Où en est-on dans la réalisation des Objectifs de développement durable ?

Le secrétaire d'État américain Antony Blinken s'exprime lors du sommet des Nations unies sur les objectifs de développement durable, dans le cadre de la 78e Assemblée générale des Nations unies, le 19 septembre 2023.
Le secrétaire d'État américain Antony Blinken s'exprime lors du sommet des Nations unies sur les objectifs de développement durable, dans le cadre de la 78e Assemblée générale des Nations unies, le 19 septembre 2023. Tous droits réservés Caitlin Ochs/Pool via AP
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Par Charlotte Elton
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Cet article a été initialement publié en anglais

Le développement durable est-il un oxymore ? Huit ans après le lancement des objectifs du Millénaire pour le développement, peu de progrès ont été réalisés.

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Les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies affichent de grandes ambitions.

Les 17 Objectifs de développement durable- et les centaines de cibles qu'ils englobent - visent à "libérer l'espèce humaine de la tyrannie de la pauvreté et du besoin et à guérir et sécuriser notre planète".

De la réduction des inégalités sociales à la construction de nouveaux hôpitaux en passant par une décarbonisation rapide, l'ensemble des objectifs vise à "transformer" le monde pour les générations futures.

En septembre 2015, les dirigeants de 193 pays ont défini ce programme. D'ici à 2030, les Nations unies veulent mettre fin à la faim, offrir gratuitement à tous les enfants une éducation de qualité, réduire de moitié l'extrême pauvreté et étendre rapidement le déploiement des énergies renouvelables.

Mais huit ans après leur lancement, nous sommes à la traîne sur plusieurs indicateurs clés, en particulier lorsqu'il s'agit de "guérir la planète".

Pourquoi sommes-nous à la traîne et qu'est-ce qui doit changer ?

Les Objectifs de développement durable sont-ils sur la bonne voie ?

Personne ne conteste l'importance de mettre fin à la pauvreté et aux inégalités. Mais les progrès sont au point mort dans ces domaines clés, avertit le Secrétaire général des Nations unies, António Guterres.

"La faim a augmenté et a retrouvé son niveau de 2005. L'égalité entre les hommes et les femmes ne sera atteinte que dans 300 ans. Vingt-six personnes seulement possèdent la même richesse que la moitié de la population mondiale", a-t-il déclaré en avril.

Le rapport sur l'état d'avancement des Objectifs de développement durable publié en avril montre que seuls 12 % des Objectifs de développement durable sont en bonne voie de réalisation.

La situation environnementale est particulièrement désastreuse.

Enric Sala/National Geographic Pristine
Les ODD appellent à une action urgente pour lutter contre le réchauffement climatique, préserver les océans et encourager une consommation responsableEnric Sala/National Geographic Pristine

Les Objectifs de développement durable appellent à une action urgente pour lutter contre le réchauffement climatique, préserver les océans et encourager une consommation responsable.

Pourtant, les concentrations de dioxyde de carbone n'ont jamais été aussi élevées depuis deux millions d'années, et plus d'une espèce sur cinq est aujourd'hui menacée d'extinction.

"Notre guerre contre la nature s'accélère. Les émissions continuent d'augmenter - de manière incroyable", a affirmé António Guterres.

Ces échecs sont en partie imputables à un manque de financement - décrit par les Nations unies comme un "trou noir financier" - dû à une inflation mondiale galopante.

Avant la pandémie, le déficit annuel de financement des ODD était de 2,3 milliards d'euros. Selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ce chiffre s'élève aujourd'hui à au moins 3,7 milliards d'euros. Les engagements en matière de financement de la lutte contre le changement climatique, en particulier, sont bien en deçà des niveaux promis, et le financement des pertes et dommages n'est pas au rendez-vous.

Lorsqu'il s'agit d'imposer le financement des Objectifs de développement durable, les Nations unies ne disposent pas d'un très gros bâton à brandir. Les Objectifs de développement durable ne sont pas juridiquement contraignants.

Selon une étude publiée en 2021, il y a "peu de preuves" que les gouvernements poursuivent activement les Objectifs de développement durable.

"Nos recherches ont montré que les ODD n'ont pas d'impact significatif sur les systèmes politiques", affirme Frank Biermann, professeur à l'université d'Utrecht et auteur principal de l'étude 2021.

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En l'absence d'incitation législative ou de financement adéquat, il est difficile de transformer les belles paroles en actions.

Les Objectifs de développement durable peuvent-ils devenir une forme d'écoblanchiment ?

