Israël-Hamas : comment les marchés financiers sont-ils impactés par ce conflit ?

Photo d'archives de la ville de Gaza avec le concept d'investissement ajouté.
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Par Doloresz Katanich
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Cet article a été initialement publié en anglais

Selon les analystes, les investissements liés à l'énergie et à la défense devraient produire des bénéfices au cours des 12 à 18 prochains mois.

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Quelques semaines après l'attaque du Hamas contre Israël - qui a provoqué des représailles de la part d'Israël et fait craindre une catastrophe humanitaire à Gaza - le choc immédiat, que l'assaut a eu sur les marchés, semble se dissiper.

Cependant, compte tenu de l'impact considérable que l'instabilité au Moyen-Orient peut avoir sur l'économie mondiale, une question pressante se pose pour les investisseurs : quels sont les investissements qui constituent une option sûre face au risque d'escalade des conflits dans la région ?

BCA Research, une société internationale de stratégie d'investissement, estime que la réponse se trouve dans les investissements liés au pétrole et à la défense.

La guerre entre Israël et le Hamas risque de s'étendre aux frontières de Gaza au cours des 12 prochains mois, provoquant un choc pétrolier important - une prévision qui semble de plus en plus possible après les informations selon lesquelles l'armée américaine a frappé les milices soutenues par l'Iran en Syrie, dans un acte autoproclamé de légitime défense.

BCA Research a estimé à 45 % la probabilité que le conflit entraîne le Hezbollah et d'autres groupes militants au Liban et en Syrie.

Matt Gertken, stratège géopolitique en chef à BCA Research, affirme qu'il existe un risque important que les combats s'étendent jusqu'à impliquer ouvertement l'Iran dans le conflit, même si c'est peu probable dans l'ensemble.

"Les États-Unis ne veulent pas d'une confrontation à grande échelle avec l'Iran. Ils ne veulent pas interrompre le flux de pétrole", indique-t-il. "Les Iraniens partagent également un intérêt avec les États-Unis. Mais la probabilité reste d'un tiers. C'est toujours un risque très élevé pour l'économie mondiale".

Comment les investissements dans le pétrole et la défense peuvent-ils surperformer ?

Avec une escalade potentielle de la guerre, il y a un risque élevé de flambée des prix du pétrole dans les 12 à 18 prochains mois, selon BCA Research.

La guerre à Gaza ne sera pas la seule cause estime l'entreprise : la Russie, toujours sous le coup des sanctions occidentales liées à la poursuite de l'invasion de l'Ukraine, est également susceptible de réduire sa production de pétrole.

"Les contraintes qui pèsent sur la chaîne d'approvisionnement pourraient faire grimper les prix du pétrole", explique Matt Gertken.

Mais le pétrole n'est pas le seul marché susceptible de prendre de la valeur : BCA Research mise également sur le secteur de la défense.

Le stratège en chef de BCA Research note que les États-Unis augmentent leurs dépenses de défense pour protéger leurs alliés, et que l'Europe alloue également davantage de fonds à la défense, ce qui constitue des signes prometteurs d'augmentation des bénéfices pour les investisseurs.

Matt Gertken a toutefois prévenu que les actions des secteurs de la défense et de l'énergie "doivent être considérées par rapport à d'autres actions cycliques"(actions dont le prix est influencé par les performances de l'économie, ndlr).

Étant donné que les perspectives économiques mondiales actuelles, y compris celles du FMI, suggèrent un ralentissement de la croissance du PIB pour l'année à venir, les actions dites cycliques sont confrontées à une performance plus faible par rapport à 2023.

"Toutefois, dans cette catégorie, les valeurs liées à l'énergie et à la défense sont susceptibles de sur-performer", affirme Matt Gertken.

Quelles sont les attentes du marché ?

Au fur et à mesure de l'évolution de la situation en Israël et à Gaza, les investisseurs se sont tournés vers les valeurs refuges, telles que l'or et les bons du Trésor américain.

Pourtant, l'impact de la guerre sur les marchés financiers mondiaux et les prix du pétrole a été modéré jusqu'à présent.

