La centrale de Zaporijjia n'explosera probablement pas, mais l'Europe reste sur ses gardes

Un secouriste ukrainien portant une combinaison de protection contre les radiations participe à une formation à Zaporijjia, Ukraine, le jeudi 29 juin 2023.
Un secouriste ukrainien portant une combinaison de protection contre les radiations participe à une formation à Zaporijjia, Ukraine, le jeudi 29 juin 2023. Tous droits réservés AP Photo/Evgeniy Maloletka
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Par Alessio Dell'Anna
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Cet article a été initialement publié en italien

Les attaques contre la plus grande centrale nucléaire d'Europe, désormais occupée par la Russie, sont inquiétantes. Mais les experts écartent le risque de catastrophe pour l'instant.

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Envoyer des drones kamikazes sur la centrale nucléaire de Zaporijjia était une "folie", déclare à Euronews Robert E. Kelley, ancien inspecteur nucléaire en chef de l'AIEA, l'Agence internationale de l'énergie atomique, et ancien scientifique du laboratoire national de Los Alamos au Nouveau-Mexique.

Cependant, ce type d'attaque "n'a pas d'implications en termes de sécurité. Il n'y a aucune possibilité que des réacteurs explosent de cette manière", affirme-t-il.

L'AIEA a confirmé qu'elle n'avait observé aucun dommage structurel depuis le dernier incident, le 7 avril, mais elle condamne fermement l'attaque contre la centrale.

La centrale de Zaporijjia pourrait-elle exploser en cas de panne d'électricité prolongée ?

Les coupures de courant peuvent être très dangereuses pour les centrales nucléaires, car sans électricité les réacteurs ne sont pas refroidis, ils peuvent surchauffer et, à terme, exploser. C'est ce qui s'est passé à Tchernobyl.

Mais, pour Robert E. Kelley, les risques qu'une catastrophe similaire à celle de 1986 ne se produise "sont pratiquement nulles".

"La situation à Tchernobyl était très différente. Il ne s'agissait pas d'une explosion nucléaire, mais d'une énorme explosion de vapeur. Le réacteur a été soudainement mis en marche à pleine puissance. L'eau à l'intérieur s'est évaporée en une fraction de seconde et a fait exploser le bâtiment".

"Les réacteurs d'aujourd'hui utilisent une technologie totalement différente. Un tel résultat n'est pas envisageable".

Vue aérienne de la centrale nucléaire ukrainienne de Tchernobyl, site de la pire catastrophe nucléaire au monde, quelques jours après l'explosion meurtrière du 26 avril 1986.
Vue aérienne de la centrale nucléaire ukrainienne de Tchernobyl, site de la pire catastrophe nucléaire au monde, quelques jours après l'explosion meurtrière du 26 avril 1986.AP Photo

Deux autres facteurs réduisent le risque par rapport aux événements de 1986.

Tout d'abord, lors des pannes précédentes, l'alimentation en électricité pour refroidir Zaporijjia provenait d'autres sources, telles que la centrale électrique au charbon de Zaporizka, située à proximité - la plus grande centrale thermique d'Ukraine - ou de générateurs diesel.

En outre, tous les réacteurs de la centrale de Zaporijjia sont actuellement en arrêt, contrairement à celui de Tchernobyl, qui était pleinement opérationnel.

L'Europe est-elle prête à faire face à une catastrophe nucléaire ?

Jan Johansson, spécialiste des plans d'urgence à l'Agence suédoise de radioprotection, a déclaré à Euronews que la collaboration entre les pays s'était beaucoup améliorée depuis la catastrophe de Fukushima en 2011, quand "la confusion régnait dans la coordination de la réponse internationale".

L'organisme européen qui s'occupe du partage des procédures de sécurité entre les différents pays se nomme HERCA.

"HERCA s'est beaucoup impliqué dans l'harmonisation et dans la création d'un plan en cas d'accident nucléaire en Ukraine", explique Jan Johansson.

Un soldat russe surveille une zone de la centrale nucléaire de Zaporijjia, sous contrôle militaire russe, dans le sud-est de l'Ukraine, le 1er mai 2022.
Un soldat russe surveille une zone de la centrale nucléaire de Zaporijjia, sous contrôle militaire russe, dans le sud-est de l'Ukraine, le 1er mai 2022.AP

Les lignes directrices en matière de sécurité sont habituellement établies au niveau international par l'AIEA, puis mises en œuvre par chaque pays.

Depuis 2007, l'UE dispose d'une organisation appelée Groupe des régulateurs européens de la sûreté nucléaire (EMSREG), qui est chargée de s'assurer que les normes de sûreté sont appliquées sur le continent.

En cas d'accident, la réponse initiale incombe toujours au pays où il se produit.

Comment fonctionne le plan de sécurité en cas d'accident nucléaire ?

La préparation est fondamentale pour limiter les risques avant même qu'un accident ne se produise. Selon Jan Johansson, c'est l'élément le plus important.

"Quoi qu'il arrive, même s'il s'agit d'une fusion nucléaire, elle ne se produira pas immédiatement. En général, si quelque chose ne va pas, il y a des signes avant qu'il n'y ait une émission de radiations".

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Dans le pire des scénarios possibles, c'est-à-dire une explosion accompagnée d'un rejet de radiations, la zone entourant le lieu de l'accident - appelée zone d'action de précaution - est entièrement évacuée dans un rayon de cinq kilomètres.

Dès que le danger est détecté, toute la population dans un rayon de 25 kilomètres - la zone de planification des actions de protection urgentes - est alertée par un système d'alarmes et de sirènes, et tous les habitants sont notifiés de l'événement par message.

Toute personne se trouvant dans un rayon de 25 kilomètres doit se réfugier dans un endroit clos, à son domicile, sur son lieu de travail ou dans une école, par exemple.

Selon Jan Johansson, une maison normale offre une protection suffisante, "même en cas de fuite radioactive importante". Il n'est pas nécessaire de se réfugier dans un bunker.

Tous les citoyens concernés sont également en possession d'une pilule d'iode. Cette pilule bloque l'absorption des radiations par la glande thyroïde et prévient ainsi le risque de cancer de la thyroïde.

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Une femme montre un paquet de comprimés d'iode avant de les distribuer dans une école, en cas de fuite de radiations à Zaporijjia, Ukraine, 2 septembre 2022.
Une femme montre un paquet de comprimés d'iode avant de les distribuer dans une école, en cas de fuite de radiations à Zaporijjia, Ukraine, 2 septembre 2022.AP

La pilule est envoyée au domicile de chaque citoyen tous les cinq ans.

Une fois que vous vous êtes réfugié dans un endroit clos, il est essentiel d'allumer la télévision, la radio ou de suivre les réseaux sociaux des autorités pour obtenir des informations en direct.

"Les étapes suivantes dépendent de la quantité de matière radioactive qui a fui, ainsi que des facteurs météorologiques", explique Jan Johansson.

"[En Suède,] nous nous entraînons plusieurs fois par an. Notre système est assez efficace et les autorités savent ce qu'il faut faire".

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