Le principe de la liberté d'expression est inscrit dans la législation européenne via la Convention européenne des droits de l'Homme.
Le Royaume-Uni et d'autres pays européens ont récemment été attaqués par des responsables américains pour des restrictions présumées de la liberté d'expression de leurs citoyens.
Le vice-président américain J.D. Vance a ainsi accusé le Royaume-Uni de restreindre la liberté d'expression lors d'une réunion avec le président Donald Trump et le Premier ministre britannique Keir Starmer dans le Bureau ovale jeudi dernier.
"Nous avons, bien sûr, une relation spéciale avec nos amis au Royaume-Uni et aussi avec certains de nos alliés européens", a-t-il déclaré. "Mais nous savons aussi qu'il y a eu des atteintes à la liberté d'expression qui n'affectent pas seulement les Britanniques - bien sûr, ce que les Britanniques font dans leur propre pays leur appartient - mais qui affectent aussi les entreprises technologiques américaines et, par extension, les citoyens américains".
Cette déclaration de J.D. Vance à Keir Starmer fait suite aux critiques répétées et aux théories du complot propagées par le PDG de Tesla, Elon Musk, selon lesquelles le Royaume-Uni contrôlerait les pensées des Britanniques et les enverrait en prison pour des messages sur les réseaux sociaux, à la suite des émeutes provoquées par une attaque au couteau qui a tué trois jeunes filles l'été dernier.
Toutefois, il est faux de suggérer que le Royaume-Uni restreint la liberté d'expression, car celle-ci est clairement inscrite dans la loi.
La loi sur les droits de l'Homme intègre en effet la Convention européenne des droits de l'Homme (CEDH) dans le droit britannique, accordant aux citoyens un ensemble de protections liées à la liberté d'expression.
L'article 9 stipule que toute personne a droit à la liberté de pensée et de croyance ; l'article 10 protège le droit à la liberté d'expression ; et l'article 11 garantit le droit de manifester.
Keir Starmer défend la tradition de liberté d'expression au Royaume-Uni
Répondant aux critiques du vice-président américain dans le Bureau ovale, Keir Starmer a défendu la longue histoire du Royaume-Uni en matière de liberté d'expression.
"La liberté d'expression existe depuis très, très longtemps au Royaume-Uni et elle durera très, très longtemps", a déclaré le Premier ministre britannique. "Il est certain que nous ne voudrions pas atteindre les citoyens américains, et nous ne le faisons pas, et c'est tout à fait juste".
"Mais en ce qui concerne la liberté d'expression au Royaume-Uni, je suis très fier de notre histoire", a-t-il ajouté.
Les lois britanniques contre les discours haineux sont souvent la cible des critiques américaines, mais celles-ci sont conçues pour protéger les citoyens contre la discrimination et les incitations à la violence.
La loi britannique sur les troubles à l'ordre public (Public Disorder Act), par exemple, rend illégale toute parole menaçante susceptible de causer de l'angoisse, sur la base de la race, de la religion ou de la sexualité, ainsi que tout propos qui encourage le terrorisme.
La loi sur la sécurité en ligne (Online Safety Act), promulguée en 2023, est parfois citée comme un autre obstacle potentiel à la liberté d'expression, mais le gouvernement affirme qu'elle est conçue pour mettre fin aux contenus préjudiciables, aux menaces et à la désinformation en ligne.
"Les plateformes seront tenues d'empêcher les enfants d'accéder à des contenus préjudiciables et inappropriés à leur âge et de fournir aux parents et aux enfants des moyens clairs et accessibles de signaler les problèmes en ligne lorsqu'ils surviennent", explique le gouvernement.
"La loi protège également les utilisateurs adultes, en veillant à ce que les grandes plateformes soient plus transparentes quant aux types de contenus qu'elles autorisent, et qu'elles permettent aux utilisateurs de mieux contrôler les types de contenus qu'ils souhaitent voir", poursuit-il.
Néanmoins, certains groupes de défense des libertés civiles estiment que ces mesures pourraient étouffer la liberté d'expression.
L'Open Rights Group, par exemple, a déclaré lors de l'annonce de la loi qu'elle constituait "une énorme menace pour la liberté d'expression", car il revient aux entreprises technologiques de décider de ce qui est légal ou non, et de supprimer le contenu avant même qu'il ne soit publié.
Selon les experts, la loi devra être testée au regard de la CEDH devant les tribunaux afin de déterminer si des amendements sont nécessaires pour s'assurer qu'elle ne porte pas atteinte au droit à la liberté d'expression.
Bruxelles également dans le viseur du vice-président américain
J.D. Vance s'en est également pris à l'Union européenne, qu'il accuse de restreindre la liberté d'expression.
"Je me tourne vers Bruxelles, où les commissaires de l'UE avertissent les citoyens qu'ils ont l'intention de fermer les réseaux sociaux en période de troubles civils dès qu'ils repèrent ce qu'ils ont jugé être un "contenu haineux"", a-t-il déclaré lors d'un discours à la conférence sur la sécurité de Munich en février.
Ces commentaires semblent faire référence aux remarques précédentes de Thierry Breton, ancien commissaire européen chargé du marché intérieur, selon lesquelles les plateformes pourraient être fermées en vertu de la loi sur les services numériques de l'UE (Digital Services Act, DSA) dans des "cas extrêmes".
À l'instar de la loi britannique sur la sécurité en ligne, la Commission européenne indique que l'objectif principal de la loi sur les services numériques "est de prévenir les activités illégales et préjudiciables en ligne ainsi que la propagation de la désinformation".
L'article 51 de la DSA prévoit par ailleurs la création d'un coordinateur des services numériques, qui peut demander aux autorités judiciaires de bloquer temporairement l'accès à un service qui cause un "préjudice grave" et "constitue une infraction pénale impliquant une menace pour la vie ou la sécurité des personnes".
Toutefois, le coordinateur des services numériques doit avoir épuisé toutes les autres options décrites dans la DSA avant de pouvoir demander la suspension d'un réseau social. Les déclarations de J.D. Vance selon lesquelles les fonctionnaires de l'UE "ont l'intention" de fermer les réseaux sociaux en cas de troubles civils sont donc trompeurs.
L'Europe devance les États-Unis en matière de liberté de la presse
Pour aller plus loin, nous pouvons consulter les classements mondiaux sur la liberté de la presse afin d'évaluer la situation de l'Europe en matière de liberté d'expression.
Selon le dernier classement de Reporters sans frontières (RSF), les pays européens dominent le haut du tableau.
La majorité des pays européens, y compris le Royaume-Uni et la plupart des États membres de l'UE, devancent les États-Unis en matière de liberté de la presse.
RSF place les États-Unis à la 55e place et le Royaume-Uni à la 23e. Seuls cinq des 27 membres de l'UE font moins bien que les États-Unis en matière de liberté de la presse : la Bulgarie (59), Chypre (65), la Hongrie (67), Malte (73) et la Grèce (88).