Comment les sponsors polluants mettent en péril l'avenir des sports d'hiver

Piste de ski fermée dans une station de ski près de Liberec, République tchèque, janvier 2023. Les montagnes d'Europe ont souffert d'un manque de neige inhabituel cette année.
Piste de ski fermée dans une station de ski près de Liberec, République tchèque, janvier 2023. Les montagnes d'Europe ont souffert d'un manque de neige inhabituel cette année. Tous droits réservés AP Photo/Petr David Josek
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Par Lottie Limb
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Cet article a été initialement publié en anglais

Des militants appellent les organisateurs de sports d'hiver à abandonner les sponsors polluants, sous peine de mettre en péril l'avenir même des stations européennes.

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Selon un nouveau rapport, les sponsors des sports d'hiver, dont Audi et Equinor, feraient fondre près de 2 000 kilomètres carrés de neige par an en raison de leurs émissions de carbone.

Pour la première fois, des militants ont mis au point une formule pour mesurer l'impact sur le climat des grands contrats de sponsoring conclus avec des industries polluantes.

Les conclusions du groupe de réflexion New Weather Institute soulignent une ironie déjà flagrante : les sports d'hiver sont mis en péril par nombre de leurs plus grands sponsors.

"Le spectre du changement climatique plane sur tous les sports de neige", avance Anna Turney, ancienne skieuse alpine britannique et athlète paralympique.

Des températures record dans toute l'Europe ont forcé l'annulation de nombreuses courses de ski alpin et de ski de fond pour la saison 2023-24 en raison de la faible couverture neigeuse, ainsi que la fermeture de nombreuses stations de ski.

"Les organisations de sports d'hiver doivent faire preuve de courage", ajoute Anna Turney. "Si nous ne faisons rien, il n'y aura plus de sports de neige".

Le rapport "Dirty Snow" de New Weather Sweden et sa campagne Badvertising sont publiés aujourd'hui, alors que la Coupe du monde de ski de la Fédération internationale de ski et de snowboard (FIS) débute en Autriche.

Comment calculer la fonte des neiges à partir d'un contrat de sponsoring ?

Une photo de la Coupe du monde FIS de cross-country au Nordic Center Goms, à Geschinen, en Suisse, en janvier 2024.
Une photo de la Coupe du monde FIS de cross-country au Nordic Center Goms, à Geschinen, en Suisse, en janvier 2024.Jean-Christophe Bott/Keystone via AP

Le constructeur automobile Audi est le principal sponsor de la Coupe du monde de ski qui se déroule du 16 au 24 mars sur les pentes de Salzbourg.

Ce contrat de plusieurs millions d'euros générera entre 103 000 et 144 000 tonnes d'émissions de dioxyde de carbone, selon les militants. L'impact sur le climat est comparable à celui de 238 000 à 333 000 barils de pétrole.

Cette estimation a été réalisée à l'aide d'une formule inédite permettant de calculer les émissions générées par chaque euro dépensé pour un parrainage à forte teneur en carbone.

En utilisant la relation connue entre les émissions et la perte de couverture neigeuse, le rapport calcule ensuite l'impact de sept sponsors de sports d'hiver : Audi, Ford, SAS, Equinor, Aker, Volvo et Preem.

Au total, les émissions de CO2 de ces entreprises polluantes feraient fondre chaque année une surface de 1 968 kilomètres carrés de neige de printemps.

Cela équivaut à une surface 195 fois plus grande que le domaine skiable de Skicircus Saalbach, l'un des plus grands domaines skiables du monde, où se déroulent les finales de la Coupe du monde de ski alpin FIS 2024. Et 437 fois plus grand que le domaine skiable d'Åre, la plus grande station de ski de Suède et candidate potentielle à l'organisation des Jeux olympiques de 2030.

Quel est l'impact du changement climatique sur les sports d'hiver et les stations de ski en Europe ?

