Mais où se trouve l'opposante bélarusse Maria Kolesnikova ? Le point sur des infos contradictoires

Maria Kolesnikova, 27 août 2020
Maria Kolesnikova, 27 août 2020 Tous droits réservés Dmitri Lovetsky/Copyright 2020 The Associated Press. All rights reserved
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Par Sandrine Delormerédaction russe d'euronews avec AFP, AP, Tass, Interfax, Belta
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L'Allemagne exige des éclaircissements du Bélarus : Berlin veut savoir où est détenue l'opposante Maria Kolesnikova depuis son arrestation présumée lundi matin. Des informations contradictoires ou incomplètes émergent de sources russes et bélarusses.

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L'Allemagne exige de savoir où se trouve l'opposante bélarusse Maria Kolesnikova avec l'appui de l'Union européenne et de la Grande-Bretagne. Il y a encore un an, Maria Kolesnikova travaillait comme flûtiste professionnelle à Dusseldörf, elle vivait depuis 12 ans en Allemagne, ce qui explique en partie la mobilisation du gouvernement allemand. Mais pas seulement. Comme l'Union européenne, elle demande la libération de tous les prisonniers politiques. 633 personnes ont encore été arrêtées dimanche lors de la manifestation qui a rassemblé 100 000 personnes à Minsk contre le président Loukachenko. 363 resteraient en détention provisoire.

Cette manifestation, à laquelle Maria Kolesnikova a participé, a violemment été réprimée en fin de journée. Et c'est lundi matin que l'opposante aurait été arrêtée. Alors qu'elle marchait dans la rue, près du musée national d'art, un témoin affirme qu'elle a été embarquée dans un minibus par des hommes en noir, masqués. Depuis, Maria Kolesnikova n'est pas joignable.

La ministre allemand des affaires étrangères, Heiko Maas, a tweeté : "Nous sommes très inquiets pour Madame Kolesnikova. Nous exigeons des éclaircissements sur le lieu de détention et la libération de tous les prisonniers politiques en Biélorussie".

Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a aussi déclaré : "Les arrestations et enlèvements arbitraires pour des motifs politiques au Bélarus, y compris les actions brutales de ce matin contre Andrei Yahorau, Irina Sukhiy et Maria Kolesnikova, sont inacceptables. Les autorités de l'État doivent cesser d'intimider les citoyens et de violer leurs propres lois et obligations." Il a aussi promis des sanctions à Minsk.

Le ministère bélarusse de l'Intérieur nie toujours officiellement la détenir et dit avoir lancé une enquête sur cet enlèvement présumé. L'avocat de Maria Kolesnikova, Illia Salei, est inquiet :

"Nous avons contacté la police et les services de renseignement et malheureusement nous n'avons toujours pas d'informations sur l'endroit où Maria est détenue, et sa sécurité est notre priorité numéro un. Maria est un des meneurs de l'équipe et des millions de Bélarusses lui font confiance et admirent son courage dans la lutte pour leurs droits civils".

Informations contradictoires et rocambolesques

Ce matin, l'agence de presse russe Tass expliquait que les membres du Conseil de coordination de l'opposition biélorusse Maria Kolesnikova, Anton Rodnenkov et Ivan Kravtsov avaient franchi la frontière de la Biélorussie avec l'Ukraine dans la nuit du 8 septembre.

Selon les informations de l'agence d'État bélarusse "Belta", les opposants ont tenté de quitter illégalement le territoire de la Biélorussie. Kolesnikova a été arrêtée, et Rodnenkov et Kravtsov sont maintenant en Ukraine.

Et selon l'agence de presse russe Interfax, les services spéciaux biélorusses ont amené Kolesnikova, Rodnenkov et Kravtsov à la frontière avec l'Ukraine depuis la maison d'arrêt.

Une source de l'opposition a également précisé à Interfax que Kolesnikova, Rodnenkov et Kravtsov n'allaient pas quitter le Belarus. Les services spéciaux biélorusses les auraient amenés à la frontière avec l'Ukraine depuis la maison d'arrêt, après quoi ils auraient été contraints de quitter le pays. La source d'Interfax a confirmé que Kolesnikova était aux arrêts lorsqu'elle a traversé la frontière. Cette source de l'opposition considère tout ceci comme une mise en scène ou une provocation des services spéciaux bélarusses.

