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Analyse : cinq idées pour remodeler le futur secteur de la défense en Europe

Des soldats de l'armée lituanienne participent à un exercice militaire lituano-polonais Brave Griffin 24/II près de la trouée de Suwalki, à la frontière polonaise, dans le village de Dirmiskes.
Des soldats de l'armée lituanienne participent à un exercice militaire lituano-polonais Brave Griffin 24/II près de la trouée de Suwalki, à la frontière polonaise, dans le village de Dirmiskes. Tous droits réservés  AP Photo
Tous droits réservés AP Photo
Par Paula Soler & Jean-Philippe LIABOT
Publié le Mis à jour
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Le commissaire européen chargé de la Défense et de l'espace, Andrius Kubilius, envisage une approche "Big Bang" pour l'industrie européenne de la défense. De quoi s'agit-il ?

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L'Union européenne se prépare au pire des scénarios militaires, à savoir une attaque russe contre l'un de ses 27 États membres.

Le Commissaire européen chargé de la Défense et de l'espace, Andrius Kubilius, doit présenter un "Livre blanc sur la défense européenne" d'ici le 19 mars, dans lequel il exposera les mesures visant à préparer l'Union européenne à faire face à la fois aux urgences militaires immédiates et aux défis sécuritaires à long terme sur la scène mondiale.

Le Lituanien Andrius Kubilius, Commissaire européen à la Défense et à l'espace, à Bruxelles, en novembre 2024.
Le Lituanien Andrius Kubilius, Commissaire européen à la Défense et à l'espace, à Bruxelles, en novembre 2024. Virginia Mayo/Copyright 2024 The AP. All rights reserved

Toutefois, malgré un regain de rhétorique et d'action, l'Union européenne est encore loin de réaliser ce que M. Kubilius a décrit comme une approche "big bang" en matière de défense.

"Le statu quo en matière de défense n'est tout simplement plus possible", a déclaré à Euronews Daniel Fiott, professeur au Centre pour la sécurité, la diplomatie et la stratégie (VUB) à Bruxelles.

Ce dernier souligne que le livre blanc doit clairement définir comment l'Europe devrait réagir si les Etats-Unis réduisaient radicalement leur soutien à l'Ukraine et à la sécurité européenne, ainsi que le financement nécessaire dans les domaines clés de la capacité de défense.

Plan de sortie de l'industrie : de quoi l'Europe a besoin, en quelle quantité et à quelle échéance ?

La compétitivité est un défi critique pour l'industrie européenne de la défense, a déclaré à Euronews l'eurodéputé Riho Terras (Estonie/PPE), vice-président de la commission de la sécurité et de la défense du Parlement.

"Elle est trop fragmentée, les règles du marché intérieur ne s'appliquent pas à l'industrie de la défense et le secteur bancaire ne prête pas d'argent aux industries de la défense ", a-t-il expliqué, soulignant que la Commission devait s'attaquer à ces lacunes dans le cadre de son mandat.

Pour remédier à cette situation, les chefs d'entreprise réclament un plan de production industrielle qui traduise les besoins des États membres en matière de capacités en objectifs concrets pour l'industrie de la défense, en précisant les quantités et les délais.

Les représentants de l'industrie demandent instamment aux gouvernements d'indiquer quelles capacités doivent être renforcées, dans quelle mesure et à quel moment, tant en temps de paix qu'en temps de guerre.

Dans un document officieux, ils soulignent la nécessité d'engagements à long terme en matière d'achats et d'investissements, afin de permettre des économies d'échelle et d'attirer les financements du secteur privé.

Faire preuve de créativité pour financer une facture de la défense estimée à au moins 500 milliards d'euros

Le rapport de Mario Draghi sur la compétitivité estime que l'UE aura besoin d'environ 500 milliards d'euros au cours de la prochaine décennie pour rester compétitive dans le domaine de la défense au niveau mondial, mais les budgets de défense limités des États membres restent la principale source de financement. Alors, d'où viendra l'argent ?

"Les 2 % du PIB, c'est du passé. Nous devons établir un nouveau seuil - 3 % du PIB au minimum - et l'UE devrait le déclarer également", a déclaré M. Terras, faisant référence à l'objectif de 2 % des dépenses de défense de l'OTAN, auquel 23 des 27 États membres de l'UE adhèrent.

Le commissaire Andrius Kubilius a proposé d'allouer au moins 100 milliards d'euros aux investissements dans la défense dans le prochain cadre financier pluriannuel (CFP), qui couvre la période 2028-2034.

Entre 2021 et 2027, seuls 15 milliards d'euros (1,2 % du CFP) ont été consacrés à la sécurité et à la défense.

"L'Europe a prouvé qu'elle pouvait mobiliser des ressources en cas de besoin - 700 milliards d'euros pour le redressement de la COVID. La menace russe est bien plus importante pour l'Europe que la pandémie ne l'a jamais été", selon Riho Terras.

