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Slovaquie : des manifestations de masse contre les réformes du gouvernement

Des personnes participent à une manifestation contre un projet gouvernemental de modification du code pénal à Bratislava, le jeudi 18 janvier 2024.
Des personnes participent à une manifestation contre un projet gouvernemental de modification du code pénal à Bratislava, le jeudi 18 janvier 2024. Tous droits réservés Jaroslav Novak/Tlacova agentura SR
Tous droits réservés Jaroslav Novak/Tlacova agentura SR
Par Mared Gwyn Jones
Publié le Mis à jour
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Cet article a été initialement publié en anglais

L'opposition slovaque tire la sonnette d'alarme auprès de l'Union européenne après les dernières réformes du gouvernement de Robert Fico, qui mettent en péril l'État de droit en Slovaquie, selon les militants.

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Des milliers de manifestants slovaques sont descendus dans les rues de Bratislava pour dénoncer une série de décisions gouvernementales controversées qui, selon eux, témoignent de l'érosion de l'État de droit et des libertés démocratiques dans le pays.

Ces derniers jours, trois événements ont suscité la colère de la population contre le gouvernement de coalition du Premier ministre Robert Fico, au sein duquel sa formation nationaliste de gauche, le Smer, s'appuie notamment sur le parti ultranationaliste SNS.

La première a été le licenciement des directeurs du Théâtre national slovaque et de la Galerie nationale par la ministre de la Culture d'extrême droite, Martina Šimkovičová, issue du SNS.

Cette dernière a justifié sa décision en invoquant l'"activisme politique" ainsi que la priorité accordée aux artistes étrangers par rapport aux artistes slovaques au sein des institutions culturelles. Ses opposants l'ont accusée de réprimer brutalement l'expression.

Deuxièmement, les manœuvres du ministre de la Justice Boris Susko ont conduit à la libération de l'ancien procureur spécial Dušan Kováčik de prison mercredi dernier.

En 2022, celui-ci avait été condamné à une peine de 14 ans, réduite ensuite à huit ans, pour avoir accepté un pot-de-vin de 50 000 €. Boris Susko a déposé un recours extraordinaire auprès de la Cour suprême pour assurer sa libération, une mesure vivement critiquée par ses opposants politiques.

Robert Fico s'exprime lors d'une conférence de presse avec le Premier ministre hongrois Viktor Orbán au monastère des Carmélites à Budapest, en Hongrie, le 16 janvier 2024.
Robert Fico s'exprime lors d'une conférence de presse avec le Premier ministre hongrois Viktor Orbán au monastère des Carmélites à Budapest, en Hongrie, le 16 janvier 2024.AP Photo

Troisièmement, en août, Robert Fico a déclaré qu'il allait dissoudre l'Agence nationale de lutte contre la criminalité (NAKA) - un organisme spécialisé dans les délits graves et la corruption - qui traite actuellement plusieurs affaires dans lesquelles le Premier ministre slovaque est lui-même impliqué.

"La Slovaquie est attaquée par son propre gouvernement"

Selon les organisateurs des manifestations à Bratislava, quelque 10 000 personnes sont descendues dans la rue lundi pour dénoncer ces mesures, qu'elles considèrent comme une atteinte à la démocratie slovaque.

"Ces derniers jours nous ont montré que [les actions du gouvernement] sont une attaque frontale contre nos institutions, contre l'État de droit et la justice, et finalement contre la liberté de l'art et de la culture", déclare à Euronews Lucia Yar, membre du Parlement européen pour le parti libéral d'opposition Slovaquie progressiste.

"Les gens réagissent, l'opposition réagit, et nous devons tous nous élever contre ce qui se passe", ajoute-t-elle.

Le parti Slovaquie progressiste appelle à la tenue de deux sessions parlementaires extraordinaires à Bratislava la semaine prochaine, qui pourraient donner lieu à un vote de défiance contre les ministres Martina Šimkovičová et Boris Susko.

"Les raisons sont évidentes", affirme Lucia Yar. "La Slovaquie est fondamentalement attaquée par son propre gouvernement".

Des tensions au sein du gouvernement

Le parti Smer de Robert Fico et ses alliés de la coalition détiennent actuellement 79 des 150 sièges du Parlement, ce qui signifie qu'un vote de défiance a peu de chances d'aboutir. Mais Lucia Yar a déclaré à Euronews que le mécontentement couvait également dans les rangs du gouvernement.

