Selon les ONG, le texte très vague de la nouvelle loi permettra au gouvernement de Viktor Orbán d'utiliser sa nouvelle arme juridique contre toutes les organisations qui s'opposent à sa ligne politique et idéologique.
Le projet de loi sur la "transparence de la vie publique", présenté par le député du Fidesz János Halász, a été publié sur le site web du Parlement hongrois à minuit mardi.
En vertu de ce texte, les organisations qui reçoivent des fonds étrangers et qui "menaceraient la souveraineté hongroise" seront répertoriées par l'Office pour la protection de la souveraineté et s'exposeront à des amendes allant jusqu'à 25 fois le montant de l'aide étrangère voire à une suspension de l'aide financière nationale.
Les subventions étrangères ne pourront être reçues qu'avec l'approbation de l'Office, et les subventions nationales qu'avec un document requérant une procédure bureaucratique complexe.
Quant à savoir ce qui constitue une menace pour la souveraineté hongroise, la loi définit les cas de manière si large qu'elle pourra en pratique être appliquée à la moindre critique du gouvernement.
Par exemple, les expressions "influencer le débat démocratique" ou "agir d'une manière susceptible d'influencer le résultat d'une élection" peuvent s'appliquer à presque tous les produits de presse traitant de questions d'intérêt public.
La loi définit par ailleurs le "financement étranger" comme tout transfert, service ou don, qu'il s'agisse d'une somme d'argent gagnée lors d'un appel d'offres de l'UE ou d'un micro-don d'une personne ayant la double nationalité.
"Tout le monde peut devenir une cible"
Tamás Bodoky, rédacteur en chef du portail d'investigation Átlátszó, affirme que "tout le monde peut être soumis à cette restriction, tout le monde peut devenir une cible, parce qu'aujourd'hui en Hongrie, une partie importante de la presse indépendante et des ONG reçoit une forme de financement étranger".
"Et si ce n'est pas le cas, ils participent à des appels d'offres de l'UE, et à partir de là, ils peuvent être soumis à cette restriction", ajoute-t-il.
Depuis 2010, le gouvernement de Viktor Orbán attaque de manière systématique la presse indépendante qui le critique tout en construisant son propre empire médiatique.
Cette machine de propagande est financée par des subventions déguisées en publicité d'État, et deux entreprises de médias hongroises viennent de déposer une plainte auprès de l'autorité européenne de la concurrence, avec des données détaillées à l'appui.
Ces données montrent que le nombre de subventions publicitaires accordées par l'État aux entreprises de médias augmente considérablement lorsqu'elles appartiennent à des hommes d'affaires fidèles au parti au pouvoir et qu'elles diffusent les messages de ce dernier.
Face à la concurrence subventionnée par l'État, la presse indépendante a dû chercher toutes les sources de financement disponibles, dont des subventions de l'UE ou américaines, ou encore la possibilité pour chaque citoyen hongrois d'allouer 1 % de son impôt sur le revenu à une ONG.
La nouvelle loi pourrait paralyser les organisations qui critiquent Viktor Orbán
En vertu du nouveau projet de loi, toutes les sources de financement d'un média peuvent être fermées par l'autorité, dont la décision n'est soumise à aucun contrôle judiciaire.
"Notre première interprétation est que cela ne peut être vu que comme une déclaration de guerre ouverte, une attaque en règle contre la société civile", a déclaré à Euronews Viktor Szalóki, porte-parole de A Hang (La Voix), une organisation qui fournit une plateforme pour d'autres initiatives de la société civile.
"Nous voyons qu'il ne s'agit pas seulement d'une stigmatisation, mais d'un ensemble d'outils juridiques qui pourraient rendre le travail [des organismes indépendants] impossible", précise-t-il.
Le parti Fidesz au pouvoir justifie la répression des ONG en soulignant que, lors des élections précédentes, l'opposition hongroise - qui était alors une alliance de petits partis unis malgré leurs différences idéologiques - a reçu des fonds de campagne provenant de sources américaines.
Le financement par l'UE de la presse critique du gouvernement et des organisations de la société civile, ainsi que les procédures liées à l'État de droit hongrois, sont également considérés comme des pressions extérieures en faveur de l'opposition.