Que peut attendre l’Union européenne du nouveau gouvernement allemand ?

Que peut attendre l’Union européenne du nouveau gouvernement allemand ?
Tous droits réservés Michael Kappeler/(c) Copyright 2021, dpa (www.dpa.de). Alle Rechte vorbehalten
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Par Christopher PitchersEuronews
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Le social-démocrate Olaf Scholz succède à Angela Merkel qui quitte la chancellerie après 16 années au pouvoir. L'UE observe avec attention l'accord de coalition pour déterminer la nouvelle direction politique de Berlin.

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C’est une page de 16 ans qui se tourne. Après quatre mandats consécutifs Angela Merkel ne dirigera plus l’Allemagne. Mercredi elle laissera la place à Olaf Scholz, le quatrième chancelier socialiste-démocrate de l’après-guerre.

Il dirigera une coalition gouvernementale qui comprend les sociaux-démocrates (SPD), les Verts et le Parti libéral (FDP). Cette tripartite est surnommée "feu tricolore".

L'ère Merkel terminée, le nouveau chancelier et ses partenaires de coalition vont devoir répondre à de nombreux défis. L’UE et les Etats membres attendent de voir le positionnement du nouveau gouvernement. Dans l'accord de coalition les partis parlent d'une "responsabilité spéciale" envers l'Europe.

La Chine et les droits de l'homme

La montée en puissance de la Chine façonne toujours un peu plus la politique internationale de l’UE. Angela Merkel a privilégié les intérêts allemands dans le positionnement à l’égard de Pékin. Mais le ton pourrait changer à Berlin.

Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a récemment décrit la Chine comme "à la fois un concurrent économique et un rival systémique, et un partenaire nécessaire pour relever les défis du XXIe siècle." Sur ce point l’Allemagne et l’UE peuvent se rejoindre. L'accord de coalition stipule que les relations avec Pékin doivent être fondées sur "le partenariat, la concurrence et la rivalité systémique".

Mais pour Markus Ziener du German Marshall Fund c’est un raccourci facile. "La Chine est probablement l'une des principales lignes de conflit au sein du nouveau gouvernement car, bien sûr, l'Allemagne est un pays qui exporte et importe beaucoup [vers la Chine], et sa relation avec la Chine est essentielle pour l'économie, se découpler de la Chine serait économiquement très mauvais pour l'Allemagne", explique-t-il à Euronews.

"Il suffit de penser à Volkswagen, le plus grand constructeur automobile allemand, qui vend beaucoup de ses voitures en Chine ou qui sont produites en Chine. Donc, il s'agit d'emplois, des emplois qui pourraient être en danger en Allemagne si le commerce se réduit", ajoute-t-il.

Markus Ziener souligne une situation plus complexe en terme de liens politiques. "Si nous parlons de politique, je pense que nous allons assister à un changement parce que la nouvelle ministre des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, veut mener une politique basée sur les valeurs, ce qui signifie qu'elle met beaucoup plus l'accent sur les droits de l'homme et le renforcement des forces démocratiques", ajoute l’analyste.

"Donc, si l'on regarde la Chine, ainsi que la Russie, nous allons voir au moins un peu de changement. L'ampleur du changement dépend du chancelier, à savoir si Olaf Scholz, garde ces deux portefeuilles près de lui, pour ainsi dire, ou s'il laisse une marge de manœuvre à la nouvelle ministre des Affaires étrangères."

L'accord sur les investissements entre l'UE et Pékin, ardemment défendu par Angela Merkel, est actuellement suspendu en raison de sanctions chinoises contre des députés européens et pour les violations des droits de l’homme notamment dans la province du Xinjiang.

Les partenaires de la coalition s'accordent à dire qu'en l'état actuel des choses, l'accord ne peut pas être ratifié, laissant planer des incertitudes sur les relations entre Européens et Chinois.

La Russie, l'Ukraine et Nord Stream 2

L’UE est divisée sur l’attitude à adopter face au président russe Vladimir Poutine. La menace se rapproche pourtant. Le renforcement des troupes russes près de la frontière ukrainienne alimente les spéculations d’une invasion.

