Les critères d’exigence sont particulièrement nombreux et élevés.
Lorsque les dirigeants se réuniront mardi et mercredi à Vilnius pour le sommet de l'OTAN, une chose ne sera pas à l'ordre du jour : la nomination d'un nouveau secrétaire général pour succéder à Jens Stoltenberg à la fin de l'année.
En effet, le mandat du Norvégien a été prolongé d'un an pour la deuxième fois, alors qu'il avait déjà annoncé son intention de se retirer. Cette prolongation souligne la difficulté de trouver le bon profil pour ce poste.
Le prochain chef de l'OTAN sera probablement nommé en 2024, lorsque les élections européennes déclencheront un remaniement des principaux postes de l'UE.
Cela pourrait encore compliquer l'exercice d'équilibre politique que représente la nomination d'un successeur.
De nombreux dirigeants européens sont pressentis, notamment la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Mais les intérêts politiques contradictoires et les préférences personnelles signifient que la sélection du prochain secrétaire général de l’OTAN mettra à l'épreuve la capacité de l'Alliance à faire des compromis.
Une décision politiquement délicate
Le secrétaire général est désigné dans le cadre de discussions diplomatiques informelles entre les États membres. Le poste a toujours été occupé par un Européen. Le chef militaire, le commandant suprême des forces alliées en Europe, a toujours été un Américain.
Alors que la guerre se poursuit sur le sol européen, ce rôle implique une responsabilité et un poids politique considérables.
"La recherche d'un nouveau secrétaire général n'est pas un processus compétitif, c'est un processus politique", explique Bruno Lété, analyste au German Marshall Fund.
"Toute une série d'intérêts des États membres doivent être pris en compte. Et les Etats membres s'affrontent dans les couloirs diplomatiques pour faire passer leurs préférences de candidats sur le devant de la scène".
"La prolongation du mandat de M. Stoltenberg nous indique probablement que l'OTAN n'était pas unie en interne sur la question de savoir qui pourrait devenir le prochain secrétaire général. Et cette désunion doit nous inquiéter", ajoute-t-il.
Le président français Emmanuel Macron serait réticent à l'idée d'accepter un candidat n'appartenant pas à l'UE. Il compterait sur le nouveau chef de l'OTAN pour concrétiser sa vision de l'autonomie stratégique, c'est-à-dire une UE moins dépendante des États-Unis pour sa sécurité militaire.
Il sera essentiel d'équilibrer les intérêts transatlantiques.
Briser le plafond de verre
Ursula von der Leyen cocherait une case supplémentaire pour les États membres qui demandent à l'Alliance de nommer une femme.
Certaines dirigeantes pressenties pour remplacer Jens Stoltenberg n'auraient apparemment pas réussi à convaincre les Alliés. La Première ministre danoise, Mette Frederiksen, s’est entretenue en juin lors d'un voyage à Washington avec le président américain et le directeur de la CIA, dans ce qui ressemblait à un entretien d'embauche.
Le Danemark est considéré comme un fervent défenseur du soutien de l'OTAN à l'Ukraine, sans le bagage politique des pays situés sur le flanc oriental. Toutefois, le budget militaire du pays, qui s'élève à 1,38 % du PIB, est bien inférieur au seuil de 2 % fixé par l'Alliance.
La Première ministre lituanienne, Ingrida Šimonytė, et la Première ministre estonienne Kaja Kallas sont également des candidates potentielles.
Mais un dirigeant issu d'un État de l'Est risquerait d'attiser les tensions avec la Russie. Kaja Kallas, qui critique ouvertement le Kremlin, a poussé à plusieurs reprises l'UE à imposer des sanctions plus sévères contre la Russie. La nomination d'un représentant lituanien pourrait aussi mettre les relations OTAN-Chine à rude épreuve, compte tenu de l'attitude du gouvernement d'Ingrida Šimonytė à l'égard de Pékin.
Calme, sang-froid, cohérence
Jens Stoltenberg place la barre haut lorsqu'il s'agit de faire preuve de sang-froid en temps de crise.
Ancien envoyé des Nations Unies pour le climat et ancien Premier ministre norvégien, c'est un diplomate chevronné et un médiateur expérimenté. Il a aussi été un militant anti-guerre dans sa jeunesse et a admis avoir jeté des pierres sur l'ambassade des États-Unis pour protester contre la guerre du Viêt Nam dans les années 1970.
Il a réussi à maintenir l'unité de l'Alliance face à l'une des plus grandes menaces sécuritaires de son histoire, malgré des divergences de vues sur l'étendue du soutien à l'Ukraine.
"L'OTAN a grandement besoin de son expérience", estime Bruno Lété.
Avant l'invasion de l'Ukraine, le responsable norvégien a également géré avec succès les tensions entre les Alliés. Il y a eu les menaces de l'ex-président américain, Donald Trump, de se retirer, ou la mise en garde d’Emmanuel Macron qui accusait l'Alliance d’être en état de "mort cérébrale".
Il doit maintenant naviguer avec prudence pour assurer la ratification de l'adhésion de la Suède.
Bien qu'aucune discussion sur un successeur potentiel ne devrait avoir lieu lors du sommet de Vilnius, les dirigeants seront sans aucun doute à la recherche d'un candidat capable de préserver l'unité de l’organisation en temps de guerre.
Interrogé en février sur les conseils qu'il donnerait à son successeur, Jens Stoltenberg a répondu : "garder l'Europe et l'Amérique du Nord unies".