L'industrie horlogère suisse se met à l'heure de la vente d'occasion

En ce 31 mai 2018, des montres photo reposent sur une planche à découper qui sert de toile de fond à la société Theo & Harris de Christian Zeron à Westfield, N.J.
En ce 31 mai 2018, des montres photo reposent sur une planche à découper qui sert de toile de fond à la société Theo & Harris de Christian Zeron à Westfield, N.J. Tous droits réservés Amir Bibawy/AP
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Par James Brooks
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Une nouvelle étude du cabinet Deloitte publiée il y a quelques jours révèle que les montres de luxe d'occasion sont de plus en plus recherchées. L'horlogerie suisse soutient cette tendance.

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On voit souvent l'horlogerie suisse comme un domaine réservé à l'élite, aux clients fortunés et aux VIP qui voyagent en jet privé. Pourtant, cette industrie évolue avec son temps et soutient une pratique plus sobre et durable : la vente d'occasion.

Selon une nouvelle étude publiée le 14 octobre 2021 par le grand cabinet d'audit Deloitte sur les tendances de l'horlogerie suisse, les montres de luxe de seconde main sont de plus en plus recherchées : près d'un acheteur sur trois déclare être susceptible d'en acheter une dans les douze prochains mois.

L'impact positif de la seconde main

"C'est un marché en forte croissance," déclare Karine Szegedi, responsable Consumer et Fashion & Luxury chez Deloitte Suisse. "Ce n'est pas seulement parce que les consommateurs n'ont pas les moyens de s'offrir une montre sur le marché du neuf," poursuit-elle, "c'est aussi une question de rareté et de modèles spécifiques."

En effet, le secteur se réjouit de cette évolution, deux tiers des dirigeants estimant qu'elle a un impact positif sur leurs marques.

"Il aurait pu y avoir, il y a quelques années, une stigmatisation de ces produits en tant que montres de seconde main et usagées, mais c'est aujourd'hui un marché beaucoup plus professionnalisé avec des montres certifiées," fait remarquer Jules Boudrand, expert de l’industrie horlogère chez Deloitte Suisse. "Les gens se sentent aussi plus à l'aise pour les acheter parce que désormais, ils peuvent davantage faire confiance aux revendeurs," précise-t-il.

Les montres suisses rattrapées par la pandémie

Comme de nombreuses entreprises, les horlogers suisses se remettent lentement de la pandémie de Covid-19 qui a entraîné la fermeture de magasins et de manufactures et réduit le nombre de voyageurs internationaux.

Selon leur principale association, la Fédération de l'industrie horlogère suisse, 2020 a été une "année sans précédent". La valeur des exportations de montres suisses a chuté à 17 milliards de francs suisses contre 21,7 milliards pour l'année précédente, soit une baisse de plus de 21 %.

Dans le contexte de pandémie, la Chine est encore plus apparue comme un marché d'exportation vital : lors du premier confinement européen au printemps 2020, la part des exportations de montres suisses vers ce pays a plus que doublé pour atteindre 22 %. Pour les professionnels, la Chine sera le marché le plus important dans un avenir proche.

Comment le numérique a contribué à stimuler les ventes

Comme pour de nombreux autres secteurs, les ventes par le biais de plateformes numériques ont aidé les marques à atténuer une partie des pertes.

"La montre reste traditionnellement achetée en magasin, mais vous pouvez avoir des montres très chères, de quelques centaines de milliers de francs, vendues intégralement sur internet et en e-commerce. Ce n'est plus inhabituel," indique Karine Szegedi.

Alors que le marché de l'occasion est en plein essor, les ventes de montres de luxe dont le prix à l’exportation est supérieur à 3000 francs suisses - environ 2800 euros - ont représenté une "bouée de sauvetage" pour la plupart des marques. "L'industrie horlogère suisse devient de plus en plus celle du luxe," déclare Karine Szegedi.

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Jean-Christophe Babin, PDG de Bulgari, lauréat du Prix de la Montre Iconique 2020GPHG

Remonter le temps

On ne sait pas exactement quand le secteur se redressera et atteindra les volumes de vente d'avant la pandémie, mais 36 % des dirigeants s'attendent à ce que ce soit d'ici la fin 2022 selon l'étude de Deloitte.

Une reprise des ventes en personne devrait aider. La Suisse a levé certaines restrictions en avril tandis qu'un certificat Covid est nécessaire dans le pays pour entrer dans les restaurants, bars, musées, bibliothèques et autres lieux de loisirs.

Le prestigieux Grand Prix d'Horlogerie de Genève (GPHG), considéré comme les Oscars de l'industrie horlogère suisse, sera de retour dans son format classique le vendredi 22 octobre avec la cérémonie de remise des prix prévue le 4 novembre qui sera retransmise en direct sur euronews.com. L'édition de l'an dernier s'était déroulé dans un cadre restreint du fait du contexte sanitaire.

Dans le cadre de ce GPHG 2021, 84 montres ont été présélectionnées dans 14 catégories. Sur les vingt récompenses décernées, le Grand Prix de l'Aiguille d'Or est le plus prestigieux.

La durabilité en une seconde

Outre les ventes d'occasion, une autre tendance se dessine : le développement durable.

En novembre, les dirigeants du monde entier se réuniront à Glasgow en Écosse, pour la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP 26) dont l'organisation a été reportée du fait de la pandémie et qui est présentée comme une rencontre "vitale" pour tenter de limiter le réchauffement de la planète.

Les horlogers suisses eux aussi jouent leur rôle. 72 % des marques interrogées par le cabinet Deloitte investissent davantage dans le développement durable en se concentrant sur l'approvisionnement éthique et l'impact environnemental des matériaux.

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"De nombreuses initiatives sont menées par certaines marques pour utiliser des matériaux recyclés dans les bracelets, les courroies et parfois aussi dans les boîtiers," déclare Jules Boudrand. "Les clients sont davantage demandeurs de cet aspect de durabilité et cela deviendra un facteur de plus en plus important," estime-t-il.

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