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"L'Occident tel que nous le connaissions n'existe plus", déclare Ursula von der Leyen sur fond de tensions avec Trump

Ursula von der Leyen a accordé une large interview à Zeit.
Ursula von der Leyen a accordé une large interview à Zeit. Tous droits réservés  European Union, 2025.
Tous droits réservés European Union, 2025.
Par Jorge Liboreiro
Publié le
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"L'Europe est encore un projet de paix. Nous n'avons pas de "frérots" ou d'oligarques qui dictent les règles. Nous n'envahissons pas nos voisins et nous ne les punissons pas", a déclaré Ursula von der Leyen dans un vaste entretien avec l'influent hebdomadaire allemand Zeit.

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"L'Occident tel que nous le connaissions n'existe plus ", a déclaré Ursula von der Leyen, alors que les relations avec les États-Unis se détériorent rapidement sous l'administration de Donald Trump, ce qui oblige l'Europe à chercher ailleurs des alliés et des partenaires.

Dans la foulée des tarifs douaniers radicaux de Trump, que Bruxelles a décriés comme n'étant "ni crédibles ni justifiés", la présidente de la Commission européenne s'est entretenue au téléphone avec des représentants de la Norvège, de l'Islande, du Canada, de la Nouvelle-Zélande, de Singapour et des Émirats arabes unis.

Von der Leyen s'est également entretenue avec le premier ministre chinois, Li Qiang, ce qui a alimenté les spéculations sur un dégel imminent des relations entre l'UE et la Chine, après des années de tensions.

"Le monde est devenu global, y compris sur le plan géopolitique, et aujourd'hui nos réseaux d'amitié s'étendent au monde entier, comme vous pouvez le voir dans le débat sur les droits de douane", a déclaré la cheffe de l'exécutif européen à l'hebdomadaire hambourgeois Zeit dans une vaste interview publiée mardi.

"En ce moment, je pourrais avoir ces conversations 24 heures sur 24. Tout le monde demande davantage d'échanges avec l'Europe, et il ne s'agit pas seulement de liens économiques. Il s'agit également d'établir des règles communes et de garantir la prévisibilité. L'Europe est connue pour sa prévisibilité et sa fiabilité, qui commencent à nouveau à être perçues comme quelque chose de très précieux", a-t-elle déclaré.

"D'un côté, c'est très gratifiant ; d'un autre côté, il y a aussi, bien sûr, une énorme responsabilité que nous devons assumer".

Se décrivant comme une "grande amie" de l'Amérique et une "atlantiste convaincue", von der Leyen a insisté sur le fait que le lien de longue date entre les deux rives de l'Atlantique était toujours intact, malgré les changements sismiques déclenchés par Donald Trump, notamment ses politiques commerciales perturbatrices, son mépris pour le système multilatéral, ses menaces annexionnistes et son pivot dur vers la Russie, autant d'éléments qui ont aliéné les alliés traditionnels de Washington.

Interrogé sur le fait de savoir si l'Amérique était un ami, un ancien ami ou un adversaire, le chef de la Commission a évité "ce genre de classifications" tout en admettant que la relation était "compliquée".

Ursula Von der Leyen n'a pas explicitement critiqué M. Trump - en fait, son nom n'a été mentionné que par le journaliste - mais elle a suggéré de répudier le pays que M. Trump tente de construire par le biais de sa série de décrets.

"L'Europe est toujours un projet de paix. Nous n'avons pas de "frérots" (bros, en anglais, une pique non voilée contre le "bro capitalism" d'Elon Musk - NDLR) ou d'oligarques qui font les règles. Nous n'envahissons pas nos voisins et nous ne les punissons pas. Au contraire, douze pays sont sur la liste d'attente pour devenir membres de l'Union européenne. Cela représente environ 150 millions de personnes", a-t-elle déclaré en faisant référence au processus d'adhésion.

"En Europe, les enfants peuvent fréquenter de bonnes écoles, quelle que soit la richesse de leurs parents. Nos émissions de CO2 sont plus faibles, notre espérance de vie est plus élevée. Les débats controversés sont autorisés dans nos universités. Tout cela, et bien d'autres choses encore, sont des valeurs qui doivent être défendues et qui montrent que l'Europe est plus qu'une union. L'Europe est notre maison. Et les gens le savent".

Les yeux rivés sur les grandes entreprises technologiques

En ce qui concerne les négociations en cours avec la Maison-Blanche, la présidente de la Commission européenne a confirmé que les produits manufacturés et les services numériques américains pourraient faire l'objet de représailles si les négociations n'aboutissaient pas à une solution. Bruxelles espère que la pause de 90 jours introduite par M. Trump, et réciproquement par Mme von der Leyen, conduira à un compromis où les droits de douane radicaux seront soit abolis, soit réduits de manière significative.

