Je suis une victime du Brexit

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Par Euronews
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Combien d’entre nous peuvent dire qu’ils ont le courage, à l’âge de 18 ans, de se lancer à la poursuite de leur rêve ?

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Combien d’entre nous peuvent dire qu’ils ont le courage, à l’âge de 18 ans, de se lancer à la poursuite de leur rêve ? Sans vouloir paraître condescendante, je suis sûre que très peu peuvent l’affirmer. Peut-être même que ce rêve, toujours irréalisé, sommeille encore en vous. Moi, j’ai eu l’audace de le faire. Très naïvement.

J’ai quitté la France à 18 ans, la tête pleine d’espoir et d’ambition, direction le Royaume-Uni. Pour moi, il représentait un pays d’union, de diversité, de tolérance. Plus proche et moins cher que l’American Dream, aussi. Au-delà, c‘était surtout le frisson enivrant de l’aventure, de l’inconnu et des opportunités à saisir. Ce fut la meilleure décision de ma vie, et qui a fait de moi la femme que je suis aujourd’hui. Cinq ans plus tard, je reste avec ce souvenir, le souvenir de l‘époque où le Royaume-Uni était véritablement uni.

La réalité est que je n’ai pas vu les événements venir. J‘étais tellement naïve. Comment ai-je pu penser que le simple fait de déménager rendrait les choses différentes ? Je comprends maintenant que la condition humaine (digne du roman d’André Malraux) est la même, partout où nous allons. Un rapide coup d‘œil sur les dernières actualités me fera comprendre que ma propre condition, en tant que femme noire – Française oui, mais noire en premier lieu – sera la même partout où j’irai.

J’aurais tellement de choses à dire sur le Brexit, comme le fait que les jeunes se sentent dépouillés de leur avenir par des personnes âgées qui ne connaîtront pas les conséquences de leur vote. Mais si je les énumérais, cet article serait comme toutes les autres diatribes que vous avez pu lire sur le sujet. Pourtant, la réalité est la suivante : je vis dans un pays où 52% des habitants préféreraient que je rentre « chez moi ». Que puis-je dire? Que je souhaite que ces personnes se rendent compte que les immigrants sont la richesse d’un pays ? Que nous ne sommes pas des lions, à l’affût de proies fraîches, leurs emplois ? Je pourrais dire tout cela.

Mais le temps des débats est passé depuis bien longtemps. Le verdict a été rendu et il n’y a rien d’autre que je puisse faire pour les convaincre de la bonne volonté des immigrants et de notre affection profonde pour ce qui était autrefois un pays accueillant. Le verdict a été rendu et c’est comme si ce pays s’était mis la corde au cou, malgré nos cris. Sentence : la mort de l’espoir. Mais comme nous le rappelle Spinoza, « La peur ne peut se passer de l’espoir, et l’espoir de la peur. »

La peur. Propagation rapide, contagieuse comme la peste, elle prive les gens de leur habilité à penser logiquement. La peur semble toujours justifiée. « J’ai peur parce que je suis » ? Descartes aurait sûrement adhéré au principe, mais moi pas. Je refuse de dépeindre l’humanité, la Grande-Bretagne dans ce cas, comme un tableau sombre, sans vie, plein de souffrance et d’incompréhension et rongé par les inquiétudes.
Mais la peur est également le moyen le plus répandu et le plus efficace pour convaincre de commettre des dégâts irréparables. S’il n’y a pas eu de morts suite au référendum, il y a tout de même des victimes, anglaises ou non. Et je ne suis qu’une victime parmi tant d’autres.

Par Solenne Kamba

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