Pour combler le déficit d'investissement, il a suggéré d'émettre des "obligations de défense", semblables aux instruments de redressement de la COVID-19, et de réaffecter les fonds non utilisés.

Deux autres options ont été évoquées lors d'une réunion informelle des dirigeants de l'UE à Bruxelles : la révision des règles de prêt de la Banque européenne d'investissement (BEI) et la simplification des règlements de l'UE en matière de marchés publics.

Radosław Sikorski, le ministre polonais des Affaires étrangères a également déclaré que l'UE devrait explorer l'idée de créer une "banque de réarmement" afin de collecter les fonds nécessaires à l'augmentation de ses capacités de défense.

Accroître la normalisation et l'interopérabilité entre les forces armées des États membres

"Nous n'avons pas besoin d'une armée européenne. Nous avons besoin de 27 armées européennes capables de travailler efficacement ensemble pour dissuader nos rivaux et défendre l'Europe, de préférence avec des alliés, mais seules si nécessaire", a affirmé Kaja Kallas, la Cheffe de la Diplomatie européenne,** lors de la conférence annuelle de l'Agence européenne de défense en janvier.

L'industrie européenne de la défense reste fragmentée et concentrée au niveau national, manquant ainsi les opportunités de standardisation, d'achats conjoints et de mise en commun des ressources.

L'UE a pour objectif de faire en sorte qu'au moins 35 % des marchés de défense soient passés en commun d'ici à 2030, contre seulement 18 % en 2022.

"Nous avons besoin de plus de normalisation et de marchés publics conjoints. Le principal défi est de surmonter les mentalités industrielles nationales et de faire un effort collectif pour combler les lacunes en matière de capacités", a déclaré à Euronews l'eurodéputée Marie-Agnes Strack-Zimmermann (Allemagne/Renouveau Europe), présidente de la Commission de la sécurité et de la défense du Parlement.

Stimuler la recherche et le développement

Les investissements dans le secteur spatial se développent beaucoup plus rapidement aux Etats-Unis qu'en Europe, a déclaré à Euronews Josef Aschbacher, le directeur de l'Agence spatiale européenne (ESA).

"L'Europe doit rattraper son retard grâce à des investissements publics importants pour maintenir sa compétitivité mondiale et préserver son leadership dans des domaines clés", a-t-il soutenu.

En 2023, les Etats membres de l'UE ont alloué environ 11 milliards d'euros à la R&D dans le domaine de la défense, avec près de 4 milliards d'euros destinés à l'investissement dans les technologies de défense.

Le Fonds européen de défense (FED) a également été créé, avec un budget de 8 milliards d'euros pour la période 2021-2027, dont 2,7 milliards d'euros pour la recherche collaborative en matière de défense.

"La prochaine étape pour soutenir la recherche et l'innovation consiste à faire tomber les barrières du marché unique et à encourager de nouvelles sources de financement pour la R&D", a noté Daniel Fiott, soulignant les obstacles réglementaires et administratifs coûteux à l'innovation transfrontalière dans le domaine de la défense.

"Les banques et les fonds hésitent encore à investir dans la défense, alors que la R&D dans les technologies à double usage offre de vastes avantages sociétaux", a-t-il ajouté.

L'Europe a construit une présence unique dans l'espace qui sert l'humanité tout entière. Nous devons la défendre contre tout agresseur
Andrius Kubilius
Commissaire européen à la Défense et de l'espace

Créer des liens plus étroits avec le secteur spatial

"Les industries de l'espace et de la défense sont confrontées à des défis similaires, c'est pourquoi les solutions devraient être développées conjointement", a déclaré Andrius Kubilius lors de la 17e conférence sur l'espace à Bruxelles.

"Nous devons utiliser l'espace pour défendre nos pays, nos sociétés et nos populations, en fournissant des renseignements, des services de géolocalisation et de communication à nos forces armées", a déclaré le commissaire chargé de l'espace et de la défense.

"Je souhaite établir un dialogue avec les États membres et les commandements spatiaux afin d'étudier les possibilités de mettre en place un système européen de surveillance du domaine spatial pour contrôler les menaces, y compris les menaces militaires", a déclaré le commissaire lituanien.

L'expérience du champ de bataille en Ukraine a démontré que les renseignements provenant de l'espace sont essentiels pour une défense militaire moderne. C'est pourquoi l'UE renforce ses structures et ses capacités de renseignement.

Andrius Kubilius a également mis l'accent sur la mise en œuvre de la stratégie spatiale de l'UE pour la sécurité et la défense, de la stratégie industrielle spatiale de l'UE, du bouclier spatial européen et d'IRIS2, tout en soulignant la nécessité d'une vision à long terme pour les capacités de lancement européennes.

"L'Europe a construit une présence unique dans l'espace qui sert l'humanité tout entière. Nous devons la défendre contre tout agresseur", a-t-il déclaré.

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