Mais s'en prendre aux précieux services offerts par la Silicon Valley risque de déclencher l'ire de l'administration Trump, qui s'est plainte à plusieurs reprises, et de manière véhémente, des réglementations que l'UE a introduites ces dernières années pour freiner le pouvoir des Big Tech.

La Commission serait en train de finaliser les enquêtes menées dans le cadre de la loi sur les marchés numériques (Digital Markets Act) à l'encontre de Meta et d'Apple, un processus étroitement surveillé qui pourrait déboucher sur des amendes considérables. L'exécutif insiste sur le fait que les enquêtes sont complètement séparées des négociations commerciales, mais la coïncidence dans le temps des deux pistes a jeté les bases d'un affrontement potentiellement explosif.

"Nous exposons clairement notre position et les Américains font de même. Et c'est l'essence même de toute négociation : rien n'est convenu tant que tout n'a pas été convenu. Et je pense que, qu'il s'agisse de commerce de biens industriels ou de biens numériques, nous avons le droit de présenter tous les aspects de la situation", a déclaré von der Leyen.

"Pour elles (les grandes entreprises technologiques), l'Europe est un marché riche et très attrayant. Elle compte 450 millions d'habitants qui, par rapport au reste du monde, ont un niveau de vie élevé et du temps libre. Cela signifie qu'il y a, ici en Europe, un chiffre d'affaires énorme et des profits considérables dans les services numériques. Aucune entreprise ne veut perdre l'accès à ce marché".

De Pékin à Moscou

Alors que l'Europe est soumise à des "droits de douane réciproques" punitifs de 20 %, la Chine a été frappée d'un taux énorme de 145 % (qui, selon la Maison-Blanche, risque de passer à 245%), ce qui a déclenché une guerre commerciale avec Pékin, qui a réagi en augmentant les droits de douane à des niveaux similaires. Les droits de douane sont si élevés que les deux marchés sont devenus effectivement fermés l'un à l'autre, ce qui alimente les craintes que la Chine, à la recherche d'un autre marché, ne réoriente massivement ses exportations à bas prix vers l'Europe.

La Commission restera "très vigilante" pour s'assurer que cette inondation ne se matérialise pas, a déclaré Mme von der Leyen. Toutefois, lorsqu'on lui a demandé si l'Europe devait "faire confiance aux Chinois", elle n'a pas réfuté les spéculations croissantes (lien en anglais) sur un rapprochement.

"En principe, si les conditions d'accès au marché sont rendues plus difficiles pour un grand partenaire commercial comme les États-Unis, il est clair que nous cherchons de nouveaux partenaires commerciaux pour faciliter l'accès de nos entreprises à de nouveaux marchés", a-t-elle répondu.

Ursula Von der Leyen, qui, au cours de son premier mandat, avait promu une stratégie de "de-risking" (l'atténuation des risques) pour traiter avec la Chine, a assoupli sa position ces dernières semaines, parlant plutôt d'une politique étrangère "transactionnelle" pouvant conduire à un engagement "constructif" avec des pays qui ne partagent pas nécessairement les valeurs fondamentales de l'Union européenne, comme la Chine.

Toutefois, le partenariat "sans limites" entre le président chinois Xi Jinping et le président russe Vladimir Poutine devrait constituer un obstacle redoutable à toute tentative de dégel. Dans l'interview, von der Leyen a mis en garde contre les "ambitions impérialistes" du locataire du Kremlin, qui pourrait oser attaquer un jour un État membre de l'OTAN ou de l'UE. Plusieurs agences de renseignement estiment que le Kremlin pourrait être prêt pour une telle attaque d'ici 2030.

Trump n'ayant pas l'intention d'approuver une nouvelle aide militaire ou financière à l'Ukraine, l'Europe s'empresse de payer la note et de combler le vide, même si ses capacités ne sont pas à la hauteur de la puissance américaine. Parallèlement, les alliés occidentaux ont mis en place une "coalition de volontaires" afin de fournir des garanties de sécurité à Kyiv et de préserver un éventuel accord de paix.

"Le pays s'est défendu courageusement avec l'aide de ses amis", a déclaré Ursula von der Leyen lorsqu'on lui a demandé si l'Europe pouvait soutenir l'Ukraine seule. "Il est extrêmement important que nous fassions preuve de persévérance car, depuis le début, M. Poutine a calculé que le soutien à l'Ukraine s'effriterait. En fait, c'est le contraire qui s'est produit".

Sources additionnelles • adaptation : Serge Duchêne

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