Les ouragans, de puissants pollueurs

Les ouragans, de puissants pollueurs
Par Marie Jamet
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Les ouragans détruisent mais empoisonnent aussi les sols, les océans, l'air, les animaux et les humains.

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Trois semaines après le passage d’Irma, les Antilles françaises ont les mains plongées dans les saletés d’Irma : les débris, visibles, dispersés, innombrables mais aussi les pollutions, invisibles pour certaines, tenaces et toxiques.

Les macrodéchets

A Saint-Martin, au centre de traitement des déchets de la partie française de l’île de Saint-Martin tout avait été préparé pour minimiser l’impact de l’ouragan sur les installations : les véhicules avaient été placés en position “cyclone”, les uns contre les autres, le site nettoyé pour que rien ne traîne et puisse s’envoler…
Dès le lendemain, le responsable d’exploitation fait l’état des lieux et constate des dégradations mais le centre est suffisamment opérationnel pour traiter immédiatement l’apport de déchets. La piste qui mène au centre, en revanche, ne l’est pas : ce “kilomètre et demi de sable le long de la mer a été submergé et ensablé“ rapporte Patrick Villemin, le directeur du centre. Elle ne redevient praticable qu’une semaine plus tard. Depuis, _“une nouvelle piste a été créée plus haut dans la colline pour sécuriser l’accès au site quel que soit le temps” ajoute-t-il.

Patrick Villemin, alors en France métropolitaine explique que ses équipes ont commencé par traiter les ordures ménagères pour limiter les risques sanitaires. Puis deux semaines après le passage d’Irma, son centre traite enfin les encombrants, autrement dit tous les débris : déchets verts, gravats, matériaux de maçonnerie, poutres, mais aussi la tôle, très utilisée sur l‘île comme matériel de construction. Ces déchets sont triés dans dix zones de pré-tri dont une à l’entrée de la déchetterie afin d’éviter au maximum la saturation des structures de recyclage et de traitement. Le Texas aussi a mis en place de nombreuses zones de pré-tri pour la gestion de l’après-Harvey.

A Saint-Martin, le volume à traiter a, bien entendu, énormément augmenté, même si, trois semaines après l’ouragan personne “n’a réussi à l’estimer“ témoigne Patrick Villemin. Dans les plus grandes catastrophes, il peut y avoir jusqu’à plusieurs centaines de tonnes de déchets.

Le climat, chaud et sec de l‘île, a joué en faveur de risque de pollution par les jus de décharge ou par ruissellement minoré par rapport à d’autres lieux comme la Guadeloupe. Les structures du centre Verde-SXM – essentiellement du gros terrassement – n’ont pas été affectées par l’ouragan. Les bassins de décantation n’ont pas le temps de se remplir, les liquides s’évaporant rapidement. Dans les lieux plus humides, si les bassins et les membranes filtrantes sont endommagés, les pluies peuvent alors entraîner ces jus dans les sous-sols.

Les débris marins

Sous l’effet du vent mais aussi sous celui de la montée des eaux, les déchets peuvent se disperser dans des endroits inaccessibles, dont l’océan.
Un programme de l’agence météorologique américaine, la NOAA, ne s’occupe que du suivi des débris marins, notamment après les ouragans comme Katrina ou Sandy. Elle avait aussi recensé et suivi les débris qui avaient traversé l’océan Pacifique suite au tsunami qui avait ravagé le Japon en 2011.

Japan Tsunami Marine Debris

Ces débris marins posent problèmes, qu’ils flottent ou qu’ils coulent. Dans les deux cas, cet “élément aggravant“ “rend le déchet dangereux“ et son “traitement différent et plus coûteux“ selon Christophe Rousseau, adjoint au directeur et responsable ‘opérations et qualité environnement’ au CEDRE, association à mission de service public sur les pollutions accidentelles des eaux.
S’ils coulent, ils peuvent être directement polluants ou par dégradation, comme c’est le cas par exemple des plastiques qui se détériorent et finissent en micro-déchets ingérés par le plancton, les poissons, les oiseaux, infectant toute la chaîne alimentaire au bout de laquelle nous nous trouvons.
S’ils flottent, ils peuvent devenir un piège à d’autres déchets. M. Rousseau donne l’exemple d’un morceau de bois auquel s’accroche une tâche de pétrole. Il faut alors traiter l’hydrocarbure en plus du morceau de bois.

