Les dirigeants européens se réunissent à Paris alors que Donald Trump fait pression pour accélérer le calendrier pour aboutir à la conclusion d'un accord entre l'Ukraine et la Russie.
Un groupe de onze dirigeants européens étaient attendus ce lundi à Paris pour discuter de l'invasion de l'Ukraine par la Russie et renforcer leur position commune dans le cadre du processus de paix promu par Donald Trump. Si les Européens connaissaient la volonté du président américain de mettre un terme rapidement au conflit, ils ont toutefois été choqués par la méthode et la rhétorique américaine.
L'accélération soudaine du calendrier a aussitôt alimenté les craintes que Kyiv ne subisse des pressions pour signer un accord préjudiciable aux Ukrainiens, et, par ricochet, aux Européens. D'autant que ni les uns, ni les autres n'ont été invités à la table des négociations russo-américaines même si, depuis, Washington a fait savoir aux Européens qu'ils seraient consultés tout au long du processus naissant.
Face à ce contexte, les Européens cherchent à reprendre la main. Le président français Emmanuel Macron a pris les devants en invitant un groupe restreint de dirigeants à Paris (l'Allemand Olaf Scholz, le Britannique Keir Starmer, l'Italienne Giorgia Meloni, le Polonais Donald Tusk, l'Espagnol Pedro Sánchez, le Néerlandais Dick Schoof et la Danoise Mette Frederiksen). Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, António Costa, président du Conseil européen, et Mark Rutte, secrétaire général de l'OTAN, ont également été invités à ce sommet informel.
Avec une certitude : "Il n'y aura pas de négociations crédibles et fructueuses, ni de paix durable, sans l'Ukraine et sans l'UE", a rappelé ce week-end le président du Conseil européen.
Il n'est pas certain que les discussions de lundi aboutissent à un résultat concret ou à une annonce. L'Europe est soumise à une forte pression pour augmenter les dépenses de défense et assumer une plus grande responsabilité dans l'assistance à Kyiv, que l'administration Trump souhaite réduire.
Toutefois, la Maison-Blanche a distribué un questionnaire (lien en anglais) aux capitales européennes pour savoir si elles étaient prêtes à fournir des garanties de sécurité à l'Ukraine et à participer à une mission de maintien de la paix. Le questionnaire, vu par l'agence Reuters, demande également aux Européens quel soutien américain ils "jugeraient nécessaire" pour fournir des garanties de sécurité.
Le Premier ministre britannique Keir Starmer a été le premier à déclarer publiquement qu'il serait prêt à déployer des troupes britanniques en Ukraine pour veiller au respect d'un éventuel accord de paix. Les États-Unis ont toutefois prévenu que toute mission de ce type ne serait pas assortie du fameux article 5 de l'OTAN relatif à l'assistance collective, ce qui pourrait rendre les soldats vulnérables aux attaques russes.
"Il s'agit d'un moment unique pour notre sécurité nationale, où nous devons faire face à la réalité du monde d'aujourd'hui et à la menace que représente la Russie", a écrit M. Starmer dans une tribune publiée dans le Telegraph.
Selon l'Élysée, la réunion de lundi est conçue comme le début d'une série d'entretiens entre les dirigeants européens, y compris ceux qui n'ont pas été invités à Paris. "Leurs discussions pourront ensuite se poursuivre dans d'autres formats, avec pour objectif de réunir tous les partenaires intéressés par la paix et la sécurité en Europe", a déclaré l'Élysée dans un communiqué.
Etre ou ne pas être à "l'heure de Trump"
La perspective d'être mis à l'écart des pourparlers de paix a mis en colère les Européens, qui considèrent que leur sécurité à long terme est intrinsèquement liée à l'avenir de l'Ukraine. Au cours des trois dernières années, Bruxelles a travaillé avec Washington pour garantir une politique cohérente visant à paralyser la machine de guerre russe et à soutenir l'économie meurtrie de Kyiv.
L'appel téléphonique de Trump à Poutine la semaine dernière a cependant tout remis en question. Le président américain se positionnant désormais comme le seul interlocuteur entre l'agresseur et l'agressé.
Selon Keith Kellogg, l'envoyé spécial des États-Unis pour l'Ukraine et la Russie, la Maison-Blanche fonctionne à "l'heure de Trump" et le président s'attend à ce qu'un accord soit prêt dans un avenir prévisible. "Je ne parle pas de six mois, mais de jours et de semaines", a déclaré M. Kellogg la semaine dernière lors de sa visite à la Conférence de Munich sur la sécurité.
M. Kellogg a expliqué que le processus de paix suivrait une approche "à double voie" : d'une part, les États-Unis discuteront avec la Russie et, d'autre part, avec l'Ukraine et les alliés démocratiques qui soutiennent ce pays déchiré par la guerre. Le général à la retraite doit d'ailleurs rencontrer Ursula von der Leyen et Antonio Costa ce mardi.
Toutefois, a fait remarquer M. Kellogg, lorsque le moment sera venu de s'asseoir à la table, l'Europe n'aura pas de chaise. "Ce que nous ne voulons pas faire, c'est entrer dans une discussion de grand groupe", a-t-il déclaré.
Le secrétaire d'État américain Marco Rubio a ensuite déclaré que, lorsque les "vraies négociations" commenceraient, les Européens "devraient être impliqués parce qu'ils ont imposé des sanctions à Poutine et à la Russie" et qu'ils ont "contribué" à soutenir l'Ukraine, un commentaire qui semble suggérer que l'allègement des sanctions serait un élément offert au Kremlin.
Ce mardi justement Marco Rubio rencontrera son homologue russe Serueï Lavrov en Arabie saoudite, une première depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine il ya bientôt trois ans.
Le président Zelensky, pour sa part, s'est envolé pour les Émirats arabes unis afin de discuter de l'aide humanitaire. Tout au long de la guerre, les Émirats arabes unis ont joué un rôle de médiateur entre l'Ukraine et la Russie.
Dans un discours combatif prononcé à Munich le week-end dernier, M. Zelensky a averti que M. Poutine pourrait tenter d'inviter M. Trump aux célébrations du 9 mai sur la Place Rouge, non pas en tant que "dirigeant respecté", mais comme "accessoire de son propre spectacle".
Alice Tidey a contribué à cet article.