Les libéraux européens défient (à nouveau) les conventions et misent sur trois noms pour les élections européennes

De gauche à droite : Sandro Gozi, Marie-Agnes Strack-Zimmermann et Valérie Hayer.
De gauche à droite : Sandro Gozi, Marie-Agnes Strack-Zimmermann et Valérie Hayer. Tous droits réservés European Parliament & ALDE.
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Par Jorge LiboreiroShona Murray
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Cet article a été initialement publié en anglais

Les libéraux européens misent sur un trio pour les élections européennes : Marie-Agnès Strack-Zimmermann, Sandro Gozi et Valérie Hayer.

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Marie-Agnès Strack-Zimmermann, femme politique allemande qui préside la Commission de la défense du Bundestag, sera rejointe par deux députés européens, Sandro Gozi et Valérie Hayer, au sein d'une "équipe Europe" qui représentera la famille libérale lors du scrutin européen, prévu entre le 6 et le 9 juin.

Cette initiative peu conventionnelle, dévoilée officiellement lors de l'événement de lancement du parti, ce mercredi, est un défi direct au système des "Spitzenkandidaten", selon lequel chaque parti est censé désigner un candidat principal pour présider l'institution la plus puissante de l'Union européenne : la Commission européenne.

Le Parti populaire européen (PPE) de centre-droit a choisi Ursula von der Leyen, la présidente sortante, tandis que le Parti socialiste européen a choisi Nicolas Schmit, le commissaire européen chargé de l'emploi et des droits sociaux.

Mais les libéraux ne jouent pas le jeu, arguant que l'absence de listes transnationales, une ambition de longue date des législateurs pro-intégration qui s'est heurtée à une résistance ferme de la part des États membres, prive le système des "Spitzenkandidaten" d'une véritable signification.

En 2019, les libéraux ont présenté neuf noms, dont Margrethe Vestager, la responsable de la concurrence de l'Union européenne, et Guy Verhofstadt, ancien Premier ministre belge.

Cette fois-ci, ils ont réduit le nombre de noms à un triumvirat qui personnifie chacun des trois piliers qui composent leur famille politique : Marie-Agnès Strack-Zimmermann de l'Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe (ADLE), Sandro Gozi du Parti démocrate européen (PDE) et Valérie Hayer des non-inscrits, à savoir le parti français Renaissance.

Malgré cet arrangement égalitaire, Marie-Agnès Strack-Zimmermann, une experte de la Défense, âgée de 66 ans qui s'est fait une réputation en critiquant ouvertement la guerre d'agression de la Russie et en continuant à faire pression sur le chancelier allemand, Olaf Scholz, pour qu'il augmente les livraisons militaires à l'Ukraine, est considérée comme le visage principal de la campagne et participera probablement à tous les débats télévisés aux côtés des autres groupes en lice.

Les trois candidats défendront un manifeste en dix points qui a été finalisé mercredi après des négociations entre les différentes factions. Ce manifeste reprend les priorités phares du libéralisme, telles que la réduction de la bureaucratie, la promotion de la compétitivité et la protection des libertés individuelles.

Des temps incertains pour les libéraux

L'événement de lancement intervient alors que Renew Europe, le groupe qui accueille les eurodéputés libéraux au Parlement européen, est confronté à un avenir incertain dans un paysage politique changeant et un climat de crise qui semble favoriser les points de vue d'extrême droite.

Un sondage exclusif d'Euronews réalisé par Ipsos a révélé cette semaine que Renew Europe passerait de 102 sièges aujourd'hui à 85 sièges en juin. Selon cette projection, le groupe conserverait sa position de troisième formation de l'hémicycle, mais risquerait d'être dépassé par le parti d'extrême droite Identité et Démocratie (ID), qui obtiendrait 81 sièges. ID est la force la plus radicale de la droite et regroupe des formations telles que le Rassemblement National (France), Alternative für Deutschland (Allemagne) et Vlaams Belang (Belgique).

Renew Europe doit également faire face au spectre du groupe de droite dure des Conservateurs et Réformistes européens (ECR), qui, selon les projections d'Ipsos, obtiendrait 76 sièges. Mais ce nombre pourrait encore augmenter si l'ECR accueille finalement les eurodéputés du Fidesz (Hongrie).

Le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán, n'a pas caché sa volonté de faire entrer ses législateurs dans la famille ECR après avoir noué des liens plus étroits avec Georgia Meloni, dont la délégation Fratelli d'Italia devrait devenir la plus importante du groupe. Toutefois, les délégations tchèque, suédoise et finlandaise d'ECR se sont opposées à l'idée d'accepter le Fidesz en raison des relations étroites qu'entretient Viktor Orbán avec Vladimir Poutine et Xi Jinping. Une décision devrait être prise après les élections.

Si le Fidesz rejoignait ECR, Renew Europe passerait probablement de la troisième à la cinquième place au Parlement, ce qui porterait un coup dur à la famille centriste, qui se targue de jouer le rôle de "faiseur de rois" entre la droite et la gauche.

Ce qui rend les choses plus délicates pour les libéraux, c'est l'impression que le PPE, sous la direction de Manfred Weber, adopte les points de vue de l'extrême droite et normalise des forces qui étaient autrefois considérées comme marginales.

Ces préoccupations ont été le leitmotiv du congrès socialiste à Rome et ont été reprises, mercredi matin, par Valerie Hayer, présidente de Renew Europe et l'une des trois principales candidates. Selon elle, l'inclusion d'une politique migratoire à la rwandaise dans le manifeste du PPE est un choix "populiste" visant à envoyer un "signal à l'extrême droite". L'eurodéputée française estime toutefois que la conversion idéologique pourrait être un cas de propagande électorale et qu'elle s'estompera une fois la campagne terminée.

"Ce que nous avons vu, surtout l'année dernière, est assez étonnant. En 2023, le rapprochement entre la droite et l'extrême droite était évident", a affirmé Valérie Hayer lors d'un petit-déjeuner avec des journalistes, auquel Euronews a assisté.

"Je parle de l'année 2023 parce que, pour moi, c'est une année charnière où l'on voit la tentative de Manfred Weber de se rapprocher de l'extrême droite. J'ai l'impression qu'il a compris que cela risquait d'affaiblir l'unité et la cohésion de son groupe politique et que, par conséquent, il a en quelque sorte freiné cette stratégie", ajoute-t-elle.

L'eurodéputée française a souligné l'importance de maintenir le "cordon sanitaire" qui a jusqu'à présent séparé les partis pro-européens (PPE, PSE, Renew et les Verts) du mouvement eurosceptique de l'ECR et de l'ID. Toutefois, les liens plus étroits entre les conservateurs remettent en question la viabilité d'une telle barrière.

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"Nous pouvons travailler sans ECR, nous le faisons déjà aujourd'hui. Nous avons le PPE, le PSE et Renew, et potentiellement les Verts, dans la coalition", a indiqué Valérie Hayer, "mais de toute façon, notre ligne est claire : nous ne travaillons pas avec les extrêmes, nous ne donnons aucune responsabilité aux extrêmes".

Néanmoins, son parti n'est pas à l'abri du changement de mentalité : les politiciens libéraux en Belgique, aux Pays-Bas, en France et en Allemagne sont de plus en plus sceptiques quant au Green Deal et à la charge administrative imposée aux agriculteurs et à l'industrie. L'année dernière, le Premier ministre belge, Alexander De Croo, l'un des libéraux les plus en vue d'Europe, a fait la une des journaux en demandant une "pause verte". Ce grief est partagé par le PPE, qui s'est refait une beauté en devenant le "parti des agriculteurs".

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