Migrants : après la tragédie dans la Manche, la difficile coopération entre Paris et Londres

Véhicule de la police française garé à Wimereux (dans le nord de la France), le 25/11/2021
Véhicule de la police française garé à Wimereux (dans le nord de la France), le 25/11/2021 Tous droits réservés Michel Spingler/Copyright 2021 The Associated Press. All rights reserved.
Tous droits réservés Michel Spingler/Copyright 2021 The Associated Press. All rights reserved.
Par Olivier Peguy avec AFP
Partager cet articleDiscussion
Partager cet articleClose Button

Les suites du naufrage d'une embarcation de migrants (27 morts) ce mercredi dans la Manche. Paris et Londres en appellent à des "efforts internationaux". Mais une coopération efficace tarde à se concrétiser

PUBLICITÉ

Les suites du naufrage d'une embarcation de migrants (27 morts) ce mercredi dans la Manche. Paris et Londres en appellent à des "efforts internationaux". Mais une coopération efficace tarde à se concrétiser.

C'était le 1er novembre dernier. Les dirigeants du G20 signaient une déclaration commune dans laquelle, la question des migrations étaient évoquée en ces termes :

« Nous reconnaissons qu’il est important de prévenir les flux migratoires irréguliers et le trafic de migrants, dans le cadre d’une approche globale au service de migrations sûres, ordonnées et régulières ».

Une déclaration d'intention dénuée de tout engagement concret. La tragédie survenue ce mercredi au large de Calais illustre dramatiquement l'absence d'"approche globale" dans la réponse aux tentatives de traversée de la Manche. Et singulièrement, la difficile coopération entre Paris et Londres sur ce sujet sensible.

L'initiative de Paris

Au lendemain de la catastrophe, le gouvernement français souhaite organiser une réunion ce dimanche à Calais avec les ministres européens et Commission européenne. L'idée a été formulée lors d'une réunion interministérielle à Paris.

Paris invite ainsi "les ministres en charge de l'immigration belge, allemand, néerlandais et britannique, ainsi que la Commission européenne, à une rencontre".

"Cette réunion devra permettre de définir les voies et moyens de renforcer la coopération policière, judiciaire et humanitaire" pour "mieux lutter contre les réseaux de passeurs à l'oeuvre dans les flux migratoires", a expliqué Matignon.

En déplacement à Zagreb, Emmanuel Macron avait appelé plus tôt dans la matinée à "améliorer la coopération européenne" avec la Belgique, les Pays-Bas, l'Allemagne et la Grande-Bretagne pour mieux lutter contre les passeurs.

"La France est un pays de transit, nous nous battons contre ces réseaux de passeurs qui utilisent la détresse, mais nous devons pour cela améliorer la coopération européenne", avait ajouté le chef de l'Etat, en faisant valoir que "quand ces femmes et ces hommes arrivent sur les rivages de la Manche, c'est déjà trop tard".

Les propositions de Londres

De l'autre côté de la Manche, Londres appelle à un "un effort international coordonné". C'est le message formulé ce jeudi par la ministre britannique de l'Intérieur.

Pour empêcher ces traversées, il faut "répondre aux effets d'appel à long terme, briser les gangs criminels qui traitent les êtres humains comme des marchandises et s'attaquer aux chaines d'approvisionnement. Cela nécessite un effort international coordonné", a déclaré Priti Patel devant les députés, disant être "en contact constant" avec ses homologues européens.

"C'est un problème compliqué et il n'y a pas de solution facile", a-t-elle souligné. "Cela implique un effort herculéen et cela sera impossible sans une coopération étroite entre tous les partenaires internationaux".

La ministre a dit avoir réitéré, lors d'un entretien jeudi avec son homologue français Gérald Darmanin, l'offre britannique d'envoyer des forces patrouiller sur les côtes françaises, rejetée par Paris jusqu'à présent.

"Chacun se renvoie la balle"

En tout cas, ce drame plombe un peu plus une relation déjà exécrable entre Paris et Londres, plus que jamais au défi de trouver une réponse commune dans la crise migratoire qui les oppose.

Cette tragédie "va accroître les tensions puisque chacun se renvoie la balle", estime Antoine Capet, professeur à l'Institut d'études anglophones de l'Université de Rouen (ouest de la France).

Le Premier ministre britannique Boris Johnson, qui a fait de la lutte contre l'immigration son cheval de bataille dans la foulée du Brexit, a aussitôt pointé la responsabilité de la France, laissant entendre que son action n'était pas "à la hauteur de la situation".

Le président français Emmanuel Macron a rétorqué attendre des Britanniques "qu'ils coopèrent pleinement et s'abstiennent d'instrumentaliser une situation dramatique à des fins politiques".

Les deux dirigeants ont finalement affiché leur volonté d'intensifier leur coopération pour stopper les traversées illégales qui se multiplient des côtes françaises vers l'Angleterre.

"Ils vont devoir travailler ensemble. Mais peuvent-il y arriver quand les relations sont si mauvaises, avec toujours le risque que l'un dise que l'autre n'en fait pas assez ?", s'interroge John Springford, expert au Center for European Reform (CER) à Londres.

PUBLICITÉ

Tenir compte des opinions publiques

Les postures adoptées par Paris et Londres ne sont pas dénuées d'arrière-pensées politiques.

« Il y a les électorats aussi derrière. Chacun regarde derrière son épaule », souligne ainsi Antoine Capet, en pointant le poids de l'extrême droite en France, particulièrement sur ce sujet, à six mois de la présidentielle.

Boris Johnson se retrouve lui aussi sous pression alors que la côte sud de l'Angleterre est confrontée depuis des mois à des arrivées massives de migrants. Cette question des traversées est délicate pour le dirigeant conservateur, qui a fait de la lutte contre l'immigration son cheval de bataille dans la foulée du Brexit.

Dans un tel contexte, « taper sur les Français et l'UE apparaît pour lui comme la meilleure stratégie politique », renchérit John Springford.

Pour l'écrivain britannique Julian Barnes, « la France et la Grande-Bretagne sont retombées dans leurs vieilles chamailleries ». « Pourtant, cette fois, la querelle n'est plus anglo-française, mais anglo-européenne », a-t-il lancé jeudi dans une tribune parue dans le quotidien français Le Monde.

PUBLICITÉ
Partager cet articleDiscussion

À découvrir également

Naufrage meurtrier dans la Manche : de nouvelles tensions entre le Royaume-Uni et la France

Les migrants "n'envahissent pas", le Pape François met Emmanuel Macron face à ses responsabilités

UE : le système de récompense de TikTok Lite menacé d'être suspendu