Le Parti social-démocrate allemand a généralement privilégié une ligne plus indulgente à l'égard de la Russie. Mais Markus Ziener affirme que toute intervention russe en Ukraine ne pourrait pas être ignorée.

"Les Verts sont très favorables à l'Ukraine. Donc, si nous voyons vraiment une action militaire se produire dans les semaines ou les mois à venir, je suis sûr qu'il y aura une ligne plus dure envers la Russie", déclare-t-il. "Peu importe si les sociaux-démocrates sont plus souples à l'égard de la Russie, je pense que dans ce cas là, il n'y a pas d'autre option que d'avoir une ligne plus dure en matière de sanctions."

Le gazoduc Nord Stream 2 est lui aussi au centre d’une controverse. Le projet doit permettre d’acheminer directement le gaz russe en Allemagne. Or l’UE veut réduire sa dépendance aux énergies fossiles et priver ainsi le président russe d’un moyen de pression contre les 27.

Le chantier, presque terminé, est actuellement en attente d'une certification par les responsables allemands. La décision sera lourde de conséquence pour le nouveau gouvernement à Berlin.

"Nord Stream 2 est définitivement essentiel pour l'Allemagne parce que l'Allemagne abandonne progressivement le charbon et en même temps le nucléaire, ce qui signifie qu'il faut combler ce fossé énergétique qui existe. Il faut importer du gaz. Nord Stream 2 est donc essentiel ", explique Markus Ziener.

"D'autre part, il s'agit d'une question politique, et les Verts et une grande partie des libéraux ne sont pas satisfaits. Les sociaux-démocrates sont traditionnellement plus enclins à adopter une ligne plus souple à l'égard de la Russie. Il s'agit donc probablement d'une question sur laquelle ils devront trouver un compromis, ce qui pourrait ne pas être facile", estime l'analyste du German Marshall Fund.

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L'État de droit

La Hongrie et la Pologne, accusées de violer l’Etat de droit, pourraient connaître des années encore plus difficiles. Après le ton modéré d’Angela Merkel, Berlin pourrait sévir. "Nous demandons instamment à la Commission européenne [...] d'utiliser les instruments de l'État de droit existants de manière plus cohérente et en temps utile", indique l'accord de coalition.

La donne pourrait bientôt changer, selon Amandine Crespy, professeure associée en sciences politiques à l'Université libre de Bruxelles. "Le nouveau gouvernement semble vouloir adopter une position plus dure vis-à-vis de la Pologne et de la Hongrie", explique-t-elle à Euronews.

"Peut-être il faudra voir si tous les dirigeants européens sont capables de former une sorte de front commun et ce qui se passera réellement", ajoute-t-elle. "Mais il y a beaucoup de raisons de penser que le nouveau gouvernement allemand sera moins enclin aux accords politiques, tout comme Angela Merkel l'avait prouvé ces dernières années."

Une Europe encore plus verte ?

L’UE pourrait-elle aller encore plus loin en matière de climat avec les Verts au pouvoir en Allemagne ?

C'est une question que se posent les défenseurs de l'environnement avec l’arrivée de la nouvelle équipe gouvernementale.

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Les partenaires de la coalition ont déclaré qu'ils s'efforceraient d'arrêter de recourir charbon d'ici 2030, mais les Verts refusent de s’appuyer sur le nucléaire et le gaz comme alternative. Une bataille majeure entre les deux plus grands États membres de l’UE se dessine sur ce dossier.

"Je vois une énorme confrontation potentielle avec la France sur la question de l'énergie nucléaire et de son inclusion dans la taxonomie européenne , la catégorisation européenne des sources d'énergie considérées comme énergie verte", précise Amandine Crespy.

"La France et l'Allemagne ont procédé à deux changements complètement opposés. L'Allemagne a confirmé la décision d'abandonner l'énergie nucléaire, alors que le président français Emmanuel Macron a, au contraire, lancé un plan pour accélérer la construction de centrales nucléaires en France", résume-t-elle.

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