Antony Blinken : Pékin "joue sur deux tableaux" concernant la Russie

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Par Efi Koutsokosta
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À Bruxelles, le secrétaire d'État américain Antony Blinken a estimé que la Suède pourrait rejoindre l'OTAN d'ici juillet et appelé la Chine à clarifier sa position à l'égard de la Russie en utilisant son influence auprès d'elle pour parvenir à la paix.

Alors que la Finlande a intégré l'OTAN, la guerre en Ukraine se poursuit et le rôle de la Chine interpelle. Des questions évoquées par le secrétaire d'État américain Antony Blinken dans une interview exclusive à Euronews à l'issue d'une réunion des ministres des Affaires étrangères de l'Alliance atlantique le 5 avril. Il estime que la Suède pourrait rejoindre l'OTAN d'ici juillet et appelle la Chine à clarifier sa position à l'égard de la Russie en "utilisant son influence" auprès d'elle pour "parvenir à la paix".

Efi Koutsokosta, Euronews :

"La Finlande a fini par intégrer l'OTAN, mais dans le même temps, la Suède reste à l'écart. Y a-t-il une chance qu'elle aussi rejoigne l'Alliance prochainement ? Ou est-ce perdu d'avance ?"

Antony Blinken, secrétaire d'État américain :

"Oh, non. Je suis convaincu que cela se fera. Cela se fera prochainement. Je pense que d'ici au sommet de Vilnius, le sommet des dirigeants de l'OTAN qui aura lieu en juillet, la Suède se joindra à la Finlande en tant que nouveaux membres de l'OTAN."

"La Suède devrait intégrer l'OTAN dès que possible"

Efi Koutsokosta :

"Cela dépend-il des élections en Turquie selon vous ?"

Antony Blinken :

"Il y a un processus qui existe. Et bien sûr, quasiment tous les pays de l'OTAN ont déjà ratifié l'adhésion de la Suède. La Turquie et la Hongrie ne l'ont pas encore fait. Mais si je me fie à ce que j'ai entendu de la part de presque tous les alliés lors des réunions que nous avons eues [sur les deux jours de la réunion de l'Alliance atlantique], la Suède devrait faire comme la Finlande dès que possible et je pense qu'avec le sommet des dirigeants qui se tiendra prochainement à Vilnius, je m'attends à ce que ce processus soit achevé d'ici là."

"La Turquie a travaillé efficacement avec la Finlande et la Suède"

Efi Koutsokosta :

"Êtes-vous contrarié par la position de la Turquie qui cherche à retarder, voire à bloquer l'élargissement de l'OTAN ?"

Antony Blinken :

"La Turquie a des intérêts légitimes et elle a travaillé directement et efficacement avec la Finlande et la Suède pour tenter de répondre à certains de ces intérêts et préoccupations. Je pense que la réussite de ce processus s'est manifestée par l'adhésion de la Finlande à l'OTAN. Et encore une fois, je m'attends à ce qu'il en soit de même pour la Suède dans les semaines et les mois à venir - en tout état de cause, je pense, d'ici au sommet de Vilnius -."

Efi Koutsokosta :

"Mais avez-vous le sentiment que la Turquie utilise cela pour obtenir quelque chose des États-Unis, probablement des avions de chasse F-16 ? C'est quelque chose dont on entend parler constamment."

Antony Blinken :

"Pour nous, c'est une question totalement distincte. Nous sommes favorables à ce que la Turquie se dote d'un programme d'amélioration des F-16 avec l'acquisition de nouveaux appareils et la modernisation de ceux qu'elle possède déjà. Pour nous, pour l'administration Biden, cette question est indépendante du processus d'adhésion à l'OTAN ou de toute autre question."

"La Chine devrait se concentrer sur les efforts pour convaincre la Russie de respecter la souveraineté de l'Ukraine"

Efi Koutsokosta :

"Passons à la Chine. Le président chinois Xi Jinping a rendu visite à Vladimir Poutine à Moscou, avec un plan de paix en main. Cela dit, la Chine a déclaré jusqu'à présent qu'elle souhaitait rester neutre dans cette guerre. Pensez-vous que cette position sera amenée à évoluer ?"

Antony Blinken :

"Il y a plusieurs éléments à évoquer ici. Tout d'abord, concernant les propositions de paix que les Chinois ont mises sur la table, certaines d'entre elles sont positives, effectivement. Elles correspondent à ce que la Chine dit depuis longtemps et que beaucoup d'entre nous disent depuis longtemps. Mais le tout premier élément de ce qu'elle a mis sur la table - la souveraineté - devrait être le point central et la Chine devrait se concentrer sur les efforts pour convaincre la Russie de respecter réellement la souveraineté de l'Ukraine et de restituer le territoire dont elle s'est emparée par la force, en violation de la Charte des Nations Unies, en violation de la souveraineté de l'Ukraine. Je pense que la Chine essaie également de jouer sur deux tableaux. Elle veut être perçue comme essayant de promouvoir la paix et en même temps, elle continue à soutenir la Russie de différentes manières, en plaidant sa cause de manière formelle au sein des institutions internationales, en promouvant la propagande russe sur l'agression et comme nous l'avons dit il y a quelques semaines, elle envisage même de fournir à la Russie, un soutien létal."