"Nous entendons dire que plusieurs personnes au sein du gouvernement ne sont pas satisfaites de cette situation, parce que ces mesures sont certainement sans précédent pour le pays", explique-t-elle.

Le Premier ministre slovaque Robert Fico arrive à une table ronde lors d'un sommet de l'UE à Bruxelles, le 1er février 2024.
Le Premier ministre slovaque Robert Fico arrive à une table ronde lors d'un sommet de l'UE à Bruxelles, le 1er février 2024.Geert Vanden Wijngaert/Copyright 2024 The AP. All rights reserved

Une autre eurodéputée de Slovaquie progressiste, Veronika Cifrová Ostrihoňová, a déclaré à Euronews que ces manifestations étaient une réponse de la population à des mois d'efforts systématiques pour saper l'État de droit.

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"Il ne s'agit pas d'une seule chose, mais d'une révision radicale [par Robert Fico] de l'ensemble du système", affirme-t-elle, ajoutant que Bruxelles devait rester vigilante face aux violations continues des principes de l'État de droit en Slovaquie.

À propos de la libération de l'ancien procureur spécial Dušan Kováčik sous l'impulsion du gouvernement, elle déclare : "Cela va directement à l'encontre de la séparation des pouvoirs qui devrait être en place dans un pays membre de l'Union européenne".

Des inquiétudes croissantes quant au recul de la démocratie

Ce n'est pas la première fois que le Premier ministre slovaque fait face à des manifestations de masse contre son gouvernement.

En 2018, Robert Fico a été contraint de démissionner au milieu d'une vague de protestations de masse suite au meurtre du journaliste d'investigation Ján Kuciak et de sa compagne, Martina Kušnírová.

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Aujourd'hui, les manifestants témoignent d'une inquiétude croissante quant au recul de la démocratie depuis que Robert Fico est revenu au pouvoir en tant que Premier ministre - pour la troisième fois de sa carrière politique - en octobre dernier.

Nationaliste de gauche, l'homme politique slovaque a mis en place des mesures farouchement nationalistes et a exprimé des positions sceptiques à l'égard de l'Occident, tout en parvenant à éviter de graves répercussions de la part de Bruxelles.

Au mois de mai, Robert Fico a survécu de justesse à une tentative d'assassinat, lorsqu'il a reçu une balle dans l'estomac à bout portant alors qu'il saluait des partisans dans la ville de Handlová.

Ces derniers mois, il a fait adopter des réformes judiciaires controversées, en particulier des modifications du Code pénal et la dissolution du bureau du procureur spécial. Ces mesures ont suscité de vives condamnations et des manifestations pendant l'hiver.

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Le gouvernement a également été critiqué pour sa refonte du radiodiffuseur public RTVS - qui, selon le Premier ministre, était utilisé comme une arme contre son exécutif - afin de créer un nouvel organisme, le SVTR. Ce remaniement a toutefois été adouci à la suite des critiques de Bruxelles.

L'Union européenne va-t-elle sévir contre Robert Fico ?

La Commission européenne a jusqu'à présent rejeté les spéculations selon lesquelles elle envisageait de geler les fonds européens destinés à la Slovaquie en réponse aux actions du gouvernement de Robert Fico - comme elle l'a fait par le passé pour réprimander le gouvernement de Viktor Orbán en Hongrie - déclarant en juillet qu'elle donnait la priorité au "dialogue".

Mais les experts estiment qu'il est de plus en plus difficile pour Bruxelles de fermer les yeux sur les réformes en cours en Slovaquie.

"La Commission européenne a fait très attention à ne pas attaquer le gouvernement slovaque, et cela est d'autant beaucoup plus difficile depuis la récente tentative d'assassinat sur Robert Fico lui-même", déclare à Euronews Anton Spisak, analyste politique au Centre pour la réforme européenne.

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"La Commission doit trouver le juste équilibre afin de critiquer légitimement les actions du gouvernement - qui vont à l'encontre de certains des principes fondamentaux de l'UE - sans céder à la haine contre Robert Fico lui-même".

"Mais je pense qu'avec ces dernières actions, qui semblent être une attaque très flagrante contre les institutions de l'État, la Commission européenne devra agir tôt ou tard", conclut-il.

Euronews a contacté la Commission européenne pour obtenir un commentaire, mais n'a pas encore reçu de réponse.

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