L'absence de changements volatils sur le marché du pétrole est le résultat de deux effets opposés.

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Osama Rizvi, analyste économique et énergétique pour Primary Vision Network, indique que les prix du pétrole étaient sur le point de baisser (en raison d'un ralentissement de l'économie mondiale qui a réduit la demande de pétrole), juste avant le début de la guerre entre Israël et le Hamas.

De nombreux grands investisseurs tiennent encore compte de cette perspective : les principaux fonds spéculatifs et gestionnaires de fonds détournent des pans entiers de leurs investissements du pétrole.

La semaine dernière, ils ont réduit de moitié leurs investissements à long terme dans le pétrole, réduisant leurs contrats d'achat de pétrole d'environ 398 millions de barils à environ 197 millions.

"C'est le rythme le plus rapide de la décennie précédente", affirme Osama Rizvi.

Dans le même temps, les prix du pétrole ont également été poussés à la hausse par les investisseurs qui ont parié sur une escalade de la guerre au Moyen-Orient, ce qui aurait eu pour effet de limiter l'offre et d'augmenter encore les prix.

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Le Fonds monétaire international avertit que les États arabes du Golfe, riches en énergie, pourraient brûler toutes leurs économies au cours des 15 prochaines années
Le Fonds monétaire international avertit que les États arabes du Golfe, riches en énergie, pourraient brûler toutes leurs économies au cours des 15 prochaines annéesHasan Jamali/Copyright 2016 The AP. All rights reserved.

Pour ce qui est de la prochaine période, Osama Rizvi pense qu'il n'y aura pas de grandes surprises. En supposant que la guerre reste confinée à ses frontières actuelles, il ne s'attend pas à une hausse supérieure à 3 ou 4 dollars des prix du pétrole Brent.

Toutefois, si l'Iran entre en jeu par le biais d'une guerre par procuration et bloque l'accès à ses 700 000 barils de pétrole par an, il est probable qu'il y aura un bond de 10 dollars, selon l'analyste.

Le troisième scénario est le plus inquiétant : une guerre totale impliquant des puissances majeures comme les États-Unis, où Israël est en conflit direct avec l'Iran.

"Si cela se produit, selon Bloomberg Economics, cela pourrait réduire le PIB mondial de près de 1 000 milliards de dollars, ce qui ferait basculer l'économie mondiale dans la récession, et les prix du pétrole pourraient atteindre 150 dollars, voire plus", souligne Osama Rizvi.

En quoi cette crise au Moyen-Orient diffère-t-elle des autres ?

Au vu des crises précédentes au Moyen-Orient, tout le monde n'est pas convaincu que la situation va vraiment s'aggraver et provoquer des chocs pétroliers.

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Toutefois, il existe aujourd'hui une "différence majeure" sur le plan géopolitique qui fait que la guerre actuelle est différente de celles qui l'ont précédée, selon Matt Gertken.

Un missile est présenté lors d'une exposition sur la guerre Iran-Irak de 1980-88, dans un parc, au nord de Téhéran, Iran, jeudi 25 septembre 2014
Un missile est présenté lors d'une exposition sur la guerre Iran-Irak de 1980-88, dans un parc, au nord de Téhéran, Iran, jeudi 25 septembre 2014Vahid Salemi/AP

"Je pense que l'élément le plus sous-estimé de ce conflit est que l'Iran a acquis une capacité nucléaire. Il s'agit donc d'une crise du Moyen-Orient différente des précédentes", assure-t-il.

Il explique que la question sous-jacente d'un point de vue stratégique est de savoir si les États-Unis et Israël sont prêts à permettre à l'Iran de posséder à la fois des combattants par procuration et des armes nucléaires qui pourraient avoir un impact sur la région.

"En d'autres termes, l'Iran doit-il posséder des armes nucléaires et le Hezbollah, ou doit-il se contenter d'une seule de ces deux choses ? C'est la raison pour laquelle je pense qu'il s'agit d'un moment important et dangereux", ajoute Matt Gertken. 