"La Russie est le partenaire "junior" de la Chine"

Efi Koutsokosta :

"Mais à l'heure où nous parlons, le président français Emmanuel Macron et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, sont à Pékin. Ils ont déclaré avoir pour objectif d'inciter la Chine, d'une manière ou d'une autre, à exercer une plus grande pression sur la Russie. Que peuvent-ils obtenir selon vous ?"

Antony Blinken :

"La Chine entretient avec la Russie, des relations qui lui confèrent une certaine influence. Je ne veux pas l'exagérer, mais cela lui donne une certaine influence sur la Russie. La Russie est de plus en plus dépendante de la Chine. Elle est le partenaire "junior" dans cette relation, mais elle est de plus en plus dépendante de la Chine. Nous espérons donc que la Chine utilisera l'écoute que la Russie lui prête - dans la mesure où elle a une influence, l'influence qu'elle a - pour parvenir à une paix juste et durable."

"Maintenir les relations économiques avec la Chine, mais réduire les risques" comme le dit Ursula von der Leyen

Efi Koutsokosta :

"Que pensez-vous de la nouvelle approche de l'Union européenne et du message adressé par Ursula von der Leyen de ne pas découpler les liens avec la Chine, mais de réduire les risques ?"

Antony Blinken :

"Le discours de la présidente Ursula von der Leyen était très fort et en cohérence totale avec notre approche à l'égard de la Chine et avec celle de nombreux partenaires et alliés et elle a parfaitement raison. Il ne s'agit pas de découpler, mais de réduire les risques. C'est, par exemple, le cas en matière de relations économiques. Oui, il faut les maintenir parce qu'elles sont importantes pour nous tous, mais aussi s'assurer de réduire les risques dans les secteurs critiques où notre sécurité pourrait être menacée. Nous avons tous des relations à la fois, compliquées et très importantes, avec la Chine et je pense que ce que nous avons vu ces deux dernières années, c'est une convergence croissante entre les États-Unis et l'Union européenne, ainsi qu'avec des partenaires clés en Asie, dans la façon dont nous abordons les relations avec la Chine."

Efi Koutsokosta :

"Nous assistons également à une forme d'escalade à Taïwan et dans cette région. À quel point sommes-nous proches d'un conflit entre superpuissances ? Je parle ici des relations entre la Chine et les États-Unis."

Antony Blinken :

"Nous avons été très clairs sur le fait que nous ne voulons pas, nous ne cherchons pas un conflit. Nous n'essayons pas de contenir la Chine. Au contraire, nous voulons préserver la paix, la stabilité et créer des opportunités. En ce qui concerne Taïwan, notre politique est la même depuis des décennies. Tout différend entre la Chine continentale et Taïwan doit être résolu pacifiquement. Aucune des deux parties ne doit faire quoi que ce soit pour perturber le statu quo, ni prendre des mesures unilatérales qui le feraient."

"Si une crise devait résulter des actions de la Chine à l'égard de Taïwan, il y aurait des répercussions pour tous les pays de la planète"

Efi Koutsokosta :

"Est-ce en train de changer actuellement ?"

Antony Blinken :

"De notre point de vue, la balle est dans le camp de Pékin. Je pense que l'inquiétude - et je l'ai entendu lors de conversations avec bon nombre de nos alliés de l'OTAN et avec nos partenaires en Asie -, c'est que si une crise devait résulter des actions de la Chine à l'égard de Taïwan, il y aurait des répercussions pour tous les pays de la planète. 50% du trafic commercial mondial passe par le détroit de Taïwan chaque jour, 70% des semi-conducteurs dont nous avons besoin pour nos smartphones, nos lave-vaisselle, nos voitures sont fabriqués à Taïwan. Si une crise, quelle qu'elle soit, survenait à la suite d'une action de la Chine, cela aurait des effets terriblement perturbateurs sur l'économie mondiale. C'est pourquoi les pays du monde entier attendent de chacun qu'il se comporte et agisse de manière responsable. En ce qui concerne les États-Unis, nous sommes déterminés à nous assurer que nous gérons nos relations avec la Chine de manière responsable. C'est ce que les autres pays attendent et que nous cherchons à faire. Encore une fois, personne ne cherche le conflit, bien au contraire. Nous voulons nous assurer de l'éviter et oui, nous sommes en concurrence. Il n'y a rien de mal à la concurrence tant qu'elle est loyale. Mais nous voulons nous assurer que cette concurrence ne vire pas au conflit."

Journaliste • Efi Koutsokosta

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