Des médias russes affirmaient peu avant 9h, que les autorités frontalières bélarusses déclarent maintenant que Kolesnikova, Rodnenkov et Kravtsov ont tenté de forcer la frontière. Ce serait à ce moment-là que Maria Kolesnikova aurait été expulsée de la voiture. Les deux autres seraient passés en Ukraine et Maria Kolesnikova aurait été arrêtée.

Selon l'agence APTN, elle aurait été forcée de quitter le pays par les autorités bélarusses, n'aurait pas voulu passer en Ukraine, contrairement à Rodnenkov et Kravtsov, et aurait été alors arrêtée. 

Alors Maria Kolesnikova aurait-elle été arrêtée à Minsk et emmenée ensuite en Ukraine pour participer à une mise en scène des services spéciaux bélarusses ?

Aurait-elle essayé de s'enfuir avec deux autres membres du conseil de coordination de l'opposition en forçant un poste frontière avec l'Ukraine et aurait-elle alors été arrêtée alors que ses deux compagnons de voyage réussissaient à rejoindre le territoire ukrainien ?

**Les versions divergent. **Un porte-parole des gardes-frontières du Bélarus, Anton Bytchkovski, aurait finalement et seulement confirmé qu'elle avait été arrêtée à la frontière vers 4 h du matin la nuit dernière.

"Trois pauvres filles qui ne comprennent rien"

Maria Kolesnikova est la seule des trois femmes qui se soient opposées à Alexandre Loukachenko lors de l'élection présidentielle à être restée au Bélarus, malgré les menaces. Elle est membre d'un Conseil de coordination mis en place par l'opposition qui appelle à un transfert pacifique du pouvoir et à un nouveau scrutin transparent. Ce que refuse l'indéboulonnable président Alexandre Loukachenko. Il affirme que "les membres du Conseil de coordination tentent de prendre le contrôle de l'État et nuisent à la sécurité nationale".

Nombre de figures de l'opposition, membres ou non du Conseil de coordination, ont donc été contraints à l'exil ou incarcérés ces dernières semaines, Loukachenko, au pouvoir depuis 26 ans, faisant face à une mobilisation sans précédent contre son lui.

Mais malgré cette répression, depuis un mois, un mouvement de protestation réclamant son départ, réunissant notamment chaque dimanche plus de 100 000 personnes à Minsk, se prolonge pour dénoncer sa réélection, jugée frauduleuse, le 9 août avec 80% des voix face à Svetlana Tikhanovskaïa. Celle-ci, une prof d'anglais de formation sans expérience politique, s'était lancée dans la course à la présidentielle, pour remplacer son mari, une vidéo-blogueur populaire, emprisonné depuis le printemps.

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Elle a été rejointe par Maria Kolesnikova, qui était la directrice de campagne d'un autre candidat d'opposition incarcéré, et par Veronika Tsepkalo, dont le mari s'est lui exilé après le rejet de sa candidature à la présidentielle. Ce trio avait organisé une campagne anti-Loukachenko qui a mobilisé les foules.

Svetlana Tikhanovskaïa doit s'exprimer ce mardi, par visioconférence depuis son exil en Lituanie, devant l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, tandis que Loukachenko doit s'exprimer dans une interview.

Jusqu'ici il a exclu tout retrait du pouvoir, évoquant seulement une vague idée de révision de la Constitution, et rejetant tout dialogue avec ses détracteurs. Il a sur ces points reçu le soutien de la Russie.

Svetlana Tikhanoskaïa, a réagi à la "disparition" de Maria Kolesnikova en accusant Loukachenko d'"utiliser ouvertement des méthodes de terreur".

Depuis près d'un mois, les autorités bélarusses tentent d'écraser toute dissidence en emprisonnant massivement. Au moins quatre personnes sont mortes et des centaines ont été blessées.

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Alexandre Loukachenko, qui avant l'élection n'avait pas de mots assez durs pour dénoncer les tentatives de "déstabilisation" de Moscou, dénonce désormais un "complot" occidental et fait tout pour se rapprocher de la Russie, son plus proche allié et partenaire économique.

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