Comment les perspectives mondiales poussent les investisseurs à agir

Même si un conflit potentiel avec l'Iran est contenu, la possibilité d'une récession de l'économie américaine au cours des 12 à 18 prochains mois reste envisageable, selon BCA Research.

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Le cabinet s'attend à ce que l'inflation globale ou l'inflation énergétique soit trop élevée pour permettre à la Réserve fédérale américaine (ou Fed, la banque centrale américaine) de commencer à réduire les taux d'intérêt.

Cette situation, associée aux prix élevés de l'énergie, comprime la demande et pèse sur l'économie, explique Matt Gertken.

L'un des principaux indicateurs permettant de savoir si les États-Unis sont confrontés à une récession - qui, selon Matt Gertken, devrait s'étendre de 2024 à début 2025 - est le taux de chômage.

"Si le taux de chômage américain commence à augmenter au cours des six prochains mois, la première chose qu'il fait est d'indiquer aux investisseurs que les États-Unis entrent en récession", déclare-t-il. "Il est très probable que l'Europe entre en récession et que l'économie chinoise soit faible".

Matt Gertken fait également remarquer que le moment où une éventuelle récession se produit aux États-Unis peut avoir un impact considérable sur les résultats des élections dans ce pays et, par conséquent, sur la stabilité mondiale. Il explique qu'une récession survenant avant les élections réduirait les chances de réélection du parti démocrate.

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"Ce qui a le plus d'impact sur la stabilité mondiale, c'est le changement de parti politique aux États-Unis", assure Matt Gertken.

Quels sont les investissements à l'abri de la crise ?

L'augmentation des risques géopolitiques fait généralement grimper le prix de l'or et du dollar - les investisseurs ont tendance à placer presque automatiquement leur argent dans ces actifs parce qu'ils sont susceptibles de résister aux crises mondiales.

L'or a longtemps résisté aux chocs géopolitiques et, récemment, malgré la hausse des taux d'intérêt réels, son prix est resté relativement élevé.

Selon Matt Gertken, cela s'explique notamment par le fait que des pays comme la Russie et la Chine, qui se préparent à une confrontation commerciale avec les États-Unis, stockent de l'or.

"Cela ajoute un vent arrière", explique-t-il.

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Des employés de la maison d'or ProAurum préparent des barres d'or de 0,5 kg d'une pureté de 999,9 dans la salle des coffres-forts à Munich, en Allemagne, le 13/12/2018
Des employés de la maison d'or ProAurum préparent des barres d'or de 0,5 kg d'une pureté de 999,9 dans la salle des coffres-forts à Munich, en Allemagne, le 13/12/2018Matthias Schrader/Copyright 2018 The AP. All rights reserved.

Les investissements en dollars pourraient connaître des baisses temporaires, car la monnaie s'échange à l'inverse du pétrole, mais fondamentalement, ils sont considérés comme une valeur refuge.

Les devises telles que le yen japonais et le franc suisse sont également des choix solides en cas de crise, tout comme les rendements du Trésor américain.

Le marché obligataire a récemment connu une forte liquidation, mais Matt Gertken pense que ces investissements vont commencer à attirer davantage de flux financiers.

"Je pense que les obligations peuvent en fait s'en sortir assez bien parce que l'inflation diminue", explique-t-il. "Je pense que les obligations restent des valeurs refuges et je pense en particulier que les obligations des marchés développés, et les États-Unis font partie de cette catégorie".

Pour les investisseurs qui se projettent au-delà des 12 prochains mois, les matières premières pourraient également offrir de bons rendements. L'argent et le cuivre, suggère Osama Rizvi, sont potentiellement de bons investissements, ajoutant que ces deux matières premières connaissent généralement une demande croissante et une hausse des prix lorsque les économies se portent bien.

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"Étant donné la situation de l'économie mondiale, si l'on prend une position sur le cuivre, à la baisse, cela peut donner de bons rendements à l'avenir", déclare-t-il.  "Car tout cela (la croissance économique limitée actuelle, ndlr) devra se terminer à un moment donné en 2024 ou 2025, lorsque la Fed commencera à assouplir sa politique monétaire."

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