Les ministres des Finances scellent la réforme des règles budgétaires de l'UE

L'accord de l'UE sur la réforme des règles fiscales n'a été possible que lorsque l'Allemagne et la France ont trouvé un compromis.
L'accord de l'UE sur la réforme des règles fiscales n'a été possible que lorsque l'Allemagne et la France ont trouvé un compromis. Tous droits réservés Aurelien Morissard/Copyright 2022 The AP. All rights reserved
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Par Jorge LiboreiroMaria Psara
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Cet article a été initialement publié en anglais

Les 27 ministres de l'Economie et des Finances ont scellé mercredi un accord pour réformer les règles budgétaires de l'UE, une avancée rendue possible grâce à l'Allemagne et à la France, qui ont trouvé un terrain d'entente.

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Pendant des mois, l’Allemagne et la France étaient assises aux côtés opposés de la table. La première faisant pression pour des sauvegardes automatiques afin de réduire les niveaux de la dette et la seconde plaidant pour une plus grande flexibilité afin de créer suffisamment d'espace pour les dépenses dans les secteurs stratégiques.

Les deux ministres des Finances, Christian Lindner et Bruno Le Maire, ont intensifié ces dernières semaines les contacts bilatéraux pour tenter de sortir de l'impasse. Ces efforts se sont concrétisés mardi soir, lorsque les deux hommes se sont rencontrés à Paris et ont annoncé un compromis. Bruno Le Maire s'est ensuite entretenu avec son homologue italien, Giancarlo Giorgetti, afin de s'assurer que les trois premières puissances économiques de l'Union européenne étaient d'accord.

"Nous avons trouvé le bon équilibre", a assuré le ministre français au côté de son homologue allemand.

"Nous avons besoin de finances publiques durables partout en Europe. D'un autre côté, il est également nécessaire, et tout le monde en est conscient, d'investir davantage dans la transition climatique et dans la défense".

"Nous avons parcouru un long chemin", a-t-il ajouté, "il y a un an, nos positions étaient radicalement différentes. Grâce au travail acharné que nous avons réalisé ensemble, avec le soutien de nombreux États membres, dont l'Italie (...), nous sommes parvenus à cet accord."

Christian Linder a assuré que son pays, qui traverse une crise budgétaire à la suite d'un arrêt de la Cour constitutionnelle, n'aurait jamais accepté "des règles qui ne sont pas strictes".

"Strictes dans le sens où (les règles) sont crédibles, suffisantes et efficaces pour conduire à des niveaux de dette plus bas et à des voies fiables vers des déficits plus bas", a insisté le ministre allemand. "Les anciennes règles étaient strictes sur le papier mais pas dans leur application".

Le compromis franco-allemand a permis aux 27 de sceller un accord préliminaire lors d'une vidéoconférence mercredi soir.

En prévision de cette réunion virtuelle, l'Espagne, qui assure actuellement la présidence tournante du Conseil de l’UE, avait préparé un texte juridique amendé qui réduisait au strict minimum le nombre de questions en suspens.

Seuls deux éléments restaient à décider : la vitesse à laquelle les pays doivent se conformer à l'objectif de déficit et l'écart maximal autorisé par rapport à leurs engagements budgétaires.

La réforme doit encore être négociée avec le Parlement européen, un processus qui devrait être relativement rapide pour que le nouveau cadre soit en place au moment où les gouvernements élaborent leurs prochains budgets.

Une réforme attendue

Les règles budgétaires remontent à la fin des années 1990. Elles obligent les États membres à maintenir leur déficit budgétaire en dessous de 3 % du produit intérieur brut (PIB) et leur niveau de dette publique en dessous de 60 % du PIB. Ces seuils sont actuellement dépassés par de nombreuses capitales après des années d'injection massive d'argent pour amortir l'impact de crises successives.

La réforme, proposée en avril par la Commission européenne, ne touche pas aux objectifs de 3 % et de 60 %, que certains économistes considèrent comme arbitraires et obsolètes. Mais elle apporte des modifications dans la manière dont ces deux chiffres doivent être atteints.

Chaque État membre devra élaborer un plan budgétaire à moyen terme pour réduire son déficit à un rythme crédible et placer sa dette sur une "trajectoire descendante plausible". Les plans spécifiques à chaque pays seront d'abord négociés entre la Commission européenne et les capitales sur la base d'une "trajectoire technique" fournie par Bruxelles, puis approuvés par le Conseil.

Les ajustements budgétaires nécessaires pour atteindre - ou du moins se rapprocher - des seuils de 3 % et de 60 % seront réalisés sur quatre ans et pourraient être étendus à sept ans en échange de nouvelles réformes et de nouveaux investissements.

Tout au long du processus, l'Allemagne, aidée par des pays "frugaux" comme les Pays-Bas, l'Autriche, la Suède et le Danemark, a insisté sur le fait que les ajustements devaient être associés à des mesures homogènes afin de garantir une réduction annuelle des niveaux d'endettement et de déficit.

La France, dont la dette dépasse les 90 %, s'est opposée à cette approche. Elle faisait valoir que des normes automatiques seraient contre-productives, décourageraient les investissements dans les secteurs stratégiques et étoufferaient la croissance économique.

Le va-et-vient entre Paris et Berlin a dominé pendant plus de huit mois le débat, laissant les autres capitales attendre une percée franco-allemande avant de pouvoir avancer ensemble.

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Mais il fallait une solution rapidement. La réforme devait être adoptée avant la fin de l'année, car les règles précédentes devraient être réactivées le 1er janvier, après avoir été suspendues en mars 2020 pour faire face au choc de la pandémie de Covid-19.

L'accord préliminaire conclu mercredi inclut une grande partie, voire la totalité, des principales demandes formulées par l'Allemagne, qui disposait d'un plus grand nombre d'alliés que la France et donc d'un pouvoir de négociation plus important.

Les règles réformées seront soutenues par deux sauvegardes numériques, l'une basée sur la dette et l'autre sur le déficit.

En outre, les États membres qui franchissent les seuils contraignants et s'écartent des engagements pris dans le cadre de leurs plans à moyen terme seront soumis par défaut à la procédure de déficit excessif. Le lancement de ce processus donnera lieu à des amendes si l'infraction persiste. Les amendes seront progressives afin de les rendre plus crédibles et, surtout, elles ne seront pas plafonnées.

La France a toutefois obtenu une disposition qui vise à établir une "marge de résilience" dans la sauvegarde du déficit, qui permettra aux pays qui ne respectent pas l'objectif de 3 % de créer des "tampons budgétaires" pour faire face aux chocs économiques. Ce mécanisme garantira que les dépenses stratégiques pourront être maintenues à tout moment, même dans des conditions défavorables.

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La hausse des taux d'intérêt sera prise en compte avant que la Commission ne lance une procédure pour déficit excessif, une autre victoire pour Paris.

D'autre part, l'Italie, qui partageait les préoccupations françaises, a obtenu une référence explicite à la prise en compte des dépenses publiques provenant des projets de défense et de la facilité pour la relance et la résilience. Rome est de loin le principal bénéficiaire de ce mécanisme, avec un total de 122,6 milliards d'euros de prêts et 71,8 milliards d'euros de subventions.

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