pour l'Allemagne et l'Europe".

Quelles politiques climatiques le nouveau gouvernement allemand va-t-il mettre en place ?

La politique industrielle verte est devenue le principal moyen de débattre du changement climatique dans l'UE. E3G, par exemple, exhorte le gouvernement allemand à soutenir activement le nouveau Clean Industrial Deal de l'Union européenne.

Mais l'action climatique prend de nombreuses autres formes : "Les concepts de protection sociale du climat sont tous en place depuis longtemps", affirme Carla Reemtsma.

Elle cite "l'expansion des transports publics, les subventions pour les pompes à chaleur, l'expansion des énergies renouvelables et du chauffage urbain, les programmes de formation dans les industries d'avenir, l'aide directe en cas de catastrophe - tous financés par des prélèvements sur les super-riches et des investissements, plutôt qu'aux dépens des écoles, des chemins de fer et des prestations sociales".

Le manifeste de la CDU/CSU est mitigé sur ces questions. Le parti conservateur s'est engagé à abolir la loi sur le chauffage domestique, qui stipule que tous les systèmes de chauffage nouvellement installés doivent être alimentés par au moins 65 % d'énergie renouvelable.

Il s'efforcera également d'annuler l'interdiction européenne de la vente de nouvelles voitures à essence et diesel, qui doit entrer en vigueur en 2035. Le SDP, qui a déclaré que l'avenir de l'automobile réside dans l'électromobilité, pourrait en revanche tempérer cette position en cas d'alliance entre les deux partis.

Il reste à voir comment cette nouvelle coalition probable tracera la voie vers la neutralité climatique. Alors que le SDP est favorable à des politiques plus strictes pour décarboner le chauffage et les transports, la CDU donne la priorité à la tarification du carbone.

Le groupe CDU/CSU s'est également engagé à "créer le cadre nécessaire" pour le captage et le stockage du carbone (CSC), une technologie controversée.

"Friedrich Merz doit prendre une décision", ajoute Carla Reemtsma, de Fridays for Future. "Restera-t-il l'un des hommes qui brûlent le monde ou reconnaîtra-t-il enfin ce que la réalité écologique et la majorité des gens exigent depuis longtemps ?".

Sources additionnelles • Adaptation : Vincent Reynier

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