Le monde en colère : panorama des manifestations qui ont secoué 2019

L'année 2019 aura été marquée par de nombreuses manifestations dans les rues du monde entier. Point commun à tous ces mouvements populaires : la lutte contre les inégalités, contre la corruption et pour la liberté politique. La plupart de ces mouvements sont nés au même moment, s'inspirant les uns des autres sur la façon d'exprimer leurs demandes et de se battre pour leurs idées. Le droit des femmes, le climat et les violences policières qui ont émaillé nombre de ces manifestations ont aussi mobilisé partout dans le monde.
Panorama non exhaustif de ces mouvements populaires.
En Europe
En France, les manifestations anti-gouvernementales ont été dominées par les Gilets jaunes. Certaines d'entre elles se sont terminées par des émeutes majeures, les plus violentes depuis celles de Mai 1968.
Poussés dans la rue à la mi-2018 par la hausse du prix de l'essence et le coût élevé de la vie, les manifestants ont accusé le gouvernement d'ignorer les besoins des citoyens ordinaires.
Depuis le mois de décembre, c'est le mouvement contre la réforme des retraites qui mobilise le pays de manière plus visible que le mouvement des hospitaliers qui sont peu descendus dans la rue mais qui manifestent par la grève depuis le milieu de l'année et des actions dans leurs hôpitaux.
Dans certains pays d'Europe de l'Est, comme en Géorgie, mais aussi en Albanie et en Roumanie, la corruption est à l'origine des mouvements antigouvernementaux, les manifestants exigeant également des réformes pour plus de démocratie.
En Amérique du Sud
En 2019, il y a aussi eu un "printemps latino-américain".
Au Chili, tout a commencé par une augmentation des tarifs du métro, véritable goutte d'eau qui a fait déborder le vase. La frustration face au coût élevé de la vie a alimenté la colère de milliers de personnes. Le pays est l'un des plus riches, des plus stables et des plus pacifiques du continent sud-américain, mais il est aussi le plus inégal.
En Equateur, une grève générale paralyse le pays. Le président a déclaré l'état d'urgence et a ensuite annulé ses mesures d'austérité.
En Bolivie, des allégations de fraude électorale lors des élections générales ont déclenché des manifestations de masse anti et pro-Morales. Le Président Evo Morales s'est enfui au Mexique. Un nouveau vote est attendu dans les prochains mois.
Les manifestations politiques violentes se sont aussi enchaînées au printemps au Venezuela.
Au Moyen-Orient
Iran : une augmentation surprise du prix du carburant a été l'étincelle qui a poussé des centaines de milliers d'Iraniens dans tout le pays à protester contre le gouvernement. Selon des organisations internationales de défense des droits humains, des groupes d'opposition et des journalistes locaux, des centaines de personnes ont été tuées lors de cette répression. Afin de masquer les pires troubles depuis 40 ans, le gouvernement a bloqué internet dans tout le pays pendant une semaine.
En Irak, le Premier ministre Adil Abdul-Mahdi a démissionné sous l'impulsion de manifestations de masse contre la corruption et l'inefficacité des services publics.
Au Liban aussi, le gouvernement a démissionné après avoir annoncé une augmentation des impôts en pleine crise économique. La contestation a perduré au-delà de cette annonce.
Au Maghreb
L'Algérie a été l'épicentre des manifestations dans le Maghreb. L'annonce de la candidature de Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat présidentiel était celle de trop pour des millions d'Algériens.
Après des semaines de manifestations de masse, Abdelaziz Bouteflika a fini par abdiquer alors que l'armée lui retirait son soutien. De nouvelles élections ont eu lieu en décembre, mais les manifestants continuent de sortir dans les rues car ils considèrent que l'ancien régime dirige toujours le pays.
En Asie
À Hong Kong, tout a commencé par un projet de loi controversé sur l'extradition. Le projet de loi a été retiré, mais les manifestants veulent maintenant des réformes démocratiques plus profondes.
