Intérêts et réserves sur l’envoi d’avions de chasse à l’Ukraine

Un avion de combat Lockheed Martin F-16 de l'US Air Force lors d'une démonstration de vol en Angleterre, en 2008.
Un avion de combat Lockheed Martin F-16 de l'US Air Force lors d'une démonstration de vol en Angleterre, en 2008. Tous droits réservés AP Photo/Lefteris Pitarakis
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Par Lauren Chadwick
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L’Ukraine réclame des avions de combat pour mener la guerre contre la Russie. Mais l’UE et les Etats-Unis ne veulent pas pour le moment répondre à cet appel.

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L’Ukraine demande depuis plusieurs mois à ses partenaires des avions de combat. Kyiv assure que ces appareils sont nécessaires pour l’emporter face à la Russie. Mais ces appels sont sans véritable réponse pour le moment de la part des alliés occidentaux.

La fourniture d’avions de combat soulève des questions militaires, politiques et techniques qui rendent cette option complexe et délicate.

Lorsque l'armée de l'air finlandaise est passée des avions de chasse soviétiques aux avions de fabrication américaine, la formation a duré un an. Elle comprenait des cours d'anglais, des simulations de vol, des procédures d'urgence et l'apprentissage de l'utilisation de l'avion pour combattre, explique Jarmo Lindberg. Cet ancien pilote de chasse et ancien chef de la défense finlandaise a dirigé le premier groupe de pilotes expérimentés formés en Californie pour piloter des F-18 Hornets.

Les experts affirment qu'il y a beaucoup de considérations à prendre en compte en amont.

"Cela prend du temps et c'est pourquoi nous devons être réalistes et honnêtes sur le fait que cela ne se matérialise pas en quelques semaines", précise Jarmo Lindberg à Euronews.

Une capacité bien plus avancée

Les Ukrainiens pilotent actuellement des MiG-29 et des jets Sukhoi de fabrication soviétique. Mais Kyiv ne cache pas son intérêt les F-16 américains, actuellement utilisés dans plusieurs pays de l'UE.

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a déclaré au début du mois devant les députés britanniques qu’il souhaitait une nouvelle "coalition des avions", après des semaines de débats dans les capitales occidentales sur l'opportunité de fournir ou non des chars de combat à l’Ukraine.

Il a rappelé son message lorsqu’il a présenté un casque de l'armée de l'air au président de la Chambre des Communes, Sir Lindsay Hoyle, sur lequel était écrit : "Nous avons la liberté, donnez-nous des ailes pour la protéger".

Stefan Rousseau/pool photo via AP
Le président de la Chambre des Communes (à gauche), Sir Lindsay Hoyle, présente un casque de pilote de chasse apporté par le président ukrainien, Volodymyr ZelenskeyStefan Rousseau/pool photo via AP

Jarmo Lindberg reconnaît que lui aussi demanderait des avions de chasse occidentaux car il s'agit "d'une capacité bien plus avancée que celle qu'ils obtiennent actuellement des pays occidentaux".

Ces appareils de combat sont extrêmement rapides et peuvent aider l'Ukraine à déplacer ses opérations très rapidement dans tout le pays, explique-t-il.

Jan Joel Andersson, analyste principal à l'Institut d'études de sécurité de l'Union européenne (EUISS), ajoute que l'Ukraine pourrait perdre ses avions de combat actuels et a besoin "d'une force aérienne viable pour avoir une défense crédible à moyen et long terme".

Le groupe de surveillance néerlandais Oryx estime que l'Ukraine a perdu 53 avions de chasse depuis le début de la guerre.

Selon les responsables ukrainiens et certains experts, les appareils de combat permettraient aux Ukrainiens de mieux contrôler le ciel et de protéger leurs forces terrestres qui subissent les attaques de la Russie.

Une possible escalade

Mais cette capacité "plus avancée" pourrait s'accompagner d'une nouvelle escalade dans la guerre, un risque qui est probablement pesé par les gouvernements occidentaux, soulignent des experts à Euronews.

Fin janvier, le président américain Joe Biden a exclu l'envoi d'avions de combat, tandis que le ministre britannique en charge de la Défense, Ben Wallace, a déclaré à la BBC qu'il n'y aurait pas de transfert immédiat de jets.

Downing Street a précisé que le Royaume-Uni envisageait de développer la formation des pilotes d'avions de chasse ukrainiens dans le cadre de "son investissement" dans l'armée ukrainienne. D'autres pays se sont montrés plus ouverts à l'idée de fournir des avions à réaction.

De nombreux experts s'accordent à dire que la Russie pourrait considérer la fourniture d'avions de combat comme une escalade de la guerre. Il existe aussi la possibilité de voir l'Ukraine utiliser ces avions et ces missiles pour frapper sur le territoire russe.

De nombreux médias américains rapportent que le Pentagone a même modifié les lance-roquettes HIMARS pour les empêcher de tirer des missiles vers la Russie.

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Kelly Grieco, membre du programme Reimagining US Grand Strategy du Stimson Center à Washington, souligne que les risques d'escalade sont à la fois "sérieux et très réels" et que les pays occidentaux ont fourni progressivement des armes plus avancées.

"L'un des défis actuels est que la situation devienne de plus en plus dangereuse, car l'Occident constate que cette approche graduelle fonctionne, et il (l'Occident) devient donc moins préoccupé par certains de ces risques d'escalade", ajoute-t-elle.

Les avions de combat seraient-ils même utiles à l'Ukraine ?

Phil Haun, doyen des académiciens du US Naval War College et ancien pilote de chasse, précise que les avions occidentaux ne donneraient pas à l'Ukraine un grand avantage militaire en raison des "solides défenses aériennes russes".

Phil Haun, qui a répondu à Euronews à titre personnel et non au nom du ministère américain de la Défense , explique que les avions à réaction pourraient même devenir une "cible de grande valeur pour une attaque russe".

Certains disent que l'armée de l'air ukrainienne pourrait courir le risque de devenir moins efficace avec les appareils occidentaux.

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"Ce que vous ne voulez vraiment pas faire, c'est prendre quelqu'un qui est efficace au combat dans un avion de combat de l'ère soviétique et le mettre dans un avion de combat occidental où il risque de devenir moins efficace au combat", résume Douglas Barrie, chargé de mission pour l'aérospatiale militaire à l'Institut international d'études stratégiques.

Pour Douglas Barrie, de nombreuses questions restent en suspens. Par exemple, l’Ukraine est-elle parvenue à libérer des pilotes déjà formés sur des avions occidentaux ?

"Vous pouvez rogner sur certains aspects, mais vous ne voulez pas trop rogner et vous retrouvez avec un pilote moins compétent", prévient-il.

Ce n'est pas non plus le même type de conflit où sur d'autres champs de bataille les forces aériennes occidentales ont été déployées, selon les experts.

"Ni les forces aériennes russes, ni les forces aériennes ukrainiennes n'ont été en mesure d'utiliser efficacement leurs avions de combat contre les forces terrestres adverses", constate Phil Haun.

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Cela est dû aux missiles sol-air soviétiques exploités par les deux pays qui rendent "très difficiles les opérations offensives pour les avions de chasse".

Kelly Grieco précise que le soutien et la fourniture de capacités aux forces terrestres ukrainiennes devraient être le point le plus important pour les États-Unis et l'UE car ces hommes peuvent reprendre des territoires.

"Ce que nous voyons, c'est à quoi ressemble la guerre aérienne du 21e siècle, et cela implique des missiles, des drones et des systèmes de défense aérienne. Et ce sont vraiment les trois choses dont l'Ukraine a besoin", souligne-t-elle.

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