Les pistes de ski européennes sont déjà gravement affectées par le changement climatique. Fin février, neuf des épreuves de la Coupe du monde de ski alpin prévues pour la saison ont été annulées en raison d'un faible enneigement.

De nombreuses stations de ski européennes se voient désormais contraites de proposer des activités estivales dès le mois de mars.

D'autres ont recours à la neige artificielle : c'est le cas d'environ 25 % des domaines skiables en Allemagne, 39 % en France, 54 % en Suisse, 70 % en Autriche et 90 % en Italie.

Mais comme le souligne New Weather, la production de neige artificielle est une activité à forte intensité énergétique qui augmente encore les émissions.

En définitive, sans réduction importante et immédiate des émissions de gaz à effet de serre, les sports d'hiver européens sont condamnés. Les militants affirment que les sports ont une responsabilité et un rôle à jouer dans la réalisation de cet avenir meilleur.

"Il est très ironique que les sponsors polluants des sports d'hiver fassent fondre la glace et la neige dont dépendent ces sports", déclare Anna Jonsson, codirectrice de New Weather Sweden. "Pour assurer l'avenir des sports d'hiver, tous les organisateurs et les athlètes doivent renoncer aux sponsors polluants".

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Des personnes skient sur une piste clairsemée près de Schladming, en Autriche, en janvier 2023.
Des personnes skient sur une piste clairsemée près de Schladming, en Autriche, en janvier 2023.AP Photo/Matthias Schrader

Andrew Simms, directeur du New Weather Institute, déclare : "Ces entreprises utilisent le sport comme un panneau d'affichage pour vendre davantage de produits à forte teneur en carbone et maintenant, pour la première fois, nous pouvons chiffrer les dommages causés par leur argent".

"Les athlètes d'élite ont clairement un rôle à jouer en s'exprimant et en tirant la sonnette d'alarme, en tant qu'influenceurs importants dans la société", déclare l'ancien patineur d'élite néerlandais Mark Ooijevaar.

"De nombreuses fédérations sportives et de nombreux athlètes professionnels font la promotion d'un mode de vie idéalisé et élitiste, caractérisé par une forte consommation de produits et de voyages", observe Björn Sandström, skieur de fond d'élite suédois, scientifique de l'environnement et consultant en calculs climatiques.

"Nous devons abandonner ces comportements non durables qui nous entraînent encore plus loin dans la crise climatique".

Le rapport fait suite à des campagnes climatiques réussies dans le tennis et le rugby

Dans le contexte de la crise climatique, les événements sportifs, les équipes et les athlètes sont soumis à des pressions croissantes pour leur association avec des entreprises polluantes.

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Le géant des combustibles fossiles TotalEnergies, par exemple, a été pris pour cible par des militants africains pour son parrainage de la Coupe d'Afrique des Nations de football. Les défenseurs du climat ont quant à eux perturbé un certain nombre d'événements, de l'US Open au championnat du monde de snooker.

Parfois, ces demandes ont été entendues. New Weather note que plusieurs organisations sportives ont mis fin à des partenariats commerciaux avec des entreprises polluantes.

L'Open d'Australie a annulé son contrat de parrainage avec le géant du pétrole et du gaz Santos après une campagne populaire, tandis que la Fédération anglaise de rugby (RFU) a refusé un contrat de parrainage commercial avec l'entreprise américaine de combustibles fossiles ExxonMobil.

Afin d'accroître la transparence de ces accords, New Weather demande aux organisateurs sportifs de divulguer la valeur des parrainages polluants. Il souhaite également que "les entreprises qui sont les principaux moteurs du changement climatique" - comme les sociétés pétrolières et gazières, les constructeurs automobiles et les compagnies aériennes - se retirent complètement du domaine sportif.

"En tant qu'ancien membre de l'équipe nationale suédoise de ski, j'aimerais que les associations de ski et les courses cessent de promouvoir des entreprises qui font fondre notre sport", déclare Emil Johansson Kringstad, ancien skieur de fond d'élite suédois.

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