Bon nombre d'objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) expriment de nobles ambitions. Mais le risque est qu'ils deviennent une forme d'écoblanchiment, un cheval de Troie pour des pratiques non durables.

"De simples discours peuvent se retourner contre eux-mêmes en conférant une légitimité à des comportements non durables, permettant aux dirigeants d'entreprise de brandir les drapeaux colorés des ODD tout en privilégiant les profits par-dessus tout", écrit Frank Biermann dans un article pour "The Conversation" (ndlr: les 17 ODD ont chacun une représentation graphique propre).

De simples discours peuvent se retourner contre eux en conférant une légitimité à des comportements non durables.

Selon le professeur Karl Johan Bonnedahl de l'université d'Umeå, les objectifs du Millénaire pour le développement témoignent également d'un courant de pensée "dominant" sur la crise climatique.

En bref, il s'agit de l'idée que nous pouvons continuer à poursuivre une croissance effrénée tout en sauvant la planète.

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"Dans l'Agenda 2030 des Nations unies, il y a un engagement à réaliser le développement durable 'dans ses trois dimensions - économique, sociale et environnementale - de manière équilibrée'", explique Karl Johan Bonnedahl.

"Mais l'idée d' "équilibre" est impossible ici...il y a des conflits entre certains des objectifs", ajoute-t-il.

Mohamed Sheikh Nor/AP
Des Somaliens déplacés par la sécheresse font la queue pour remplir des jerrycans d'eau.Mohamed Sheikh Nor/AP

Par exemple, la construction d'un immense projet routier pourrait aider un pays à atteindre l'objectif 8, qui demande aux gouvernements de "soutenir la croissance économique par habitant". Mais un tel projet d'infrastructure pourrait aussi causer des ravages dans l'écosystème local et augmenter les émissions en encourageant la conduite automobile.

Souvent, les pays qui obtiennent les meilleurs résultats dans l'indice des ODD - le système de classement des pays en fonction de leur performance globale en matière d'objectifs de développement durable - ont des empreintes écologiques considérables.

La Finlande, par exemple, est en tête de l'indice des Objectifs de développement durable. Mais les Finlandais consomment environ 29,5 tonnes de produits chaque année. Nous aurions besoin des ressources matérielles de quatre terres si tous les habitants du monde consommaient à ce rythme.

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Le pays émet également 13 tonnes de dioxyde de carbone par habitant et par an, soit environ 13 fois la quantité émise par un habitant moyen en Afrique.

Alors, comment le pays peut-il obtenir d'aussi bons résultats dans l'indice des ODD ? Parce qu'il obtient d'excellents résultats en matière de "développement", même s'il est moins performant en matière de "durabilité".

Cela ne veut pas dire que les Objectifs de développement tels que l'éradication de la pauvreté et l'égalité entre les hommes et les femmes ne sont pas essentiels, bien sûr. Mais en matière d'économie, l'obsession de la croissance - inscrite dans l'ODD 8 des Nations unies et dans l'ensemble de l'agenda 2030 - n'est pas bonne pour la planète.

Le développement et la durabilité peuvent-ils coexister ?

Le produit intérieur brut est une mesure de tous les biens et services finaux produits dans un pays. C'est l'indicateur par lequel de nombreuses organisations internationales (dont les Nations unies) mesurent la croissance et le développement.

Mais le PIB ne tient pas compte de l'impact sur l'environnement. Par exemple, investir de l'argent dans l'armement ou les combustibles fossiles augmenterait le PIB d'un pays. En effet, les dépenses militaires des États-Unis représentent 3 % du PIB du pays.

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Mais dans un document de recherche publié en mars dernier, Karl Johan Bonnedahl et ses coauteurs décrivent le PIB comme étant "aveugle" à l'environnement.

Le discours sur le développement durable ne porte pas toujours sur le développement durable. Il s'agit de soutenir le développement.

C'est un excellent exemple de la façon dont le "développement" et la "durabilité" ne font pas toujours bon ménage.

"Il y a une phrase que j'aime bien : le discours sur le développement durable ne concerne pas toujours le développement durable. Il s'agit plutôt de soutenir le développement", déclare Karl Johan Bonnedahl.

Ce professeur et ses collègues appellent à de nouveaux objectifs de développement durable qui donnent la priorité à une "durabilité forte" - en tenant compte des limites écologiques en termes de bien-être et de croissance de la population humaine.

"Les objectifs que vous choisissez ne sont pas neutres. Ils reflètent des valeurs particulières", explique Karl Johan Bonnedahl."Et donc, accordons-nous de l'importance à la sauvegarde de la planète ?", conclut-il.

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