Les pollutions aux hydrocarbures et produits toxiques

Usines, raffineries, mais aussi véhicules, cuves à mazout domestiques ou cuves industrielles et cargos : en cas d’ouragan “toute source de pollution devient une menace“ explique M. Rousseau. Pour prendre la mesure des risques et de l’ampleur du travail de dépollution : il a été estimé qu’un million de voitures avaient été endommagées par Irma et Harvey aux Etats-Unis.

Les pluies et la montée des eaux de l’océan et des cours d’eau représentent un premier danger, charriant des produits contenus dans les installations inondées et déposant sur les sols eaux usées, métaux lourds, pesticides mais aussi champignons ou maladies.

Au Texas, état pétrolier aux nombreuses raffineries et usines pétrochimiques, le centre d’urgence national des gardes-côtes américains fait état, par exemple, d’une fuite de 3 800 hectolitres de glycérine et 3 000 hectolitres de Méthanol, un alcool toxique et inflammable. Des incidents recensés sur une carte par l’ONG américaine EIP (Environmental Integrity Project) .

Les cargos pris dans les ouragans sont une autre source de danger pour les océans et pour les côtes. C’est exactement le scénario de l’Erika, pétrolier qui s’est brisé lors d’une tempête fin 1999 en France. L’hydrocarbure de ses soutes s’est répandu dans l’océan avant d’aller s’échouer et de souiller sur les côtes.

Les pollutions par hydrocarbures sont certes dangereuses, précise M. Rousseau du Cedre, surtout s’il s’agit de “brut léger qui s’évapore et dont les vapeurs sont toxiques et cancérigènes“ mais “ce ne sont pas forcément les plus dangereuses pour l’homme et l’environnement“. Les produits chimiques, tels les pesticides ou les métaux lourds, le sont bien plus “à court et long terme“. Les molécules de ces produits explique-t-il ont une durée de vie très longue et sont persistantes dans l’environnement. On assiste alors à un phénomène “de bio-accumulation dans la chaîne alimentaire dont l’homme est le consommateur final“ En fonction de l’écosystème impacté et du produit déversé, “ce ne sont donc pas forcément les plus grosses pollutions qui créent les plus gros dégâts“.

Pollution de l’air

Au Texas, un peu plus de quarantes sites équivalents aux sites industriels Seveso en France, les superfund, étaient surveillés et ont été nettoyés selon l’agence américaine de protection de l’environnement, l’EPA. Et le risque qu’elles font courir aux populations et l’environnement concerne aussi l’air. Ainsi, une raffinerie ExxoMobil a émis des produits toxiques et irritants par un toit endommagé après le passage d’Harvey.
L’EPA a aussi lancé une enquête officielle contre une usine du français Arkema. L’industriel n’avait pas pu empêcher neuf conteneurs, dans lesquels étaient entreposés des produits chimiques, de prendre feu lorsque le site a été inondé lors des pluies d’Harvey. “Un par un, les premiers policiers et sauveteurs ont commencé à tomber malade en plein milieu de la route“, est-il écrit dans la plainte déposée devant le tribunal du comté de Harris, Texas. “La scène a tourné au chaos. Les policiers étaient pliés en deux, et vomissaient, sans arriver à respirer“.

Il est aussi très polluant de redémarrer les centrales électriques, coupées en prévention ou suite à un incident, surtout les plus anciennes. “On peut faire une analogie avec le fait de redémarrer une voiture à chaud, de l’éteindre et de la rallumer aussitôt,” explique Elena Craft, toxicologue pour l’association Environmental Defense Fund (Fonds pour la Défense de l’Environnement). Pour les pays comptant des centrales nucléaires, le problème peut devenir dramatique, comme cela avait été le cas dans le cadre d’une autre catastrophe naturelle, à Fukushima au Japon, lors du tsunami de mars 2011.

Hurricanes' pollutions

Dans tous les cas, les procédures existent, mais certains phénomènes, tels Irma, ou Katrina en son temps, “atteignent les limites de l’ordinaire“ et la “réglementation n’est pas adaptée aux niveaux de ce type de situations véritablement extra-ordinaires“, précise Christophe Rousseau du CEDRE. Aucune situation ne ressemble à une autre et ne peut précisément être anticipée selon lui, “il s’agit surtout d’être intellectuellement prêt à faire face car il n’existe aucun manuel avec le scénario exact qui se déroulera“. Dans les heures qui suivent un événement de cette envergure, tous les moyens sont mis sur la sécurité civile d’aide aux population. “Même si on sait que la pollution arrive, on se prépare à la guerre mais les secours et les populations sont alors dans une autre guerre.

edit 05/10/17 : ajout de la création d’une nouvelle piste d’accès à l‘éco-site de Saint-Martin.

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