Une commission du parlement géorgien a rejeté lundi le veto présidentiel à la législation sur les "agents étrangers" qui a suscité des manifestations massives pendant des semaines. Mardi, l'ensemble du parlement pourrait donc passer outre le blocage de Salomé Zourabichvili.
La Présidente et le Premier ministre géorgiens ont échangé des piques personnelles au sujet d'une loi sur "la transparence de l'influence étrangère", à l'occasion de la fête de l'indépendance de ce pays caucasien.
Les Géorgiens ont commémoré ce dimanche les 106 ans de la déclaration d'indépendance vis à vis de l'Empire russe.
Mais la célébration de cette année intervient sur fonds de tensions autour la loi controversée que les critiques considèrent comme une menace pour la démocratie et obstacle à l'intégration européenne de la Géorgie, en pointant du doigt une législation très similaire utilisée pour étouffer les voix dissidentes en Russie.
La législation exige que les médias, les organisations non gouvernementales et les autres organisations à but non lucratif s'enregistrent comme "poursuivant les intérêts d'une puissance étrangère" s'ils reçoivent plus de 20 % de leur financement de l'étranger.
Dans son discours, la présidente ouvertement pro-européenne (et ancienne diplomate française) Salomé Zourabichvili a déclaré que "le destin de notre pays est entre nos mains".
Le Premier ministre géorgien Irakli Kobakhidze a répliqué en déclarant que son gouvernement protégeait "la souveraineté et l'indépendance de la Géorgie".
Le parti au pouvoir, Rêve géorgien, se déclare attaché à un engagement européen du pays, mais son fondateur et "l'homme de l'ombre" de la politique géorgienne, l'oligarque Bidzina Ivanichvili, a fait sa fortune personnelle (qui représente un tiers du PIB national, selon les médias) en Russie. Le gouvernement, officiellement en froid avec Moscou depuis la guerre de 2008, est aussi accusé de refouler certains opposants russes qui chercheraient refuge en Géorgie depuis l'invasion de la Russie en Ukraine.
Législation controversée
La législation controversée qui a suscité des semaines de protestations a été adoptée par le Parlement le 14 mai dernier.
Elle exige que les médias et les organisations non gouvernementales s'enregistrent comme "poursuivant les intérêts d'une puissance étrangère" s'ils reçoivent plus de 20 % de leur budget de l'étranger.
Les manifestants estiment que cette loi est antidémocratique et qu'elle pourrait compromettre les chances du pays d'adhérer à l'Union européenne.
"La démocratie géorgienne est sérieusement entamée en raison de la mainmise de l'oligarchie sur l'État et de l'influence accrue de la Russie. La raison principale pour laquelle ces gens descendent dans la rue est de récupérer notre pays et de faire en sorte que la trajectoire démocratique de la Géorgie reste intacte", estime Batu Kutelia, chercheur principal du programme Eurasie du Foreign Policy Research Institute.
La semaine dernière, la Présidente a opposé son veto au projet de loi, le qualifiant dans une interview à Euronews comme "sabotage de [notre] voie européenne".
Mais Rêve géorgien dispose d'une majorité suffisante au Parlement pour passer outre ce veto, et l'on s'attend largement à ce qu'il le fasse.
L'Union européenne, les structures du Conseil de l'Europe ou aussi l'OTAN ont mis Tbilissi en garde contre l'adoption de la loi et ont demandé son abrogation.
Selon des sondages récents, plus de 80 % des Géorgiens souhaitent que leur pays puisse intégrer le plus tôt possible l'Union européenne.