Les troubles à Hong Kong sont loin d'être terminés. Les manifestations rassemblent moins de monde mais se durcissent... et devrait perdurer tout au long de 2020.
En Inde, début décembre, une loi est votée qui modifie les modalités d'accès à la nationalité indienne pour les immigrants illégaux : elle exclut notamment les réfugiés de confession musulmane et déclenche des manifestations qui perdurent depuis et où plus de 25 personnes ont perdu la vie. Comme en Iran, le gouvernement a eu recours à un couvre-feu et à une coupure d'internet.
Des thématiques qui dépassent les frontières
La corruption, la vie chère ou le népotisme se retrouvent au départ de nombre contestations qui ont secoué 2019. Mais d'autres sujets ont traversé les frontières.
Des manifestations féministes
Dans les suites du mouvement #MeToo, les manifestations pour les droits des femmes et contre les violences conjugales et violences faites aux femmes en général ont été particulièrement importantes.
Aux Etats-Unis, les femmes ont réitéré, en janvier, leur opposition à Donald Trump pour le deuxième anniversaire de son investiture, mouvement devenu manifestation pour ces femmes. Le même mois, en Equateur, des milliers de manifestants ont marché dans les rues de Quito pour protester contre les violences faites aux femmes.
La journée du 8 mars, journée mondiale pour les droits des femmes a été l'occasion de marches en Europe comme dans le reste du monde. Elle a été particulièrement suivie en Espagne où les femmes étaient appelées à faire grève. Toujours en Espagne, les mouvements féministes ont été particulièrement actifs cette année et ont manifesté contre les suites judiciaires données à une affaire de viol collectif ou contre les violences conjugales et féminicides et bien sûr le 25 novembre, lors de la journée mondiale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes.
Les manifestations organisées en Europe ou en Amérique du Sud à cette occasion ont battu des records de participations. L'Inde, pays particulièrement violent pour les femmes, s'est mobilisée début décembre, les manifestant chantant et dansant "Un violeur sur ton chemin", paroles de Las Tesis, un chant militant créé par des féministes chiliennes et repris partout dans le monde. Notons aussi, parmi les autres événements plus locaux, que près de 600 personnes ont repris le chant militant historique du Mouvement de Libération des Femmes (MLF) lors d'un match de la Coupe du monde féminine de football en France.
Des manifestations pour le climat
Autre grand mouvement de fond et d'ampleur : les marches pour le climat. Le mouvement "Friday For Future", mouvement de grève scolaire lancé par Greta Thunberg, a été suivi par des jeunes du monde entier et est à l'origine de plusieurs manifestations de jeunes au cours de l'année notamment mi-mars. En France, la marche du 16 mars, renommée Marche du Siècle, avait été relayée par des Youtubeurs et des ONG et avait rassemblée plus de 150 000 personnes dans tout le pays selon les organisateurs.
Les plus grands rassemblements se sont tenus à l'occasion du sommet des Nations unies sur le climat en septembre puis le 6 décembre en marge de l'autre grand sommet sur le climat, la COP25 à Madrid.
Des manifestations contre les violences policières
Avec les manifestations se sont multipliés les heurts entre manifestants et forces de l'ordre. Dans plusieurs pays, on dénombre des morts : c'est le cas en Irak, en Iran mais aussi en Bolivie, au Chili ou en Inde. Hong-Kong n'a qu'un mort accidentel à déplorer et l'Algérie un seul décès par arrêt cardiaque en quasiment un an de manifestations pacifiques.
Les blessés en revanche se comptent par milliers. La France n'a pas été en reste et a été rappelée à l'ordre en la matière par la haut-commissaire aux droit de l'homme des Nations unies.
Et dans tous les cas, des blessés aux yeux. Tant et si bien que ces blessés sont devenus des emblèmes dans des manifestations pour dénoncer les violences policières comme au Chili, à Paris, à Hong Kong.